( DELL ) LIVREZ-MOI

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Aélys

Le trajet jusqu'à Aix n'a rien d'agréable, puisqu'une boule d'angoisse se balade au creux de mon ventre au gré de l'avancée de la liaison. Les encouragements de May m'ont peut-être fait du bien sur le moment, mais plus la réalité s'approche pour me faire face et plus je suis sujette à l'anxiété.

Après deux heures trente de voyage, l'arrivée est un peu rude, ravivant presque immédiatement quelques souvenirs désagréables. Plusieurs événements du passé qui m'ont laissé misérables viennent me hanter. Or, déterminée, à appréhender les choses du bon côté sur les conseils de May, je tente de les chasser aussi loin que possible.

Plus que jamais décidée à faire bonne figure, j'avance vers la sortie et me répète en boucle le mantra que je me suis concoctée pour l'occasion. 

- Cette histoire relève du passé, d'une autre vie, tu n'es plus la même qu'avant.

- Cette histoire relève du passé, d'une autre vie, tu n'es plus la même qu'avant.

- Cette histoire relève du passé, d'une autre vie, tu n'es plus la même qu'avant.

Ce mot d'ordre bien en tête, je progresse peu à peu parmi la cohue des voyageurs espérant trouver quelqu'un qui m'attende pour me véhiculer jusqu'au domaine. Quelque peu inquiète, je lorgne aux alentours afin de repérer celui ou celle que cette bande de serpents m'a envoyé.

Or heureuse surprise, j'effectue à peine quelques mètres pour rejoindre l'entrée de la gare, que mon cousin Léo me tombe pratiquement dessus.

Prise d'un élan de joie et de gratitude, je largue mes sacs et accueille celui-ci dans mes bras avec beaucoup d'amour. Dieu soit loué, Léo est une des rares personnes que j'apprécie encore dans cette famille de vautours. Et vous pouvez me croire, c'est le meilleur d'entre eux. Donc, avec sincérité, nous nous étreignons, heureux de nous retrouver. Taquine voir tatillonne, je joue déjà de mon sarcasme légendaire.

- Alors Lo, ils t'ont laissé le soin de la cousine aigrie et amère.

Sachant ce que ma famille bien-aimée pense de moi, ces mots acerbes franchissent spontanément mes lèvres. Loin de se sentir offusqué, Léo ricane, secoue la tête et me répond avec le mordant acéré qui le caractérise.

- Ho, mais c'est que je me suis porté volontaire. Il faut dire qu'entre venir te chercher et tuer un des membres de cette famille, j'ai choisi le moindre mal. Et entre nous Lys, tu sais bien que j'ai meilleur goût que ces charognards. Je me demande sincèrement à quoi pensait Papi Lou lorsqu'il a décidé de réunir toute la famille pour fêter dignement son décès.

J'observe placidement mon cousin médusé et éclate de rire.

- Quoi ? me dit-il de cet air faussement innocent qu'il se plaît toujours à afficher.

Je fais semblant de lui lancer un regard réprobateur et rétorque calmement.

- On ne fête pas ce genre de chose Lo, merde. Comment veux-tu que je conserve mon sérieux devant tante Françoise la religieuse si tu me sors déjà ce genre de connerie ?

Amusé, mon cousin contre-attaque instantanément.

- Elle n'est pas religieuse chérie, vierge, mais pas sainte.

Moqueuse, je ris sans ambage et lui répond.

- Vierge ? Ce mythe est relatif mon cher, enfin surtout selon Gilles le voisin du domaine.

Il crie sourdement.

- Aélys, putain ! C'est réellement une image mentale des plus merdiques.

- Allons, allons mon ange ce n'est pas comme si tu étais celui qui les avait surpris l'été de nos dix-sept ans hein ?

-Tu es une véritable diablesse Lys, me chuchotes Lo avec un rictus.

Ironique, je riposte gaiement.

- Mais voyons amour, c'est pour ça que tu m'aimes tendrement.

Il m'observe de la tête aux pieds, puis affirme avec chaleur, en me faisant un clin d'œil.

- C'est vrai que je t'aime un plus que les autres, mais il faut avouer que tu es la seule qui semble à peu près potable.

À ces mots, je lui fiche un coup-de-poing dans l'épaule qui ne produit pas l'effet recherché puisse qu'aucune protestation ne sort de sa bouche. Bien au contraire, il hausse les épaules et me fait prendre la direction de la sortie.

- Allez, tu viens on fiche le camp d'ici le domaine nous attend.

Sans une phrase de plus, il m'aide à porter mes affaires dans sa Golf et cinq minutes plus tard nous voilà partis vers le havre des drames. Belle antithèse, qui n'est qu'un petit euphémisme à côté de la sombre réalité !

Je me représente déjà le tableau pathétique de la postérité vénéneuse, surtout en la personne de ma chère mère Diana. Je me demande comme l'a souligné Léo ce qui a effectivement pu se passer dans la tête de mon grand-père pour nous imposer cette réunion familiale funèbre.

D'ailleurs outre cette idée complètement catastrophique, j'essaye désespérément de ne pas penser à l'accueil hostile qui m'attend. Le soleil est à son apogée, il fait beau, chaud et le temps invite aux vacances. Les odeurs me remémorent mon enfance et la route bordée de fleur des champs est comme un tableau technicolor enchanteur.

Le silence entre Lo et moi dans l'habitacle me contraint à méditer sur l'issue de ce pénible séjour forcé. Jusqu'à ce que mon cousin rompe la dérive de mes pensées lugubres.

- Aélys, tu t'inquiètes beaucoup trop.

Surprise, je pose les yeux sur mon cousin de profil et lui demande quelque peu mal à l'aise.

- Qui dit que je m'inquiète Léo ?

Me jetant un bref coup d'œil pour continuer de se concentrer sur la route, Léo m'expose son point de vue.

- Absolument tout le dit Lys. Ta posture rigide premièrement, l'expression de ton visage deuxièmement et enfin l'infime crispation de tes mains. Depuis que tu as posé le pied dans cette voiture, tu transpires le stresse par tous tes pores. On dirait que tu participes à une émission satirique qui manque cruellement d'humour.

Choquée de l'entendre me décrire parfaitement mon état presque pathologique d'oppresser, je tente de jouer à l'ignorante.

- De quoi tu parles ? En six ans, j'ai eu amplement le temps de passé à autre chose.

Mon ton sévère veut ne laisser place à aucune discussion, mais c'est bien mal connaître Léo qui contre-attaque direct.

- Tu veux sérieusement me faire croire que tu as oublié la cause de ton départ précipité. Comme tu le dis si bien, tu n'as pas mis les pieds à Aix depuis six ans, c'est long pour quelqu'un qui dit être passé à autre chose. Qui veux-tu convaincre, Lys ? Moi ou toi-même ?

N'ayant aucun argument à opposer, seul le silence lui répond donc il continue.

- Tu veux réellement me convaincre qu'il n'y a aucun rapport entre le drame d'il y a six ans et ta fuite en avant ?

Il lève un bras au ciel d'exaspération et me balance.

- Tu ne peux pas me l'a faire à moi. Tu peux si tu veux continuer de pratiquer la politique de l'autruche, mais surtout garde ta pseudo-indifférence pour des gens y croiront.

Nerveuse, je pète littéralement les plombs.

- De quel côté es-tu donc ? Revenir ici en étant toujours considéré comme une meurtrière, c'est humiliant. Or, tu remues le couteau dans la plaie, en me rappelant mes six ans d'exil. Putain, à quoi tu t'attendais sérieusement ?

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