« Son ventre vous appelle papa »

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17 avril, Namur, Belgique, Europe.

Honor retira le casque, secoua sa chevelure brune et bouclée qui tombait en cascade sur ses épaules dorées et fit signe aux filles qui attendaient dans la pièce voisine, séparées d'elle par une vitre insonorisée. Un tonnerre d'applaudissements lui parvint lorsqu'elle ouvrit la porte et pénétra dans la pièce contiguë à la cabine d'enregistrement.

— Quelle vocalise !

— Magnifique !

Après trois jours passés à chanter, marmonner, raturer, refaire, effacer, recommencer, But us, chanson écrite par Felicia et retravaillée avec l'aide des techniciens du studio, était désormais complètement enregistrée. C'était désormais au tour de Duff et Brian, les fabuleux acolytes de KOBSE dans le studio d'enregistrement, de faire leur travail : mixer le tout avec leurs ordinateurs sous le regard attentif des cinq chanteuses. Pour ce morceau, elles avaient d'un commun accord décidé d'innover par rapport à tous leurs singles précédents : aucun autre instrument que leurs voix ne sera utilisé. Duff et Brian avaient accepté ce challenge avec réticence mais entendre les filles, une à une, dans la cabine, entonner une mélodie à superposer leur faisait progressivement perdre leurs scrupules.

Évidemment, Cecil n'avait pas été mis au courant de l'entreprise. Ou en tout cas, on lui avait parlé seulement d'un infime morceau du projet des filles qu'il ne pouvait qu'accepter. Elles savaient parfaitement qu'il aurait refusé. Pour lui, moins on prenait de risque, plus le succès était grand. Et But us était un risque écrit en gigantesques lettres de feu au milieu d'un ciel d'orage torrentiel.

Alors que Blake prenait la main d'Honor pour la mener jusqu'à un fauteuil lire derrière le poste de travail des deux hommes, la porte extérieure s'ouvrit en grinçant. À l'instant même où le bruit fut perçu, plus un bruit ne s'éparpilla dans le studio à l’exception de celui des doigts de Brian qui couraient sur le clavier. On aurait pu entendre une mouche voler.

La vitre floutée au-dessus de la porte du studio laissa apparaître une silhouette sombre. Un frisson d'horreur parcourut les jeunes filles. « Et si c'est Cecil qui vient à l'improviste ? S'il découvre ce que nous trafiquons, il nous empêchera de terminer et adieu la liberté créative ! »

La poignée s'abaissa, mue par la force de l'individu à l'extérieur. Le battant coulissa.

— Carissa, c'est toi ?

Un soupir de soulagement libéra les sept paires de poumons de la pièce. La femme entra dans la pièce. Elle était petite, les membres fins, le menton coupant, le front moyen. De grandes lunettes blanches couvraient son visage jusqu'aux pommettes. Elle avait la peau sombre d'une personne vivant sous le soleil depuis qu'elle était sortie du ventre de sa mère. Sa coupe de cheveux était la seconde chose qu'on remarquait chez elle : rasée d'un côté, long et violet, dégradé du prune au lilas, de l'autre. La première était sans aucun doute son énorme ventre.

— Fichtre ! s'exclama Sun Mei. Il s'en est passé des choses depuis la dernière fois, Carie !

— Ce sont des jumelles. On les attend pour le mois prochain.

Ce n'était pas Carissa qui avait répondu mais Duff. Sun Mei se tourna vers lui, puis vers Carissa, sa tête faisant plusieurs allers-retours tandis que des sourires fleurissait sur les deux visages. Lorsqu'elle comprit, Sun Mei écarquilla les yeux.

— Si je m'attendais à ça !

Felicia amena une chaise et l'offrit à Carissa qui s'assit, reconnaissante du geste. Duff vint se placer à côté d'elle, logeant sa grande main dans le creux de sa hanche. Ils formaient un couple très dissemblables. Duff, que l'on confondait souvent avec son collègue et meilleur ami Brian, avait une longue barbe rousse qu'il entretenait religieusement. Il portait une chemise de bûcherons rouge et noire, un jean tombant et une énorme ceinture à boucle dorée. En guise de porte-bonheur, il avait une chaîne autour de son cou, souvenir de son service militaire qui soutenait désormais un pendentif nouveau sur lequel était gravé d'un côté Mademoiselle Carissa H. Wilmart vous aime et sur l'autre face Son ventre vous appelle papa. Carissa le lui avait offert lorsqu'elle avait appris qu'elle était enceinte.

— Mes félicitations !

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