Soirée Pyjama

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3 juillet, Reppe, Belgique, Europe.

Cela avait été une idée de Margzetta. Un soir, à table, elle avait proposé une soirée pyjama. L'idée avait d'abord séduit Blake et les autres avaient finis par accepter.

Il avait fallut ensuite tout organiser. Leur maison de Reppe ne contenait pas de chambre assez grande pour qu'elles tiennent toutes : Margzetta, et les cinq membres de KOBSE. Elles avaient donc envahi le salon. Repoussant les deux canapés le long des murs, Honor et Felicia avaient créé un espace libre où elles avaient étalés leur matelas dans un joyeux bazar.

Margzetta était chargée de leur mitonner une collation – Blake s'était proposée mais elles avaient toutes refusé au vu de ses goûts plutôt... végétariens et bios. Ekaterina réglait l'éclairage. Sun Mei cherchait des jeux de société.

À dix neuf heures, elles se changèrent toutes pour enfiler leur pyjama favori. Sun Mei s'assit en tailleur sur son matelas et commença à piocher dans le sac où elle avait rangés tous les jeux trouvés dans la maison.

— Ah ! s'exclama-t-elle en sortant une boite carrée. Avec ça, on va bien s'amuser.

Felicia s'installa en face d'elle. Elle portait un énorme t-shirt blanc à l'effigie des chutes du Nicaragua et un short de sport.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

— Tu vas voir, répondit Sun Mei en lui lançant un clin d'œil.

Puis, plus fort, pour que tout le monde entende, elle ajouta :

— Oyé, oyé, jeunes demoiselles ! Le jeu des vérités va pouvoir commencer.

Margzetta arriva de la cuisine avec deux grands saladiers de pop-corn et sachet de chips.

— Les cochonneries sont là, annonça-t-elle et Felicia décala son pied pour qu'elle puisse les déposer dans le seul espace libre au centre de la pièce.

Elle alla ensuite s'asseoir sur son matelas, légèrement en retrait. Elle préférait s'éloigner un peu. Car, si l'idée venait d'elle, elle avait l'impression de ne pas avoir sa place ici. À l'origine, elle ne vivait dans cette maison que parce qu'il fallait un adulte responsable. Elle aurait pu partir à la majorité de Blake, se trouver un appartement sur Bruxelles ou retourner en Italie, chez ses sœurs. Mais, elle était restée.

Ekaterina descendit les escaliers, vêtu d'un short en satin et d'un chemise. Honor la suivit bientôt dans son pyjama à imprimé fleuri, celui qu'elle mettait en général pour les soirées pyjama avec sa petite sœur.

Sun Mei tapa dans ses mains.

— Ça y est, on va pouvoir commencer. Pour lancer la soirée, je vous propose un jeu puisé dans les réserves du placard de Honor. Il s'intitule :  le jeu de la vérité, pour une bonne soirée entre copines.

— Oh non, se lamenta celle-ci en plongeant la tête entre ses mains.

— Et si !

Sun Mi lui tapota le dos pour la consoler.

— Tu saurais nous expliquer les règles ?

— Mmmh.

Honor lui prit la boîte des mains, l'ouvrit et en sortit un tas de cartes.

— Bon. C'est simple. Une commence. Elle tire une carte. Elle pose la question qui est écrite. Tout le monde doit répondre, sauf elle. Enfin, elle peut, mais, en général, elle ne le fait pas.

Un sourire énigmatique accompagna sa dernière phrase. Blake et Felicia échangèrent un regard.

— Il suffit de commencer, on verra bien !

Elles approuvèrent et Honor mélangea le paquet de cartes.

— Qui commence ? demanda-t-elle. Normalement, c'est la plus jeune.

Toutes se tournèrent vers Felicia qui avait appuyé son dos contre un pied du canapé. Sous leurs regards attentifs, elle tira la première carte du paquet. Elle la lut silencieusement et un étouffa un bruit. Elle jeta un coup d'œil à Honor qui l'encouragea.

— Comment définissez-vous votre attirance sexuelle ? lut-elle, le feu aux joues.

Un concert de petit couinement se fit entendre. Sun Mei éclata de rire.

— Je peux commencer, si vous voulez.

Blake et Honor hochèrent la tête.

— J'aime les filles.

— Ouais, on s'en doutait, dit Ekaterina après un petit silence en fourrant un grain de pop-corn dans sa bouche.

Il y un petit silence avant qu'elles éclatent toutes de rire. Blake en rajouta une couche :

— Tu aurais pu être un peu plus discrète, on a failli se douter de quelque chose !

— Oh, c'est bon ! implora Sun Mei. Allez, Kat, à toi.

Elle prit une profonde inspiration.

— Je suis hétéro. À cent pourcents.

— Cent pourcents ? Sûre ?

— Ouais, pour l'instant. Honor, c'est ton tour.

Elles finirent le tour de table – ou plutôt de lits, puisqu'il n'y avait pas de table – et Sun Mei, puisqu'elle avait été la première à répondre, eut l'honneur de tirer la carte.

— Qu'elles sont les initiales du premier garçon qui vous vient en tête ?

Elle posa la carte sur ses genoux avant de s'exclamer.

— Premièrement, cette question est totalement étrange. Deuxièmement, pourquoi ne demander que les initiales ? Il suffit de demander son prénom ou même son nom complet.

— Et... demanda Felicia, attendant qu'elle finisse.

— Comment ça et ?

— Et bien, tu connais, l'expression : jamais deux sans trois. Tu n'as énoncé que deux propositions.

Sun Mei souffla.

— Euh. Trois... heureusement que je n'ai pas à répondre ! Honor, à toi l'honneur.

Elle réfléchit quelques secondes.

— Eh ! Tu triches ! Ne réfléchis pas. Dis les premières initiales masculines qui te passent par la tête.

— EB.

Felicia marmonna entre ses lèvres « EB comme Edward Baxter. » avec un petit sourire.

— Je t'ai entendue ! Tiens, pour la peine, à toi  !

Felicia piqua un fard. Elle murmura quelque chose que personne n'entendit.

— Plus fort, l'encouragea-t-on.

— TL.

— Ne me dis pas que... Est-ce que c'est ce que je crois ? demanda Blake en posant une main sur sa bouche.

Felicia rougit encore plus et hocha la tête. Blake se leva d'un bond, bientôt suivie d'Honor.

— J'y crois pas ! Feli est amoureuse ! criaient-elles à tout tête en sautant entre leurs matelas.

Lorsqu'elles se calmèrent assez pour qu'elles se rassoient, Ekaterina demanda des précisions :

—Est-ce que je suis la seule à ne pas comprendre ce qui se passe ?

— Non, il y a moi, aussi, s'avança Sun Mei.

Margzetta leva la main en murmurant un « Moi aussi » insonore.

Après un hochement de tête approbatif de Felicia, Blake commença à raconter.

— Vous vous souvenez de l'été d'il y a deux ans ? Honor et moi, nous sommes allées en vacances chez la grand-mère de Feli. On a passé quoi,un mois ? On s'est bien marré. Mais je crois que c'est Felicia qui a eu les meilleurs vacances. À côté de chez nous, il y avait une famille qui venait de s'installer et... il y avait un garçon de notre âge. Il a tout de suite sympathisé avec Felicia.

— Et depuis, notre chère Felicia ne pense qu'à ce mignon TL ! conclu Honor en se tournant vers son amie qui se roulait en boule sous son plaid pour disparaître.

— Parce qu'il est mignon, en plus ? s'exclama Sun Mei.

— Très, répondit Blake, approuvée par Honor. J'aurais pu en faire mon goûter si je n'avais pas été avec Brook.

Felicia réagit immédiatement : elle jeta la couverture devant elle et lança un regard noir à Blake.

— T'inquiète pas, s'excusa-t-elle en riant. Il n'avait d'yeux que pour toi, de toute façon.

Elle se prit quand même un second oreiller en pleine figure.

— À ton tour ! lui lança Felicia.

— Vous êtes sûre ? Je peux passer en dernière, si vous voulez.

D'un coup, elle s'était faite toute petite, ce qui ne fit qu'accentuer la suspicion dans les yeux des filles.

— Non, c'est ton tour.

Plus moyen d'y échapper. Elle essaya de gagner un peu de temps en réarrangeant sa couverture mais ça ne servait à rien.

— CO, finit-elle par lâcher.

Felicia et Honor échangèrent un message. Sun Mei leva les yeux au plafond, sa position préférée pour réfléchir. Elles avaient beau chercher qui était CO, elles n'en avaient aucune idée. Blake s'en réjouit presque.

— Ekaterina, j'imagine que tu vas nous répondre AB ? supposa Sun Mei en pensant à Andris.

Elle l'avait formulée comme une question rhétorique mais Ekaterina prit plaisir à la contredire. Non, la première personne qui lui venait à l'esprit n'était pas Andris. C'était Antonio.

— AM, dit-elle en secouant la tête.

Ils n'avaient pas arrêté de se voir durant sa semaine aux États-Unis. Elle l'appréciait de plus en plus. Il lui avait montré ses photos, elle avait posé pour lui. Elle en était même venue à penser qu'elle pouvait l'inviter chez elle.

Devant l'incompréhension de ses amies, elle expliqua :

— Je l'ai rencontré à San Francisco.

— Et c'est sérieux ? demanda Honor, qui se faisait toujours du soucis pour ses amies.

— Je crois... J'avais l'intention de l'inviter. (Elle regarda ses amies tour à tour.) Vous pensez que je ne devrais pas ? Il est peut-être trop tôt...

Blake lui coupa la parole :

— Tu rigoles, j'espère ? Allez, vis ta vie ! Invite-le, marie-le, si ça te chante. Mais, fais-le parce que tu en as envie, pas parce que tu as le sentiment de devoir quelque chose.

Elle hocha la tête.

— Au fait, s'exclama-t-elle soudain, on n'a pas encore parlé des vacances. Vous venez toujours chez moi, hein ? J'ai réussi à obtenir la maison de Marseille pour un mois.

— Bien sûr ! acquieça Honor.

— La maison est super grande. Onze chambres. Ce qui nous laisse (Elle calcula rapidement dans sa tête.) au moins six chambres, si chacune de nous en prend une. Donc, je propose que vous invitiez quelqu'un chacune.

Elle capta un sourire de Blake.

— Évitez seulement de ramener quelqu'un que personne n'a envie de voir, précisa-t-elle. On va avoir de chouettes vacances !

Elles éclatèrent de rire.

Margzetta, appuyée contre le mur, n'avait pas bougé. Mis à part les allers retours entre les mains de Felicia que faisait le bol de pop-corn entre elle et le centre des matelas, aucune fille ne semblait se rendre compte de sa présence. Ekaterina, même si ce n'était pas son idée première, l'avait mise de côté en l'éloignant de son invitation.

Elle se releva en s'appuyant sur le mur pour s'aider. Elle n'avait pas vraiment sa place avec elle. Quittant le salon pour la cuisine, elle entendit une bataille de polochons commencer, envahie par les éclats de rire des cinq filles.

Margzetta esquissa un sourire. Elle pourrait les rejoindre. Mais elle se sentait trop vieille pour ça. Alors, à la place, elle enfila un tablier par-dessus son tablier, et commença à préparer un gâteau. Cela avait tendance à la détendre.

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