An American Week III - The charity gala

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12 juin, San Fransisco, Californie, USA, Amérique.

C'était un immense bâtiment couvert de pierre blanche, souvenir que l'histoire avait accepté de conserver, en hommage à son architecte, Leopold LeNancy, décédé au siècle précédent. L'allée, couverte d'un iconique tapis rouge avait été sublimée par des pétales de roses jetées sur les bords. Une mare de photographes et journalistes, attendait, pressée contre les cordons tendus. Ils semblaient affamés, la caméra avide comme la gueule béante d'une hyène. Il faisait jour ; l'après-midi déclinait à peine. Ils étaient semblable à une ruche de parasites.

Les célébrités, habillées avec la plus grande classe, s'éparpillaient sur l'allée. Sur ce sujet, il y avait deux écoles. D'un côté, on trouvait ceux qui fuyaient rapidement, tête baissée, vers la salle en espérant que personne n'ait eut le temps de les photographier. À l'opposé d'eux, ceux qui se pavanaient en attendant d'avoir fait la une des magazines people et des blogs de fans. Il y avait là, les deux catégories mélangées évoluant sur le parterre, des étoiles du cinéma, quelques milliardaires, propriétaires de yacht, champions de hockey, joueurs de base-ball à la retraite, producteurs tordus, réalisateurs controversés, femmes d'affaire, héritiers de grandes fortunes, princes de pays lointains, diplomates, chanteurs, peintres et toute une enfilée de gens qui apparaissaient de temps à autre à la page trois de People in Love.

Tout ce petit monde était venu s'empiffrer, dépenser des centaines de dollars et étaler leurs richesses et succès devant leurs semblables. Les galas de charité comme celui-ci était d'immenses temples à la vantardise hypocrite. Si Ekaterina n'avait pas été une des marraines de la fondation depuis de longues années, elle n'aurait jamais mis un pied dans la fourmilière. Voir des riches imbus d'eux-même batifoler et se pavaner au milieu de photographies d'enfants malades était presque répugnant.

Parmi tous ces gens riches comme Crésus, il y en avait beaucoup qu'elle connaissait. De nom, de visage, de réputation, ou seulement pour avoir échangé quelques mots avec eux lors d'un événement quasi identique. Mais elle ne s'attardait jamais avec ces gens-là. Là plupart du temps, ils ne cherchaient qu'à s'étaler sur eux même et baver sur les autres. Très rarement, pourtant, elle avait trouvé un compagnon de table idéal, calme, tranquille et intelligent. Cependant, elle trouvait toujours le moyen de lui découvrir un vilain défaut.

À deux voitures d'elle, Ekaterina repéra Starra qui sortait dans la foule. Elle était accompagnée de Gayan, leur ami commun. Certains tabloïds les surnommaient les Trois Terreurs, à raison sans doute. Ensemble, ils étaient semblables à trois divinités menaçant les hommes. Starra, étoile maîtresse, Gayan, la terre et Ekaterina, déesse menaçante de la mort.

Son sac en perles à la main, Ekaterina ouvrit la portière. À peine son talon se fut-il posé au sol qu'une nuée d'appareils photo crépitèrent. Elle manqua de faire une grimace mais, vraisemblablement, ce n'était pas le moment. Elle préféra afficher un masque froid et impénétrable. Derrière elle, sa voiture s'éloignait déjà et la suivante s'avançait. Il se jouait là un balai interminable.

Elle rejoignit Starra et Gayan qui marchaient lentement, comme s'ils étaient seuls au monde, loin des journalistes. Ils prenaient grand plaisir à montrer leur plus beau profil en même temps qu'une parfaite indifférence. Et le lendemain, leurs agents publicitaires seront sur le qui-vive en attendant qu'un billet d'un vieux blog enfoui sous internet publie un article à propos d'eux. Pour peu que l'article ne soit pas élogieux, cet agent tout neuf se retrouvera sans emploi le lendemain à la première heure.

— Ekat !

Starra écarta les bras avec un grand sourire mais au fond d'elle, on voyait une petite lueur de rancune qui teintait sa personne de noirceur.

« Bien sûr, elle m'en veut de lui avoir raccroché au nez. » pensa Ekaterina en soupirant intérieurement.

L'étroite accolade que la femme lui offrit lui coupa littéralement le souffle. Les coudes de son amie lui scièrent les hanches. Elle s'écarta du mieux qu'elle put avant que cette embrassade ne cause sa mort. Gayan lui colla une bise claquante sur la joue droite. « Lui aussi, m'en veux. » songea-t-elle en se rappelant ce qu'il lui avait dit quelques années plus tard. « Une pour les connaissances, deux pour les amis, et trois pour une confiance absolue. » Elle était désormais rétrogradée au rang de simple connaissance, elle qui avait été pendant longtemps d'« une confiance absolue » à ses yeux. Néanmoins, Gayan enfila son bras sous le sien tandis que tout l'être de Starra semblait lever les yeux au ciel.

Après une pose devant les photographes officiels qu'Ekaterina écourta le plus possible, ils pénétrèrent dans le bâtiment.

La soirée ne se passa pas de la meilleure des façons bien que, en extérieur, il ne sembla pas y avoir de problème, mis à part un malheureux cocktail renversé sur le corset de l'épouse d'un parieur sportif mondialement connu. Pourtant, Ekaterina ne se sentait pas bien. La main de Starra se refermait plus fermement autour de son bras à chaque tac de l'horloge, comme un serre d'aigle sur sa proie. La douleur, au commencement invisible devenait bientôt intolérable et toutes les fois où Starra l'avait lâchée pour discuter avec quelqu'un, Ekaterina s'était massé le bras. Pour ne rien atténuer un mal de tête immonde s'empara de son crâne à l'instant où un homme monta sur l'estrade pour prononcer un discours sur l'engagement.

Elle ne savait même plus pourquoi elle était ici. Son esprit était focalisé sur la griffe de Starra, le coude de Gayan qui lui rentrait dans les côtes et sa migraine.

Bien sûr, entre les Trois Terreurs, tout n'avait pas toujours été qu'une question de façade. Starra et Ekaterina, s'était retrouvées par hasard côte à côte au mariage d'un ami commun. Ekaterina avait alors douze ans, un pedigree impressionnant et une carrière qui décollait. Starra, un fils issu d'un mariage éclair et une envie d'être mondialement connue. Elles s'étaient liées d'amitié très vite. Au fil de la conversation, l'une n'avait plus de secrets pour l'autre. Cette amitié n'était pas du goût du père d'Ekaterina, sportif de haut niveau encore en action à cette époque. Il lui avait interdit – dans une conversation emplie de sous-entendus qu'elle avait fait semblant de ne pas comprendre – de continuer à la fréquenter. Elle n'en avait fait qu'à sa tête. Avec le soutien de son frère qui, à l'époque, aimait contrarier son père de toutes les manières possibles, elle continua à voire Starra, qui avait quarante-cinq ans à cette époque, soit trente-trois de plus qu'elle. Elles traînaient dans les cafés, Starra se plaignait de son fils et de son ex-mari, Ekaterina de son père. Lorsque Starra épousa Rufus Howard, un musicien de dix ans son aîné, elle se livra à Ekaterina comme à une marraine fée. Ce n'est pas pour rien qu'elle lui demanda d'être la marraine de sa fille Gwenola Amande.

Trois ans plus tard, ils avaient ajouté Gayan à leur duo. Originaire du Tchad, il avait passé son adolescence au Sri Lanka chez sa grand-mère à créer des tenues extraordinaire. Il était arrivé aux États-Unis avec ses croquis et une passion pour la mode. Trois ans plus tard, on se l'arrachait en haut-lieu. D'où lui venaient ses idées, personne n'avait jamais réussi à percer ce secret. Et il se gardait bien dans parler à quiconque. Car c'était ainsi qu'il gardait sa notoriété : avec une grosse part de mystères. Elles avaient commencé à le fréquenter à des events puis très rapidement, elles n'étaient plus deux mais trois. Trois Terreurs pour un monde qui n'en réclamait pas tant.

Prétextant une envie pressante, Ekaterina s'éclipsa. Heureusement pour elle, Starra et Gayan gardaient leur attention fixée sur l'homme au micro. Chacun dans la salle était pendu à ses lèvres, comme à la dernière branche d'une arbre, prêts à dégainer leur chéquier dès qu'il en aurait terminé avec ses récits hospitaliers.

Elle se dirigea vers le buffet, déserté à cette heure-ci. Quelques serveurs survoltés s'échinaient à placer les plats à temps. Elle aurait voulu les aider mais elle avait toujours en tête l'image de la femme qu'elle avait voulu aider à une réception de ses parents. Le regard terrifié de la serveuse lui avait fait comprendre qu'elle devait rester à sa place. On se targuait d'être un monde moderne mais chacun restait cloîtré dans une case sans tenter d'en sortir et en regardant ceux qui s'émancipaient comme d'horribles parias.

Discrètement, elle avala un toast. Saumon fumé et beurre. Il lui resta au travers de la gorge. Elle détestait toujours autant tout ce qui s'approchait de près ou de loin à du poisson. Cela durait depuis le plus longtemps dont elle se souvenait et elle n'arrivait pas à y trouver d'explication. Pour faire passer le goût, elle enfila un verre de jus d'orange. Erreur, il contenait sa dose d'alcool. Vraiment, ce n'était pas le meilleur gala de charité auquel elle avait participé.

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