Chapitre 9 - “ Les ennemis de nos ennemis sont nos amis... jusqu’à la disparition de l’ennemi"

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—  Olga ? Frank Kohler à l’appareil. Je m’excuse de vous importuner de si bonne heure mais Violette aurait-elle passé la nuit chez vous ?

Cordélia Kohler attacha son carré court en une minuscule queue basse puis débrancha la cafetière Krup TYP 265 jaune paille. Une tasse à café dans chaque main, elle rejoignit lentement Frank dans le salon. Ce dernier, assis sur la banquette parme en velours, était pendu au téléphone. Ses cheveux hirsutes gris et ses traits tirés témoignaient de son anxiété. Même ses chaussons charentais semblaient collés telle de la glu au tapis persan. 

Frank Kohler, trader spécialisé dans la gestion d’actions, n’avait rien d’un Golden Boy, ni d’un sniffeur de coke. Son poste d’opérateur de marché consistait à surfer sur les nouvelles vagues haussières et baissières, en bon petit soldat. 

— Hum… Merci, bégaya-t-il avant de raccrocher.

Il noua son peignoir en soie rouge qu’il ne quittait plus, dissimulant pour partie son pyjama Arthur en flanelle. Il se trouvait aussi sexy que Sean Connery dans Bons baisers de Russie

Cordélia s’installa à ses côtés et lui tendit une des deux tasses à café. Elle plaça contre son dos un des nombreux coussins ronds posés sur le canapé. Une reproduction de la couverture d’AD Magazine dont elle était très fière. 

—  Elle n’est pas chez les Hansen, l’informa Frank, la voix fermée. 

Un Trinidad au coin de la bouche, il continua d’éplucher l’annuaire téléphonique. Cet été indien était peut-être le plus chaud qu’il eut connu, pourtant, il se prit à frissonner. 

— Et chez les Snavely ? rétorqua Cordélia, en proie à une violente migraine.

Il se gratta la joue, soucieux.

—  Non plus. 

Cordélia se massa les tempes, tentant en vain d’éliminer la douleur. Elle posa sa tasse à café bistrot émeraude sur la table basse vénitienne en bois laqué. Toute cette histoire lui avait coupé l’appétit. 

—  Tu es sûre que son lit n’est pas défait ? poursuivit Frank, les yeux rivés sur le téléphone.

—  Certaine. 

Elle s’empara du Trinidad et aspira la fumée. Elle avait vraiment besoin de se détendre. 

— Et Joséphine ? ajouta-t-il. Tu es rentrée dans sa chambre ? Violette a peut-être fait un cauchemar. Tu sais comment elle est quand ça lui arrive…

Cordélia secoua son épaisse queue basse d’un blond froid. Tôt ce matin, elle s’était glissée dans la chambre de Joséphine. Elle y déposa son cardigan en mohair bleu marine déniché chez Adolfo sport, trouvaille de leur dernière virée mère-fille. Joséphine dormait à poings fermés. Cordélia avait alors refermé discrètement la porte, s’attendant tôt ou tard à tomber sur Violette. L’adolescente adorait monopoliser la salle de bain aux aurores, se glisser dans l’eau tiède pleine de mousse tout en feuilletant l’Officielle de la mode. Mais ce matin, Cordélia n’avait trouvé qu’une chambre à coucher vide et une baignoire déserte. 

—  Il n’y a personne avec elle, Frank, insista-t-elle. 

 Cordélia fit claquer sa tasse contre le rebord de la table. L’angoisse et sa migraine l’affectaient dans la précision de ses mouvements. Tout comme le comportement de Joséphine. Comment pouvait-elle dormir paisiblement dans son lit XL tandis qu’une tornade s’était emparée du rez-de-chaussée ? Ses caprices allaient lui coûter une retenue si elle ne s'activait pas. 

— Et si elle était en chemin pour l’école ? bondit Cordélia.

Frank se ressaisit. Pourquoi n’y avaient-ils pas songé plus vite ?

Il enfila son imperméable gris, retira ses lunettes Terri Brogan et s’engouffra dans le hall d’entrée.

— Tu ne t’habilles pas ? ajouta Cordélia, étonnée.

Les Kohler ne s’affichaient pas en tenue légère. Mais la situation justifiait bien une entorse au règlement.

 — Réveille Joséphine. Elle sait peut-être quelque chose, lui ordonna-t-il, sans prendre le temps de changer de tenue.

Frank chaussa ses bottes en caoutchouc, se cogna contre le lustre en velours et quitta le pavillon familial. 

Quelle allure phénoménale ! songea-t-il. 

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