Chapitre 9

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XVII

Le corps du Hiérarque avait été récupéré au bas du ravin et gisait dorénavant dans un trou que les hommes s’attelaient à reboucher. Sept autres tombes jouxtaient la sienne. Reposaient à l’intérieur les sentinelles chargées de garder le repos de leurs camarades, retrouvées elles aussi froides au lever du jour. Les profanateurs de Nerumet s’étaient envolés tels des vautours, emportant avec eux l’écrin de la tombe et le sceptre du sorcier, en abandonnant le butin des cryptes, armes et armures des Éternels. Les guides caravaniers attendaient égorgés aux portes de la ville, les dromadaires et tout le matériel qu’ils charriaient volatilisés.

La tout juste centaine d’âme rescapée de l’expédition et derniers vivants de la cité fantôme quittèrent en hâte la nécropole une fois les hommages rendus aux défunts. Les cadavres des nomades reposaient au sommet d’une colline à la merci des charognards selon la coutume des tribus du désert.

Aussitôt rentrés au Bastion Rouge, les soldats de Noun barrèrent ses portes, plus par peur des morts que des vivants. Grâce à Aksûm, la troupe savait à présent que les Byrsans n’avaient pas fui la ville. Leur flotte se trouvait encore à l’ancre et il était improbable qu’ils aient marché en longeant le littoral aride sans avoir vidé au préalable les greniers et marchés. Or, les échoppes grouillaient de denrées, les mets épargnés par les oiseaux et les fennecs pourrissants, dévorés par les vers. Les soldats auraient remarqué plus tôt cette incohérence s’ils n’avaient pas été aussi terrifiés à l’idée d’arpenter les rues de la cité fantôme.

L’heure était aux prières. Les esprits perdus et effrayés en appelaient à la miséricorde des dieux. Que Mnésah, guide et protectrice des voyageurs, leur montre le chemin à suivre à présent qu’ils étaient seuls, sans chef. Leur plus ardent désir : retrouver les champs verdoyants de la vallée du Bâhram, les rues populeuses des cités de Noun et la chaleur des bras et baisers de leurs femmes, enfants et parents.

Mais le choix de rentrer s’offrait-il seulement à eux ? Le vizir Nauelk avait confié au Hiérarque un objectif précis. La majorité des informations concernant la mission demeurait inconnue pour le bataillon. L’officier ne parlerait plus et l’objectif avait été perdu. Que faire ? Le vizir ne saurait pardonner pareil échec et chercherait très certainement à camoufler ses intentions en ordonnant l’exécution générale des fautifs pour un motif ou un autre. Les puissants pouvaient manier la loi des dieux à leur guise.

Après trois jours, les prières firent place aux débats houleux. Le désarroi régnait en maître. Voôrat, le semeur de chaos, s’amusait à jouer avec les esprits fragiles, faisait ressortir les doutes tout en nourrissant la confusion.

Rester à Byrsa ? Les ventres n’auraient aucun mal à se remplir. Non. Hors de question ! Plutôt le couperet ou les dents du désert que de subir le même sort que les Byrsans, quel que soit la vérité.

Le neuvième jour, décision fut prise d’emprunter l’une des galères marchandes ancrées dans le port afin de longer la côte jusqu’à l’embouchure du Bâhram. Grâce à la profusion astronomique de trésors abandonnés à portée de main, les déserteurs n’auraient aucun mal à rebâtir leur vie sous l’égide de la fortune dans le royaume de Djébâhram, où vivaient les hommes à la peau d’ébène. La mort les attendait à Noun quoi qu’il advienne. Restaient cependant les familles. Chacun priait – ou plutôt pariait – qu’elles échappent aux représailles du vizir Nauelk qui souhaiterait probablement étouffer l’affaire. À Djébâhram, les profanateurs songeraient à se repentir en espérant la clémence des Divinités Juges lors du passage devant le Tribunal des Âmes.

Il s’en trouvait néanmoins un qui refusait d’entendre raison. En dépit de tous les moyens employés par ses compagnons d’armes pour le convaincre, Aksoum s’entêtait à vouloir repartir à Noun. Il ne pouvait supporter l’idée de ne plus jamais revoir Élimé. Les autres finirent par abandonner, se refusant à l’écarter de force du destin funeste auquel il se promettait.

Au crépuscule du treizième jour, armes et vivres du Bastion Rouge étaient empaquetés après nettoyage méticuleux des selliers et de l’armurerie. Les déserteurs s’apprêtaient à rejoindre le port lorsque le ciel s’embrasa soudain. L’incendie avait consumé en un battement sa robe orangée. Folie saisit les esprits dans un tonnerre de cris affolés. Les doigts pointèrent le vortex ténébreux qui avait aspiré les astres. Pour la première fois depuis des temps immémoriaux, Noun et Nankhôr s’accouplaient de nouveau. L’éclipse trônait au sommet du brasier. Flammes et ombres dansaient ensemble dans une nuée chaotique qui recouvrit le Bastion Rouge et la cité fantôme. Les spectres, aussi terrifiés que les vivants, se réfugièrent dans les maisons.

Un veilleur héla depuis la tour de guet. Les hommes ivres se précipitèrent sur la terrasse du fort. À l’horizon, parmi les dunes auréolées peintes de sang, une forme, gigantesque malgré la distance, avançait lentement en direction du couchant. Sa démarche semblait pataude. Il était difficile de distinguer le géant. Les voix s’élevèrent en appelant aux Anciens, les architectes du monde, créatures de la Terre et du Feu.

Tandis que l’émerveillement se déchirait avec l’effroi, Aksoum se drapa des ailes de la Dame Rouge. Le brasier infini de Folie l’emporta dans une course effrénée. Ses camarades ne remarquèrent son absence que lorsqu’ils découvrirent les portes du Bastion ouvertes. Depuis la tour de guet, les sentinelles virent au travers des nuées une fine silhouette s’enfuir en direction du désert. Ils ne firent rien pour le rattraper. La simple idée d’abandonner l’enceinte des remparts rouges les paralysait. Leur unique souhait était de quitter impérativement Byrsa et son ombre maudite.

Les prophéties annonçaient ces évènements. L’éclipse et l’apparition de l’Ancien constituaient les prémices de grands bouleversements, cataclysmes en chaîne qui devaient changer à jamais le visage des continents et des océans ; avant qu’Our, le Chaos dévoreur des mondes, n’engloutisse tout pour ne laisser que le Néant tel qu’il était avant la première étincelle.

Les âmes perdues doutaient être à l’abri au Djébâhram. Mais y avait-il seulement un endroit sûr ?

Les hommes de Noun prirent donc leurs bagages et coururent en direction des quais.

Pourtant, dans le port de Byrsa, aucun navire ne devait quitter son ancrage. Ni les quais, ni les eaux sombres de la baie ne devaient jamais voir l’ombre d’un déserteur. Les rues labyrinthiques devaient les engloutir corps et âmes, leurs esprits égarés promis à l’errance jusqu’au retour des vivants dans la cité.

Pour les années à venir, Byrsa devait former une enclave du Royaume de Morts dans celui des mortels.


XVIII

À deux cents lieues de Byrsa, un vieil homme gris, richement vêtu d’une robe de soie blanche auréolée de parures, jubilait sous sa tiare. L’individu se tenait sur l’esplanade des statues, devant le pylône du grand temple d’Aura, la déesse-Mort. Sous ses pieds s’étendait la nécropole royale, lieu de repos de seize dynasties de princes de Noun. Au-delà des collines et de la plaine ensemencée, le ventre du Bâhram demeurait l’éternel prisonnier des mâchoires de la cité de Sekkara. La ville et le fleuve se recroquevillaient sous le ballet de flammes et d’ombres. Goâl, le dieu-Ciel, saignait tandis que Lune et Soleil s’unissaient dans un maelström de Nuit et de Lumière.

Contemplant depuis son promontoire cette vision apocalyptique, le vizir Austis était aux anges. Son plan avait fonctionné au détriment de celui de son rival. Terminé le temps de lécher les sandales d’un sang divin vicié par des siècles de mariages incestueux, de baiser le manteau de rubis d’un parvenu monté sur le trône par le seul fruit du hasard.

Longtemps, la route avait paru sans fin, son tracé sinueux semé de graviers tranchants et coupé de montagnes de ronces. Au cours de son existence, résumée à une succession de défis qui, chacun, avaient laissé leurs marques, aussi bien dans sa chair que dans ses rêves, Austis avait appris l’élément essentiel qui effaçait tout le reste : les dieux préfèrent les dés au puzzle.

Divinités maîtresses ou mineures, elles se fichaient de planifier les destins des mortels et se contentaient de s’amuser de l’instant présent. Les dieux n’étaient rien d’autres que des enfants avec leurs jouets. Lorsqu’ils commençaient à s’ennuyer, ils en changeaient. Les princes étaient de la même trempe, se targuaient de grandeur sous leurs atours, mais n’étaient en vérité que des cancrelats, parasites d’un monde qu’ils avaient fait leur. Eux et les dieux dont ils se revendiquaient les descendants pouvaient aller nager dans les eaux de l’Héris avec les démons. La moisissure devrait rester cantonnée aux égouts. Un grand nettoyage s’imposait depuis longtemps.

En proie à l’euphorie de la victoire, le vizir Austis contemplait le trésor que sa main parcheminée tenait fermement. L’amulette d’obsidienne présentait l’aspect d’un scarabée, avec une pierre de rubis en son centre taillée en cœur. Une flamme s’animait à l’intérieur du joyau par battements, lesquels se mêlaient aux palpitations du vieil homme, identiques à celles d’un jouvenceau. Le vizir luttait pour ne pas chanceler sous le raz-de-marée d’ivresse, car c’était le cœur de Makhêt, la déesse-Terre elle-même, qui palpitait en son sein, alimenté par le souffle de Shamriyar, le dieu-Feu.

Les dieux sont ceux qui saisissent l’opportunité.

Et Austis l’avait saisi, au milieu d’un méandre de fils et de nœuds, après de longues, très longues, interminables réflexions desquelles avait émergé un bourgeon. Un bourgeon qui avait mûri en fruit, fruit qui avait pourri pour renaître en un nouveau bourgeon, qui à son tour s’était fané afin de nourrir des feuilles plus vertes. Le vizir ne comptait plus les fois où il avait frôlé la chute à force de jouer au funambule à la lisière de l’abîme. Tous ces moments où, l’épuisement mué en rage, il avait piétiné les racines desséchées de son esprit faute d’idées pour les abreuver. Des décennies à danser avec la démence, glissant sur le désespoir pour se rattraper aux branches de la vengeance. Une vie entière sacrifiée afin d’arriver à ce seul jour qui, une éternité durant, était resté un rêve, prisonnier des mains de Soumeré, la Rêveuse. Enfin, le rêve entrait dans le Royaume d’Ymé, la Vie enfantée par la Lumière. Sauf que la lumière agitant le cœur d’Austis était un feu si violent que même le souffle de la Mort ne saurait l’éteindre.

Au contraire des soi-disant grands de ce monde, persuadés de dons innés, le vieil homme était un maître du puzzle, un bourreau et un supplicié qui ne rechignait pas à la tâche malgré la douleur et la fatigue. C’est cette détermination qui l’avait amené à occuper le poste prestigieux de vizir au service du personnage le plus puissant du monde. Lui, un fils de paysan, dont les quelques gouttes de sang noble remontaient aux premières générations des Enfants de Noun.

Quittant à regret la danse de souvenirs, Austis se tourna en direction du mercenaire qui lui avait apporté le précieux artéfact. Nerumet observait le vizir depuis un gouffre d’inquiétudes. Jamais il n’aurait imaginé que la situation dégénère à ce point. Prendre part à un coup d’état était une chose, œuvrer à la fin du monde en était une autre. Quel bénéfice pourrait-il en retirer ? Un à la hauteur du risque, il l’espérait, maintenant que le couvercle de la boîte était brisé. Il défiait les dieux après tout. Mais ce qui l’effrayait le plus en cet instant, ce n’était ni le courroux divin, ni l’embrasement des cieux, mais bien ce vieillard en train de danser sur l’esplanade du grand temple d’Aura, sous le regard juge des statues. Sa vision drapait le vizir du manteau pourpre de Folie. Dans son dos s’agitaient les ailes de feu de la Danseuse. Le doute se frayait un chemin au travers du rocher de certitudes du mercenaire.

─ Merci pour tes immenses services, Nerumet, appela le vizir Austis au travers d’un terrifiant sourire goguenard. Sois assuré que toi et tes hommes serez dûment récompensés une fois cette histoire achevée.

─ Vous rendre heureux, Excellence, est mon unique désir, rétorqua d’une voix mielleuse l’intéressé en s’inclinant bien bas.

Une moue de dégoût accueillit sa performance grossière.

─ Un conseil, si tu veux rester à mes côtés : arrête tout de suite les flatteries.

Nerumet se figea à l’écoute de ces paroles, embrasées par une colère qu’il n’avait aucune envie d’explorer.

─ Tu es un esprit rusé. Garde ton jeu d’acteur pour tes proies. J’ai en horreur le théâtre.

─ Je tâcherai de graver cela en mémoire, parla d’un ton neutre le mercenaire en s’inclinant de nouveau.

─ Le mensonge est une arme précieuse, aussi bien à l’égard d’un ennemi que d’un ami. Essaie de me duper, Nerumet, mais s’il advient que je perce la duperie, même le désert ne saurait t’épargner le châtiment.

Austis se planta face au bâtard de sang-mêlé. La grande perche à la tresse se recroquevilla sous l’aura menaçante qui émanait de la silhouette squelettique et fripée du vizir, flottant dans son ample robe de soie volante. Son ombre gargantuesque projetée par l’éclipse dévorait la nécropole et la plaine céréalière en contrebas.

─ Oublie les dieux, Nerumet. Il n’y en a plus qu’un qui compte désormais à tes yeux et il se tient devant toi. Prosterne-toi, Nerumet, et prête serment à ton nouveau seigneur et maître.

Le serviteur s’exécuta. Sa stature de géant tremblait comme une feuille harassée par le vent, et le terrible froid qui régnait sur la plaine de Sekkara n’en était pas la cause première.

Le serment achevé, le vieux dignitaire se détourna en direction du gigantesque pylône orné de fresques du temple d’Aura. La gueule béante du portail rugissait tandis que des spasmes secouaient la Terre. Nerumet dut encore s’agenouiller pour garder l’équilibre. Austis, lui, ne semblait pas affecté et se tenait droit et fier, toujours jubilant, les bras croisés à la façon d’un dieu trônant.

Dans sa main droite, le Sceptre d’Ankhénoun, la paume d’améthyste mimant un soleil violet ; dans la gauche, le Sceau de Makhêt et son volcan prisonnier du joyau vivant. Les deux mains détenaient la puissance du Ciel, de la Terre et du Feu.

Les ténèbres expulsèrent le premier titan. L’Ancien ressemblait à un énorme crapaud, aussi haut que les obélisques flanquant le pylône. Son corps était de magma vitrifié et veiné de lave. Deux brasiers se perdaient dans les plis du visage informe. Pas de bouche, ni de nez ni d’oreilles. Des bras de bébé et des jambes ridicules mais aussi épaisses que des colonnes. L’ensemble se déplaçait d’une démarche pataude d’ivrogne.

Nerumet se pétrifia en imitant les statues branlantes. Austis s’égosillait afin de couvrir le chant de l’agonie du monde :

─ Venez ! Approchez, enfants de la Terre et du Feu ! Venez à moi !

L’Ancien passa au-dessus de la maigre silhouette du vizir qui continuait à danser entre ses jambes. Un spectacle aussi terrifiant que ridicule songea Nerumet dont l’esprit gardait un semblant de conscience.

La gueule du temple d’Aura cracha un second titan, puis un autre et encore un autre. Des pans entiers du complexe s’effondraient sous le martèlement de dizaines de pieds géants. Les Anciens s’étaient éveillés de leur long sommeil à l’appel du vizir Austis et par le pouvoir du Sceau de Makhêt, que Nerumet et ses coupe-gorges avaient ramené de Byrsa avec le Sceptre d’Ankhénoun après les avoir chipés tous deux au bataillon de Noun mandaté par le vizir Nauelk. Pareil succès confirmait la réputation du chef mercenaire.

Nerumet s’éloigna pour ne pas être piétiné et s’en alla rejoindre ses hommes. Bien lui en fut car le pylône s’effondra peu après dans un nuage de poussière et de débris pendant que la moitié des statues de l’esplanade étaient soufflées en morceaux. Le troupeau d’Anciens – une douzaine en tout – s’avançait désormais dans la plaine de Sekkara, après avoir piétiné la nécropole royale, à travers champs, en direction de la cité de briques rouges, monstre devenu limace face à la horde grondante.

Austis rejoignit les mercenaires tétanisés, figés dans leur pisse :

─ Qu’attendez-vous ? L’heure n’est pas au repos. Il faut nous rendre au palais royal. Une petite visite à sa Divine Altesse s’impose. Remuez-vous, par les Ombres !

Les hommes livides lui emboîtèrent le pas en enjambant les tombes émiettées, les poumons encrassés de poussière d’ossements.

─ Je suis un être de lumière, chantait l’usurpateur. Je touche du doigt l’immensité.

C’était en fait tout le Pays de Noun qui vibrait du réveil des Anciens. Les ventres des sept autres grands temples du royaume, aussi, régurgitaient des cohortes de colosses.

La tradition avait sacré, au fil des dynasties, huit divinités maîtresses dont les essences nourrissaient toutes les autres : Ymé, la Vie ; Aura, la Mort ; Goâl, le Ciel ; Makhêt, la Terre ; Shamriyar, le Feu ; Noun, la Lune ; Nankhôr, le Soleil ; Nonos, le Temps ; et Ankharamê, la Mémoire. Ce florilège de dieux et déesses constituait les piliers porteurs du Royaume de Noun et de son peuple. Leurs temples étaient les plus grandioses du pays, dressés au sein d’un quadrillage précis pour former un croissant lunaire autour du tronc du Bâhram, de l’envolée du faucon au repos du crocodile. Toute personne qui se trouvait à proximité d’un des huit sanctuaires pouvait connaître l’avancement de la journée en situant la couronne de Nankhôr par rapport au complexe vénéré.

En réalité, chacun de ces lieux consacrés dissimulait un des tombeaux où la déesse-Terre – après le façonnement du monde avec l’aide de ses enfants-architectes – avait enfoui sa progéniture loin des regards avides, confiant son Sceau à son petit-fils, Ankhénoun, l’Enfant Béni des dieux et Premier Roi de Noun, qui en avait usé pour bâtir la gloire de son royaume avant de l’emporter dans la mort.

Six cent cycles lunaires durant, Austis avait fouillé chaque parcelle du continent en quête de fragments mentionnant l’emplacement du Sceau de Makhêt qui commande aux Anciens et dont l’existence même était tombée dans l’ignorance. Ses efforts et sacrifices avaient fini par payer, mais son rival Nauelk s’était joint à la partie et l’avait devancé à localiser la tombe d’Ankhénoun. Toutefois, Austis s’était révélé le plus malin en envoyant des mercenaires suivre les serviteurs de son ennemi.

Le sceau de commandement était à lui désormais. Les Anciens obéissaient aveuglément à ses ordres. Les architectes du monde l’aideraient à renverser le roi et sa cour et à instaurer un nouveau pouvoir, puis se tiendraient en rempart face à Our, le dragon-serpent, qu’ils renverraient dans leurs limbes, lui et sa voracité. Enfin, ils changeraient le visage du Pays de Noun, des contrées voisines et de la Terre toute entière, selon son envie et ses caprices.

Aucun dieu ne saurait l’arrêter dans sa course, à l’exception de la Mort elle-même. Son autre mission serait de trouver la clef de l’immortalité. Les options ne manquaient pas. Un chantage auprès d’Aura ou des Divinités Juges ? Réincarner son âme dans un nouveau corps à l’image des lémures, les esprits vengeurs ? Ou bien parvenir à dénicher une larme d’Euphratès, la Mère-Pluie à la jeunesse éternelle ?

La tâche serait loin d’être aisée. Austis comptait cependant des alliés de poids dans la balance. Il avait pour lui les ailes de Folie et les larmes de Chagrin, et il marchait dans les pas de Vengeance. Les flammes de la Danseuse à la robe rouge consumeraient l’esprit de ses ennemis et les furies bleues du Dévot auraient joie de se repaître de leurs chairs pourries. Et si cela ne suffisait pas, le Dragon ne manquerait pas de quitter ses fumées.

─ Tes yeux, pareils à six soleils, avaleront la couronne de Nankhôr, et ton souffle noir dévorera celui d’Ymé, récitait gaiement le vizir tandis que ses sandales piétinaient les cendres des rois défunts.

Nul ne faisait le poids face aux Ombres, pas même les dieux rassemblés qui, s’ils savaient les vaincre, ne le souhaitaient pas.

─ Car la nourriture d’une ombre est la vie et que la lumière ne peut aller sans ombre.

Austis hurla en cœur avec les trompettes de son triomphe prochain. Le pouvoir était sien. La peur n’était rien.

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