La France contre le Turkménistan du nord (18)

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À son retour en France, Manuel Trèbon, pétant le feu informa son équipe du nouveau cap à prendre. Les médias officiels qui en faisaient partie se mirent tout de suite à l’ouvrage. Chaque journal télévisé rivalisa de zèle pour dépeindre avec noirceur le Turkménistan du nord. On le qualifia de dictature atroce autant de fois qu’il était possible. On montra des images en boucle, toujours les mêmes, de défilés militaires avec ses soldats aux visages glacés qui lèvent leurs pieds au-dessus de leurs casquettes, ses files interminables de chars et dans la tribune présidentielle, le leader du pays, debout, entouré de ses généraux médaillés, le menton haut et le regard fier. On parla du peuple opprimé et des nombreux opposants qui croupissaient dans les nombreuses geôles turkménistaises (une statistique établissait qu’il y avait une prison pour cinq habitants là-bas). Un expert passa sur toutes les chaines et expliqua que le mot « liberté » avait été supprimé du vocabulaire. Un autre qui suivit le même trajet raconta que la torture était enseignée dès la maternelle. Kon Je Nou fut comparé à tous les affreux qui avaient dirigé un État. On le décrivit comme un mélange de Staline et d’Hitler, Staline pour son penchant à réprimer, Hitler pour sa volonté de conquête. On montra également des extraits vidéo de tirs de missiles en soulignant qu’en toute illégalité et en dépit des protestations onusiennes, le Turkménisan du nord continuait de s’armer. Bref, on prépara bien l’opinion publique pour l’intervention présidentielle.

Elle eut lieu deux jours après ce matraquage médiatique. Le visage grave et la cravate austère, Manuel Trèbon informa les concitoyens que la France se rangeait aux côtés des États-Unis dans le bras de fer qui l’opposait au Turkménistan du nord. Puis s’adressant directement à Kon Je Nou, il lui somma d’arrêter au plus vite de jouer avec le feu. Son attitude était intolérable et il devait comprendre que s’il s’entêtait, la France se mettrait à son tour en travers de sa route.

- Parce que la liberté et la paix méritent qu’on se batte pour elle, conclut-il, le poing dressé au niveau de son menton imberbe.

Cet avertissement qui passa à une heure de grande écoute sur tous les médias français eut un faible retentissement par-delà nos frontières. Très peu de médias étrangers le relayèrent, focalisés sur la hausse des tensions entre le Turkménistan du nord et les États-Unis. Néanmoins, par un formidable concours de circonstances, Kon Je Nou tomba dessus alors qu’il faisait mécaniquement défiler les chaînes.

D’abord incrédule, il fixa l’espèce de banquier qui le sermonnait comme s’il était à découvert. Puis, quand l’autre le menaça ouvertement, serrant le poing et montrant les dents, Kon Je Nou (qui voulait dire comme aimaient à le ressasser les journalistes français : qui ne sourit jamais) sourit jusqu’aux oreilles. Il éclata de rire ensuite pendant un long quart d’heure et se repassa une bonne dizaine de fois le sketch.

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