Chapitre 2 - “Une maman, c’est celle qui gronde mais qui pardonne tout.”

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— Aloysius Ronald Snavely où étais-tu ? s’emporta Padma Snavely, les mains postées sur les hanches.

Cela faisait des heures qu’elle tournait en rond dans son salon style anglais aussi étroit qu’un placard à balais. Brandissant son plumeau, époussetant pour la dixième fois la lampe coloniale pendue sur la cheminée victorienne, elle n’avait pas trouvé d’autres moyens d’échapper à ses sombres pensées.

— La séance a duré plus longtemps que prévu, bafouilla Alo.

— Ne me mens pas jeune homme !

Padma détestait jouer les mères poules. Mais Bitterburg ne lui inspirait pas confiance. À peine y avait-elle posé ses valises, qu’elle fut frappée d’un étrange sentiment. Cette bourgade, à proximité de la frontière allemande, lui rappelait ni plus ni moins le film de Bertrand Tavernier : Coup de torchon. Exception faite de la passion dévorante de ses habitants pour les extraterrestres. Quoi qu’il en soit, elle sentait que quelque chose de terrible les frapperait très bientôt.

— Il reste de la tarte ? demanda l’adolescent, tentant de faire diversion.

— Ne joue pas au plus malin avec moi mon garçon, ajouta-t-elle.

Alo piqua un fard. Son visage prenait, encore, la teinte de l’émotion comme lorsque ses camarades le raillaient. Ces moqueries l'avaient conduit à se replier sur lui-même. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de remercier ses persécuteurs. Grâce à eux, il s’était pris d’une profonde admiration pour la science-fiction. La bibliothèque était un endroit charmant pour s’octroyer un peu de répits et faire de belles découvertes. Il n’était donc point rare de le croiser dans les couloirs de l’école, des Snickers plein les poches, son magazine “Univers” à la main. C’est d’ailleurs cette revue qui lui avait permis de croiser la route de Knut...

— Détends-toi chérie. Le petit est rentré, c’est tout ce qui compte, la calma Arthur Snavely.

Il posa sa main sur l’épaule osseuse de son fils. Voix de la raison de cette famille, Alo appréciait les rares présences de son père. Ses mots suffisaient à apaiser Padma sur-le-champ. Commercial, sans cesse sur la route, son métier l’accaparait au point d’en négliger sa vie de famille. Arthur en était pleinement conscient et cela le terrorisait.

— Alo, regarde dans le four, il y a quelque chose pour toi, ajouta-t-il.

L’adolescent tourna les talons, penaud, tandis que l’horloge comtoise sonna vingt-trois heures.

Padma ouvrit la bouche prête à contre-attaquer.

— Regarde-le, il est si paniqué qu’on ne lui voit même plus ses taches de rousseur…, la coupa Arthur, essayant de l’apaiser.

— Tu sais ce que je pense de cette ville et de ses habitants. Je ne veux pas qu’Alo subisse le même sort que notre Sophie.

— Ce qui est arrivé à Sophie n’a rien de comparable, rétorqua-t-il, perdant soudain sa gaieté.

Sophie Snavely, sœur cadette d’Alo, était décédée l’an dernier lors d’une balade à vélo. Un chauffard l’avait percuté alors qu’il somnolait au volant. Sophie n’avait qu’une dizaine d’années. La nouvelle fut un choc pour les Snavely et leur vie fut brisée. Padma n’avait plus jamais été la même. Quant à Alo, la culpabilité le rongeait. S’il n’avait pas refusé de l’accompagner ce jour-là, il aurait fait en sorte que cette situation soit évitée. Il se sentait stupide d’avoir préféré regarder un stupide divertissement à la télévision plutôt que de prendre soin de sa petite sœur. Sourire, rire était devenu un luxe.

— Bitterburg grouille d’hommes tous plus farfelus les uns que les autres, renchérit Padma. Tu ne peux pas le nier !

Cette discussion prenait des allures de monologue, songea-t-elle.

Pourquoi Arthur jouait-il autant les têtes de turc ? Leurs voisins ne daignaient même pas leur adresser la parole. Alors pourquoi perdait-il son temps à défendre cette maudite ville ? Elle ne créait que le malheur. Leur fille avait été la première à subir les foudres de Bitterburg. Et elle ne serait pas la dernière. Il fallait être aveugle pour ne pas s’en rendre compte !

Hors d’elle, Padma leva les bras au ciel. Arthur avait réussi à la mettre en pétard. Elle s’approcha de la fenêtre et tira sur le rideau. Dehors, la rue faiblement éclairée par les lampadaires était déserte. Les volets grands ouverts, les demeures plongées dans l’obscurité, les habitants semblaient avoir déserté leur résidence.

Tous, à l’exception du mystérieux propriétaire de cette Golf1 Cabriolet. Celle-ci s’arrêta discrètement devant le pavillon des Kohler. Le conducteur éteignit ses feux, coupa le contact et porta son attention vers l'unique pièce éclairée : la chambre de Violette.

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