48 : "Let's make love !"

3 minutes de lecture

« Le désir est au cœur de beaucoup de professions créatives, comme le cinéma, la musique, la photographie de mode. […] Au début, cela n’est pas vraiment une question de talent. Cela a beaucoup à voir avec l’apparence physique. Quand une belle femme entre dans une pièce, elle attire les regards. »

Catherine Deneuve, Harper's Bazaar, juillet 2018.

Studio photographique d’art Alexandre Freyburger

banlieue genevoise (Suisse)

début décembre 1992

fin de matinée

Accoudée à un bureau design, tu rayes trois clichés, extraits des rushes de votre dernier shooting, d’une croix de marqueur rouge.

Pourquoi celles-ci en particulier ?

Toi, tu connais bien le milieu de la photo d’art, et moi, celui de la haute-couture et de la mode ; la ligne éditoriale des magazines que je vise ; ce qu’ils publient, ce qu’ils refusent…

Tu m’impressionnes, Solenn, sérieusement ! Tu sais parfaitement ce que tu veux, où tu veux aller et dans quel but ; tu te donnes toujours les moyens de parvenir à tes fins.

Professionnellement oui, parce que c’est ce qu’il y a de moins raté dans ma vie…

Non mais franchement, regarde ! Regarde ces photos, la vérité qu’on peut y lire, tout ce qu’elles révèlent sans rien dire… Dans celle-là par exemple, j’imagine… Je m’imagine tellement de choses ! C’est comme si tu me parlais de ton père, de cette anecdote que tu as évoquée à propos de ce Noël, celui de tes huit ans.

Quand il m’a demandé ce qui me ferait plaisir, et que je lui ai répondu que le plus beau de tous les cadeaux, c’était de l’avoir lui, à mes côtés, pour l’éternité ?

Oui, cette anecdote-là. C’est pas du clicheton de star, ça, c’est pas du faux-semblant ; c’est du réel, du palpable…

Mais tu vois, Alex, le pire dans tout ça, c’est que cette réponse que je lui ai faite n’a jamais été aussi vraie qu’aujourd’hui, maintenant qu’il n’est plus là…

C’est cette vérité-là que je voulais saisir chez toi, l’essence-même de ce que tu es. Ce que tu m’as donné en trois jours, Solenn, c’est allé bien au-delà de mes espérances. Parce que je dois t’avouer que je craignais un peu que tu ne joues pas le jeu avec moi. Mais tu t’es livrée sans aucun fard, avec une telle humilité que le résultat m’en laisse sans voix, vraiment ! C’est au naturel que tu es la plus sublime…

Freyburger te fixe avec ce mélange d’admiration et d’envie qui caractérise tous les hommes qui croisent ton existence, te désirent. Ses lèvres se rapprochent des tiennes, manquent de déraper pour se poser sur ta bouche ; tu repousses l’assaut avec douceur.

Non Alex… Je… Je suis désolée mais… Je ne suis pas libre dans ma tête, pas disponible pour m’engager dans une histoire, une love story… Je suis encore trop vulnérable, trop fragile… Mais surtout, je crois juste que ce n’est pas le bon moment. Que tu n’arrives pas au bon moment…

Ses bras enlacent ta taille, t’enserrent contre la table en verre dépoli, ses mains se font pressantes.

Tu es stupéfiante, Solenn, tu sais ça ? Tu es la première femme à me faire cet effet-là ; je serais prêt à faire de folies pour toi, à mettre de côté mon putain d’ego, même rien que pour une nuit avec toi…

Tu réussis néanmoins à l’esquiver, à éloigner un instant son emprise. Tu lui tournes le dos, par pudeur…

Les aventures sans lendemains ne m’intéressent pas. Et puis, pour le reste, je ne suis même pas sûre de savoir aimer… Je sais blesser, trahir, mais aimer, non…

Laisse-moi t’apprendre, Solenn, s’il te plaît !

Ses mains sont toujours là, caressantes, son désir obscène aussi. Tu le sens, mais ne cèdes pas à ses avances en dénouant ce qui t’emprisonne contre lui, ce qui n’aspire qu’à t’explorer. En lui faisant face, les yeux dans les yeux.

N’insiste pas, Alex. J’ai quelqu’un à reconquérir avant d’envisager quoi que ce soit avec un autre homme. Et tant que cette personne ne m’aura pas pardonné, je ne pourrai pas avancer dans ma vie de femme… Alors pour l’instant, je priorise ; et c’est ma carrière que je priorise, rien d’autre. C’est OK pour qu’on reste amis, Alex, mais ne me demande pas plus. Parce que je ne peux pas…

Le photographe, déçu, semble comprendre. Oui, tu penses sincèrement que c’est une méprise, une mauvaise interprétation de ton attitude amicale envers lui, qu’il a compris. Seulement, tu ignores que la simple idée d’avoir à te partager sera à même de l’horripiler…

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