Chapitre 3

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Un coup de machette artisanale fendit l’air et transperça chair et tendons. Une gerbe de sang gicla sur le sable brûlant de l’Arène du Purgatoire sous les acclamations d’un public enivré par cette violence inouïe. Le gladiateur, couvert de protections rudimentaires, n’eut pas le temps d’hurler que son adversaire lui perçait déjà la jugulaire d’un coup d’estoc. L’homme, mortellement touché, s’effondra dans un vacarme métallique.

Le commentateur se déchainait dans son micro et félicitait le vainqueur avant que celui-ci ne succombe à son tour, percé à vif par une lance faite de morceaux de tôles soudés les uns aux autres. C’était la loi de l’arène, vaincre ou mourir.

Le dernier en vie deviendrait alors l’un des gardes du corps du seigneur de ces lieux. Mais le combat tournait court et le public se lassait déjà de ces hommes qui n’étaient pour eux que des produits jetables sans valeurs réelles.

*

Assis au centre de la tribune seigneurial, le chef des Elus du Mal commençait à trouver le temps long et il lui tardait de rentrer dans ses quartiers. Son clan s’était étendu sur tout le quartier de l’Automne et il se sentait fier de ses quelques sept-cent mille hommes qui administraient plus de dix millions d’âmes.

Le soleil reflétait sur son armure massive, d’un rouge infernal. Sa peau, brûlée et rougit lui conférait une effrayante prestance et quiconque voulant l’affronter y réfléchirait à deux fois car il paraissait sortir tout droit des comtes anciens sur les démons de l’Apocalypse et même ses conseillers le craignait.

Il se leva soudainement et réclama son arme. Ses serviteurs ne se firent pas prier et se mirent à trois pour lui apporter l’objet demandé. C’était une sorte de masse d’arme de la même couleur que son armure qui, une fois reliée à celle-ci, se transformait en lance-flamme qui crachait le feu par la tête tel un dragon des Temps Anciens. Percé de pointes acérées, cette effrayante machine aurait à elle tout seule suffit à faire reculer le plus brave des soldats.

Il saisit alors l’engin pyromane d’une seul main et ordonna qu’on le laisse descendre dans l’arène. Lorsqu’il apparut sur la piste, tous les regards se tournèrent vers lui et la foule scanda son nom en cœur :

« Moloch ! Moloch ! Moloch ! »

Car tel était son nom, Moloch le Léviathan, le Seigneur Des Enfers, le Roi de l’Automne et l’Invaincu de l’Arène. Les gladiateurs se rassemblèrent afin de l’affronter ensemble tout en sachant qu’ils n’avaient aucunes chances.

Le premier courageux ou imprudent s’élança pour le transpercer de sa frêle épée mais ne reçut qu’un monstrueux coup de masse qui lui décolla la tête. Celle-ci roula sur le sol et Moloch s’en saisit afin de la présenter à la foule en extase.

Trois autres combattants chargèrent ensemble mais ne purent rivaliser face au Géant de Feu qui envoya voler le premier dans un fracas d’os brisés, brûla le second qui hurla à la mort et saisit le troisième à la gorge. Il le souleva aisément d’une main à tel point que ses pauvres pieds ne touchaient plus le sol; en refermant le poing, il lui écrasa les cervicales et jeta le corps sans vie à ses pieds. En l’espace de deux minutes, il avait mis quatre adversaires à terre et soumis les autres qui lui imploraient la clémence.

*

Les gardiens de l’arène avaient même bien du mal à contenir la foule qui n’avaient d’yeux que pour le vainqueur et qui voulait descendre dans sur la piste pour l’acclamer. Moloch remonta alors dans sa tribune, applaudit par tout son personnel qui le respectait autant qu’il le craignait. Il se rassit sur son trône, fait d’un alliage de métaux précieux et incrusté de pierres précieuses. Le médecin personnel du seigneur, Baal Le Fou, vint alors à sa rencontre.

«Bonjour fils lança celui qui avait accueilli Moloch dans le clan comme si c’était son propre enfant

-Salut Baal lui répondit-il avec une voix grave et effrayante. Comment vont les affaires aujourd’hui ?

-Et bien j’ai une excellente nouvelle, Moloch ! Tu te rappelles ce soldat qui avait affaibli considérablement nos ennemis de la Horde ?

-Bull…… Bull le Fléau de l’Hiver se souvint alors le maitre des lieux. Oui, et alors que veut-il ?

-Je crois qu’il souhaiterait que nos deux clans passent un accord.

-A quel sujet ? Ses hommes, ses Sourieurs ne m’inspirent aucune sympathie.

-Bah… Ce n’est qu’un masque et d’autre part Bull veut détruire définitivement la Horde, ce qui n’est pas à notre désavantage. N’est-ce pas ? »

Un éclair d’intelligence traversa l’esprit de Moloch et il se mit à repenser à sa dernière rencontre avec la Horde de l’Hiver et comment cela s’était-il terminé. C’était le 30 du mois de juin 164 après Lokhan, la tragédie nucléaire. Son père et ses amis parlaient politique et se reposaient dans la demeure familiale des Despierres après une rude journée de discours enflammés aux tribunes du Conseil Général d’Exécution, véritable concentration de tous les pouvoirs de la Cité. Lui-même dormait dans sa chambre, inconscient de l’attentat qui se tramait. A minuit moins vingt-trois, plus de trois-milles miliciens de la Horde investirent les lieux et massacrèrent les occupants. Ce gang de la Basse-ville avait été grassement payé par Bart Banon et son parti conservateur qui voyait d’un mauvais œil l’ombre que lui faisait le parti Libertin de Sir Perceval Despierres. Le père de Moloch fut tué et lui-même fut brûlé gravement sur tout le corps. Il aurait dû mourir mais grâce à ses amis, qui l’emmenèrent au cœur de l’Automne chez Baal le Fou, il survécut et développa une haine totale contre la Horde et la Hauteville.

Aujourd’hui, chef des Elus du Mal et donc de tout le quartier de l’Automne, il avait enfin une occasion de massacrer la Horde jusqu’au dernier et d’envoyer un message très clair à Banon et sa clique.

«Excellente nouvelle effectivement ! lança Moloch. Bien ! Baal rassemble les officiers, je veux que les 7 corps d’armées soient prêt pour demain à midi.

-C’est entendu, je te laisse discuter avec l’émissaire des Sourieurs, il t’attend dans tes quartiers. »

Moloch se leva alors et, quittant l’arène, rejoignit une sorte de palais directement relié au Purgatoire par une série de couloirs. Il traversa plusieurs salons d’apparats dignes des plus prestigieuses familles de la Hauteville, puis se retrouva face à une immense porte dorée d’où l’attendait sa garde personnelle. Il rentra dans ses quartiers et salua distinctement l’étranger qui s’était assis poliment sur le siège nacré qu’on lui avait indiqué. C’était un homme d’un âge mûr qui, sous son immense exosquelette, paraissait dénué d’intentions agressives.

«Enchanté de vous connaitre, Seigneur de l’Arène dit l’inconnu en faisant une courbette assez ridicule devant Moloch

-Tout le plaisir est pour moi lui répondit son interlocuteur sans aucunes émotions

-Permettez-moi de me présenter. Je suis Faran, colonel et ambassadeur des Sourieurs ! Notre bien-aimé seigneur, Bull Le Fléau de l’Hiver, tient à vous offrir la possibilité de construire une alliance durable entre nos deux clans pour soumettre la Horde et la détruire.

-Cela m’intéresse en effet, mais comment savoir que vous ne nous trahirez pas à la première occasion ? lui demanda Moloch assez méfiant

-Et bien c’est simple, Seigneur, nous vous proposons de récupérer toute les armes de la Horde tandis que nous récupèrerons l’Hiver dans son intégralité. »

Moloch, tout en fermant les yeux, prit alors une énorme inspiration.

« -Je veut que tout soit consigné dans un traité officiel, après cela nous signerons une alliance durable entre nos deux clans et ainsi nous pacifierons la moitié de la Basse-ville.

-C’est entendu, puissant seigneur. Quand pourrez-vous être prêt à partir en guerre ? s’enquit Faran

-J’ai déjà fait préparer mes hommes, nous attaquerons la base de Kalinka demain à midi précise

-Je vous remercie, quant à nous nous attaquerons par le versant Ouest vers midi également. »

Moloch congédia le Sourieur et interrogea l’un de ses conseiller sur la façon de rendre cette affaire publique.

«Vous pourriez faire une allocution à l’Arène tout de suite lui conseilla le vieux guerrier

-Hum… C’est une excellente idée, Ma’Ark ! s’exclama Moloch tout en repartant vers l’Arène. »

Les combats touchaient à leurs termes et les gens commençaient à sortir des gradins quand soudain un appel au micro retentit dans l’air.

«Chers Elus !!!!!! lança Moloch sous un déluge d’acclamations. Nous sommes aujourd’hui sur le point de faire un pas de géant pour l’Histoire !!!!! «

La foule se déchainait en applaudissements et en cris sans que quiconque ne puisse l’arrêter.

«Aiguisez vos lames, rechargez vos armes et soyez prêt ! Car demain, le soleil de midi sonnera le glas de la Horde !!! Alors préparez-vous et suivez-moi au combat mes frères !!! »

Même les policiers de la Portesuda pouvaient entendre le déchainement de l’Arène du Purgatoire dont les cris s’élevaient à mille lieues à la ronde. S’en était fini de la Horde et de sa tyrannie, mais combien de braves faudrait-il enterrer pour que l’ennemi fusse vaincu ?

C’est sur cela que médita Bull toute la nuit au point de ne jamais trouver le sommeil.

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