PROLOGUE

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"Les pires histoires sont des histoires de famille."

De Jovette-Alice Bernier / Non monsieur

Aélys

L'horloge numérique de ma table de chevet indique sept heures quarante. Une heure à laquelle normalement mes valises auraient dû être bouclées. Comment vous expliquez le retard que j'accumule depuis ce matin et le capharnaüm qui règne dans ma chambre ? Eh bien, de manière très simple voyez-vous, puisque je n'éprouve pas la moindre envie de les faire.

En générale, je suis une sorte de dictatrice maniaque du contrôle qui maîtrise le plus petit détail. Déformation professionnelle oblige, je suis organisée et ponctuelle, mais aujourd'hui ça fait plus d'une heure que je tourne en rond dans la pièce.

Plus que mes bagages, rien n'est prêt et rangé. Mon lit, paré d'une literie bleu marine est dans un bordel sans nom. Des vêtements pêle-mêle occupent presque toute la surface disponible. Et ce n'est rien comparé aux deux grandes valises Madisson également ouvertes sur mon matelas.

Si May était là, elle aurait sans doute immortalisé l'instant puis se serait copieusement moquée de moi. Et même si je n'aime pas qu'elle se fiche de moi, je suis certaine que j'aurais volontiers appréciée sa présence à cet instant. Ne serait-ce que pour me rassurer ou m'injecter cette dose de courage qui me manque cruellement.

Non que je sois lâche ! Soyons clair, je ne suis pas de celle qui s'apitoie sur son sort. Mais voyez-vous lorsqu'un passé plus que douloureux vient frapper à votre porte, il est bon d'avoir à ces côtés quelqu'un qui vous donne la force d'avancer. Or, ma meilleure amie est exactement ce genre de personne. D'ailleurs, c'est sans aucun doute la mieux placée pour me réconforter.

Contrairement à moi qui suis brune, May est une superbe rousse voluptueuse d'un mètre soixante et onze, dotée d'yeux d'un vert perçant qui ont déjà fait chavirer plus d'un cœur. Extravertie et boute-en-train en toutes circonstances, elle n'a pas sa langue dans sa poche. C'est d'ailleurs une des nombreuses choses que j'apprécie chez elle. De plus, elle sait exactement ce que je traverse depuis que j'ai reçu l'appel du notaire de Papi Lou.

Il faut dire qu'après ce coup de téléphone inattendu, j'ai complètement disjoncté. Mon état d'esprit calme et mesuré en toutes circonstances est passé de maussade à complètement foireux. J'aurais voulu vous épargner les détails, mais je dois admettre que me transformer en lapin sous amphétamine avec la morve en plus, n'était pas très beau à voir.

Imaginez, c'est comme gagner le pactole et se souvenir que l'on doit partager l'argent avec un mari infidèle. Un conjoint pour qui on ne détient aucune preuve d'adultères, tout en sachant parfaitement qu'il nous trompe. Je sais que tout ça n'a rien de très glorieux, mais en définitive, c'est exactement mon ressenti.

Une frustration purulente pour une éventualité qui n'aurait jamais dû avoir lieu. Six ans de rupture avec mes proches pour que finalement Papi Lou m'impose d'outre-tombe un voyage à Aix-en-Provence sur le domaine familial. Une maison de bastidon traditionnel provençal entièrement rénové et agrandi dans un esprit contemporain.

Une propriété de plus de deux hectares de terrain qui semblerait féerique à un étranger, mais qui pour moi regorge de mauvais souvenirs. Dépitée, je jette de nouveau un coup d'œil à ma couche. Et presque immédiatement, ma colère augmente crescendo avec le souvenir de ce départ imminent pour Aix de gare de Lyon.

Alors que de résignation, je comprends que je n'ai pas d'autre choix que d'organiser mes affaires, quelqu'un sonne à la porte. Désabusée, j'abandonne les habits que je m'apprêtais à ranger et me dirige vers l'entrée que je déverrouille pour laisser apparaître, May.

En posant les yeux sur moi ma meilleure amie à soudain un mouvement de recul.

- Putain Aélys, un infâme individu aurait-il empoisonné ton café ? Tu as l'air d'un chiot qu'on a écrasé sur la route.

Déconfite, je rétorque sarcastique.

- Je te remercie de cette comparaison très subtile.

Bien sûr, May ne tient pas compte de ma réponse, éclate de rire, m'embrasse et s'incruste dans mon appartement en me disant.

- De rien chérie, c'est totalement gratuit vu la tronche que tu as. Rassure-moi, tu ne comptes pas aller dans le sud avec une gueule pareille. Hein ?

Je soupire et ose la question qui je sais va titiller May.

- Pourquoi ? Elle a quoi ? Suis-je si moche que ça ?

Comme prévue, May secoue la tête de désapprobation et réplique.

- Lys, tu sais très bien que ce n'est pas de ça dont il s'agit. Si tu étais comme ce dindon de Maurizio peut-être, aurais-je réfléchi à la question, me lance-t-elle malicieuse.

Comprenant l'allusion, je lui donne une tape sur le bras.

- Tu es vraiment mauvaise May.

- Quoi ? Je mens peut-être, ce type est un véritable cauchemar même si ses créations sont sublimes.

Cette fois, nous éclatons de rire toutes les deux avant de nous diriger vers ma chambre. Mais en passant la porte de celle-ci, l'hilarité de May cesse instantanément.

- Bon sang Aélys, tu veux bien m'expliquer ce qui se passe ? Ne me dis pas que six ans au loin et un caractère comme le tiens ne suffisent pas pour affronter le trou de vipères Laugier ?

Je baisse la tête et tremble incapable de fournir une explication logique à la panique qui me submerge depuis que je sais devoir aller là-bas.

Comprenant enfin de part mon silence à quel point, ce voyage est difficile pour moi, May me fait asseoir sur le lit et se lance dans un monologue de réconfort.

- Ma belle ces gens ne valent pas mieux que toi. Je sais à quel point ils t'ont fait te sentir comme une moins-que-rien, mais peu importe parce que c'est faux. Tu es une belle âme, une femme forte qui a su prendre ta vie en main seule. À cause d'eux, tu as dû brusquement t'exiler à Paris sans jamais avoir eu l'occasion de t'expliquer sur les faits qui te sont reprochée. Mais six ans sont passés et aucun d'entre eux n'a pris la peine de savoir ce que tu étais devenue. Tu ne leur dois rien Lys, car les gens qui t'aiment sont ici ma chérie. Je sais très bien que c'est à cause de ces personnes que tu t'empêches de vivre pleinement, mais il est peut-être temps d'arrêter de fuir. Donc tu vas à Aix, tu prends les choses du bon côté et tu leur montres l'Aélys Laugier que je connais. Cette jeune femme brillante, déterminée, belle et complètement à l'aise dans sa peau. Je t'aime Lys.

Sans autre forme de procès, elle me pousse à me lever.

- Pendant que je m'occupe des fringues que tu vas emporter pour en boucher un coin à ces imbéciles. Tu vas gentiment aller à la salle de bain et faire en sorte que je retrouve la brune sensuelle qui me sert de meilleure amie. Tu sais bien de qui je parle, hein ? Le canon d'un mètre soixante-dix dont les yeux couleur whisky font fondre le bel Elias.

- Tu dis n'importe quoi, ce mec ne sait même pas que j'existe.

Faussement énervée, je lui lance un regard noir, mais fait tout même ce qu'elle me dit. Conjoncture ou pas, je dois y aller.   

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