Chapitre 1

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«Frappe ! Esquive ! Cherche le point faible ! »

L’agent Mils hurlait comme un entraineur sportif pour que ses consignes soient appliquées. Il avait beau dire, son élève le surpassait très largement et ceci depuis longtemps. Il balaya la salle d’entrainement du regard; c’était un grand terrain en terre battue surplombé d’un dôme de près de trente-cinq mètres de haut. L’armature en supracier, un acier modifié, le rendait résistant à tous les entrainements que subissait quotidiennement le sujet 11-500.

« Voila, chope son bras et utilise son canon contre lui ! »

11-500 affrontait un CRESUS-III, sorte de robot de sept mètres de haut contrôlé à distance par un pilote. Bien qu’il ne mesurât qu’un mètre quatre-vingt-cinq, le sujet prenait toujours le dessus sur ses adversaires. Après un coup d’épée dans l’un des circuits imprimés du cœur du robot, ce dernier s’écroula dans un vacarme métallique.

« Ok c’était bien, continue comme ça ! lui dit son mentor en lui tapant sur l’épaule

-Il faudra renforcer mes lames lui répondit-il sans aucune émotions »

Un applaudissement retentit alors à l’autre bout du bâtiment circulaire et un homme d’une quarantaine d’années en blouse médicale s’avança vers les deux hommes.

« Mils, nous aurions besoin de réduire la séance d’entrainement d’aujourd’hui lança le scientifique

-Mais enfin, il faut qu’il soit prêt pour après-demain ! se plaignit l’agent spécial

-C’est justement pour cela qu’Anton doit me suivre lui répondit son interlocuteur »

Le jeune homme frémit en entendant son nom, si rarement prononcé par ses pédagogues. Il pouvait ressentir la tension de Mils mais plus grande encore était celle du professeur Kélien. Anton laissa les deux hommes à leurs échanges bien peu cordiaux et alla rechercher sa lame encore planté dans le géant d’acier. Celle-ci était composée de carbonite, un carbone soufflé ultra résistant et très léger. En l’inspectant, Anton se reposa la même question que chaque matin depuis 14 ans :

« Suis-je un humain ? »

Lorsqu’il vit le reflet de son regard sur la lame polie, il fut une nouvelle fois fixé sur lui-même. Ses yeux étaient totalement dépourvu d’autres couleurs qu’un noir de jais sinistre qui lui donnait un regard monstrueux. Son corps, musclé et fort, lui conférait une puissance presque cinq fois supérieur à n’importe quel humain. Il rangea ses armes dans un des placards et regarda longuement l’enregistrement vidéo de son combat sur un écran portable.

« Anton, tu me suis ? lui dit-on dans son dos »

Il se retourna, penseur, et suivit le professeur Kélien qui l’emmenait vers sa cellule. Un grand silence s’installa dans le long couloir bordé de lumières à intervalles régulières dans lequel ils s’engouffrèrent.

« Bon, tu as bien retenu ce que tu devras faire après-demain ? lui demanda Kélien pour casser ce malaise

-Oui, mais j’ai quelques doutes sur le paragraphe huit, en particulier sur l’alinéa cinq de mon discours lui répondit le jeune homme sans se tourner vers son tuteur

-La partie sur les vermines des bas-quartiers ? s’enquit le professeur, Enfin, Anton, il faut bien galvaniser les troupes, ils ne t’ont jamais vu et fondent de grands espoirs dans tes capacités ! »

Ils tournèrent dans un couloir dérobé sans éclairage et tombèrent nez-à-nez avec le Sergent Dean Crikk.

« Salut mon grand, c’était bien ton entrainement ? lança le garde du corps d’Anton d’un ton paternel

-Ouais, c’était facile lui répondit celui qu’il considérait presque comme son fils

-Sergent Crikk, veuillez-nous laissez passer ! ordonna Kélien

-Bien monsieur répondit Dean sérieusement »

Ils dépassèrent le soldat et continuèrent vers le halo de lumière qui pointait au bout du lugubre corridor.

Lorsqu’ils entrèrent dans la cellule, le professeur se retourna vers son sujet d’étude .

« Tu vas rester ici aujourd’hui pour réviser ton discours lui dit Kélien autoritairement

-Mais…. Protesta Anton

-Pas de mais ! Tu révise ! lui ordonna le professeur en lui pointant son bureau du doigt. »

Le professeur quitta la cellule et Anton se jeta sur son lit en ruminant. Il fixa le plafond de sa cellule. Celle-ci ressemblait à la chambre de n’importe quel étudiant vivant dans un internat, dépouillée de toute personnalisation. Entre l’entrée et la fenêtre barré, qui donnait sur le quartier de l’Hiver, il y avait bien 6 mètres dans lesquels se trouvait un lit austère, un simple meuble pour ranger des vêtements et un bureau pour travailler. Il ferma les yeux et se concentra. Son oreille extrêmement affiné lui permettais de compter les pas de Kélien dans le couloir et dès lors qu’il fut à bonne distance, Anton sortit une grande carte de dessous son lit.

Celle-ci, fruit d’une observation minutieuse et longue de tous les recoins du Département des Recherches et du Développement lui détaillait l’intégralité des couloirs qui perçaient les cinq bâtiments du DRD. Il passa donc la journée à préparer son plan pour le lendemain. Il voulait partir au plus vite, en tout cas avant d’être intégré aux Forces de Polices ce qui ferait de lui une arme sans humanité au service de la Cité. Il ne dormi pas de la nuit et s’assura jusqu’à tôt le lendemain matin que son plan n’avait pas de failles.

Lorsque le soleil apparu entre les tours de l’Hiver, Anton était prêt à passer à l’action. Il prit le temps néanmoins de faire sa toilette sommaire, d’enfiler sa tenue renforcée au caoutchouc pare-balles et d’apprécier l’arrivée du Soleil à travers ses barreaux. A droite de sa fenêtre, une illustration tirée d’un manuel expliquait le fonctionnement de la Cité. La ville était séparée en 5 secteurs distincts à savoir la Hauteville qui concentrait toute l’administration, et les quatre secteurs de la Basse-ville contrôlés par les gangs et les clans qui les composaient. Représentant les quatre saisons, il y avait donc l’Hiver, le Printemps, l’Eté et l’Automne.

Anton rangea alors le précieux document dans sa poche et commença à s’élancer dans le petit couloir sombre. Arrivé au bout, il scruta les alentours et comme prévu les scientifiques n’arriveraient pas avant une demi-heure ce qui lui laissait du temps pour s’enfuir par l’entrée. Il sortit sa carte et prit la direction de la salle d’entrainement. Tout en courant, il se remémora son plan qui consistait à récupérer son équipement, forcer le passage de l’entrée et fuir la ville ensuite.

Soudain, il entendit le son caractéristique d’une arme de poing sortit de son étui et sans pouvoir s’arrêter, il rentra dans un inconnu à l’angle d’un des couloirs. Les deux hommes endoloris se relevèrent péniblement avant de se tourner l’un vers l’autre et de se reconnaître stupéfaits.

« Anton, qu’est-ce que tu fais ici ?!! lui lança Dean qui faisait sa ronde matinale

-Lâche-moi ! lui répondit Anton qui tentait de fuir malgré tout »

Le solide homme parvint tout le même à retenir le jeune effronté et lui lança avec autorité :

« Calme-toi gamin et explique moi ce que tu fais à 5h 45, en tenue de combat à courir dans les couloirs ?!

-Je fais ce que je veux, t’es pas mon père ! hurla l’agité qui avait bien du mal à garder son calme »

Soudain, Crikk leva sa grande main droite et lui asséna une gifle monumentale qui aurait sans nul doute assommé un solide gaillard. Le jeune homme se retrouva quelque mètres plus loin, abasourdi et endolori par la violence du choc.

« Bon écoute moi petit, ça fait 12 ans que je te surveille et que je te protège ! S’il y a bien quelqu’un qui peut se prétendre être ton père c’est moi ! Alors tu va me dire ce qui te tracasse et arrêter de jouer à l’enfant de 6 ans ! lui lança l’homme qui le tenait en respect »

Anton réfléchit un instant puis se lança rapidement :

« Bon écoute Dean, je n’ai pas beaucoup de temps mais je veux partir d’ici ! Je ne suis pas une arme, je suis un humain comme un autre et à ce titre j’ai le droit à la vie ! Alors même si tu essaie de m’arrêter je m’enfuirais demain ou un autre jour encore ! criât-il au bord des larmes »

Le vieux vétéran fixa Anton et regarda l’homme qu’il était devenu. Plus fort que n'importe quel soldat, plus intelligent et vif que tous. « Il pourrai être une arme spectaculaire entre de mauvaises mains » se dit-il

Il rangea son revolver de sa main gauche et tendit l’autre main à Anton.

« Viens avec moi, il est temps que je réalise la promesse que je m’étais faite de t’aider si tu voulais t’enfuir le jour où tu serais un homme lui dit son mentor emplit de fierté »

Les deux hommes traversèrent le long couloir principal et atteignirent rapidement la porte de la salle d’entrainement. Ils enfoncèrent violement la porte à coup de pied et réveillèrent les deux gardes assoupis qui se reposaient dans les gradins. Ceux-ci n’eurent pas le temps de comprendre ce qui se tramait et reçurent deux balles chacun de l’excellent tireur. Anton alla tout de suite récupérer ses armes et ne s’attardant pas, les deux compagnons partirent par la porte opposé à celle par laquelle ils étaient arrivés.

Soudain, alors qu’ils traversaient le neuvième couloir du bâtiment D, un sirène d’alarme retentit car les détonations de la salle d’entrainement avaient alerté la vigie qui les suivait maintenant grâce à un fastidieux système de caméras. Bientôt, c’était toute la garnison qui était à leur trousse et ils durent courir très vélocement pour leur échapper.

Aux abords du dix-septième couloir, Dean commença à faiblir et ils durent s’arrêter.

« Continue fils, tu dois t’en sortir ! lui dit-il sans perdre un instant

-Pas question de t’abandonner lui rétorqua son élève avec naïveté

-Au contraire, quitte cette ville maudite et rend toi dans le quartier de l’Hiver lui expliqua son père adoptif en toussotant, il y a là-bas un homme qu’on surnomme le Fléau de L’Hiver, dit-lui que tu viens de la part du Massacreur, il t’aidera !

-Mais…

-Va ! lui lança celui qu’il verrait pour la dernière fois »

Dean se plaça alors dans l’angle de façon à abattre le plus de poursuivants avant d’être submergé. Anton, les larmes aux yeux, partit aussi vite qu’il le put, ne se retournant pas lorsqu’il entendit les premières salves de pistolets.

Au bout du couloir il se retrouva coincé dans un cul de sac donnant sur une baie vitré, il s’était trompé d’intersection.

Les gardes ne mirent que peu de temps à le rattraper et se placèrent en barrage de façon à l’empêcher de passer. Derrières eux survint le professeur Kélien qui observait le fugitif d’un air narquois.

« Alors mon grand, on se promène ? lui lança le scientifique

-Ne faites pas un pas de plus ou je saute ! répondit Anton en brisant la baie du pommeau d’une de ses lames

-Je te le déconseille, il y a bien 150 mètres de vide, même toi tu n’y survivrais pas

- Pourquoi n’ai-je pas le droit de vivre, de voter, d’avoir des amis ? s’enquit le jeune homme avec tristesse

-Tu ne peux rien avoir car tu es différent expliqua le scientifique froidement.

-Que faut-il avoir pour être normal ?

-Hum, je dirais qu’il faut être humain et toi tu n’es pas humain. »

Anton se tourna alors vers la ville qui se réveillait devant lui et prit un grande inspiration de l’air si pur du matin. Il dit alors avec gravité :

« Je m’appelle Krieg ! hurla-t-il devant l’incroyable étendue de la Cité. Retenez bien mon nom, vous qui m’aviez traité comme une chose sans âme ni conscience, retenez bien mon nom, chiens fidèles au service du mal, retenez bien mon nom vous qui brisez des vies, retenez bien mon nom pourceaux de Banon car si je ne peux être humain, alors je serais inhumain ! »

Dans un grand mouvement de bras, il s’élança dans le vide

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