Chapitre 1.1

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Une petite main tire sur sa manche. Elles sont dans une planque. Aussi identiques que des jumelles, bien que quinze ans les séparent. Blondes, pâles, fines. La petite cherche l'attention de son aînée qui éteint son appareil et retire son casque pour le poser sur son bureau. Elle sourit à l'enfant.

- Qu'est ce qu'il y a, Maddy ? Tu ne devrais pas être couchée ?

La gamine se tortille, mais une moue malicieuse se dessine sur son visage.

- Je voulais te voir, tu es partie longtemps.

Maddy grimpe sur ses genoux.

- Tu fais quoi ? L'interroge-t-elle, la voix emplie de curiosité.

- J'enregistre notre histoire.

- Oooooh. Je peux dire un truc, je peux ? S'il te plaît ?

Elle tend la main et saisit le magnétophone, tout sourire.

- Coucou les gens qui écoutent ! Je m'appelle Maddison, j'ai cinq ans ! Mon Axel c'est la meilleure, elle est trop gentille vous allez voir.

Axel rit.

- Merci Maddy. Tu peux aller dormir maintenant ?

- Hum... Si j'ai un câlin, peut-être.

La petite éclate de rire quand Axel l'embrasse dans le cou.

- Allez canaille, je te rejoins.

- Promis ?

- Promis.

Maddy file. Axel, après un regard vers son magnétophone, la suit. Quelques minutes plus tard, elle est de retour. Reprenant son appareil, elle vérifie son enregistrement. Elle fronce le nez, le trouvant trop expéditif. La jeune femme fait la moue, met le fichier sur une clé USB et décide de tout recommencer. Ce n'est pas suffisant. Elle reprendra quand elle aura plus de temps. Quand elle et Maddy seront en sécurité.

Tanysha vient de me passer un magnéto. Selon elle, je dois raconter mon histoire, pour que les autres puissent saisir. Par les autres, je suppose que je parle de vous qui m'écoutez. C'est assez dérangeant de parler dans le vide tout en sachant que quelqu'un pourra vous entendre bien plus tard.

Bref. En réalité, je n'ai pas besoin qu'elle argumente, je comprends ses raisons, j'ai même déjà fait un premier enregistrement, il y a un moment, quand Maddy et moi étions en fuite. Je n’en étais pas satisfaite. Je suppose que le moment est venu de recommencer.

Il serait complexe de comprendre dans quoi je suis empêtrée sans savoir par quoi je suis passée. Mesdames, messieurs, voici mon histoire.

J'avais trois ans, je crois, quand l'organisation commença à s'intéresser à moi. Une femme me suivait partout. Elle venait me voir à la maternelle, passait dans ma rue. Son visage est maintenant bien plus frais dans ma tête que celui de mes parents. Normal, je le vois à chaque fois que je regarde un miroir. Je me sentais bien avec cette femme. J'aimais la voir et mes parents n'étaient pas contre, me poussant même à l'accepter, comme si elle était de ma famille. Je me souviens que vers mes quatre ans, elle décida de me laisser des jeux de logique. Des dessins, des schémas. À cet âge-là, grâce à ces "jeux", j'apprenais la lecture et la base des mathématiques. La difficulté montait et, à cinq ans, je savais parfaitement lire. À six ans, l'organisation déclara que j'étais prête.

La femme obtint la signature de mes parents, elle avait ainsi le droit de me prendre à la sortie de l'école. Moi, évidemment, je partis avec elle, je l'aimais bien. Je pensais rentrer chez moi mais la dame n'était pas de cet avis. Ma main fortement serrée dans la sienne, je la suivis. J'étais confiante. Et je n'ai jamais cessé de l'être jusqu'à... jusqu'à bien plus tard.

La femme monta dans une grosse voiture. Je me rappelle avoir été très impressionnée par le chauffeur qui avait une carrure forte et des yeux camouflés par de minces lunettes teintées. Je me rappelle aussi avoir aimé la texture des sièges, tout moelleux.

Après un certain temps de route, une ou deux heures je crois, nous arrivâmes à Paris. Toutes ces lumières ! J'étais en extase face à toute cette animation. Le chauffeur nous accompagna jusqu'à une grosse maison qui ressemblait à un immeuble. La dame entra sans frapper. Cramponnée à sa main, je regardais partout. Une horde de femmes de tout âge marchait dans tous les sens, à toutes les vitesses. Il y avait des grands-mères pas si séniles, des fillettes de dix ans. Je ne vis aucun homme. Normal, il n'y en avait pas.

Il n'y en a toujours pas et il n'y en aura jamais.

Que je vous explique. Les Dames n'acceptent pas les hommes. Ils n'ont pas le droit d'entrer dans la Maison, cet endroit où je suis arrivée à six ans. Ils sont considérés comme impurs. Ils ne sont bons qu'à être chauffeur ou, dans un local, un local à part nommé Logis, à participer à l'entretien des armes ou encore comme soutien sur les missions en cas de grabuge non prévu. Ils sont une sorte de main d’œuvre si vous voulez, une main d’œuvre mise bien à l'écart. Pour ne pas polluer l'espace féminin. Les plus méritants peuvent se voir octroyer une promotion. Malheureusement, elle s'accompagne toujours de la chute d'une Dame.

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