Prologue : Empreinte

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« Oui, il y avait quelque chose de spécial chez moi. J’étais le genre de fille qu’on retrouve morte dans une chambre minable, un flacon de somnifères vide à la main. »

Marilyn Monroe, Confession inachevée


Meythet (74)

le 16 mars 2008

19:59

— Zack, magne-toi ! Ils vont annoncer les résultats…

— Ouais, ouais, voilà, j’arrive…

Je débarque de la kitchenette, les bras chargés du précieux ravitaillement nécessaire à alimenter les quelques personnes familières qui squattent mon living. La phobie d’être seul sans doute. Sur la table basse, les biscuits apéritifs débordent de leur coupelle et les bouteilles d’alcool voisinent des verres à moitié vides. Plus aucun récipient n’est disponible pour y déverser mes chips et mes Curly.

— Assieds-toi, on ne voit plus rien !

J’ai l’air d’un con avec mes paquets d’amuse-gueules sur les bras. Le verdict tombe, mais je ne l’entends pas. Tout au plus un brouhaha lointain. Et puis, la déception furieuse de mes camarades devant 8 Mont-Blanc.

— Oh non, putain ! Ils sont complètement cintrés d’avoir à nouveau voté pour lui !

— Tu sais, ici c’est des bourges. Pour eux, il n’est pas question que leur ville soit gérée par la gauche socialiste. Depuis qu’il est à la mairie, Werner a fait le ménage et Annecy n’a jamais été aussi clean ; alors ça leur va bien tout ça…

Les élections municipales. Les dernières d’importance ont eu ta peau, mon amour. C’était en 2001. A l’époque, tu étais la seule à pouvoir sérieusement inquiéter Werner sur l’échiquier politique. Paul Werner, ton ex-mari, cet ennemi intime. L’homme qui se délectait du plus infime de tes vacillements. Et celui-ci fut de trop. Je ne vis rien venir, Solenn, ni ne sus mesurer combien tu avais mal. Tu étais une actrice, et pour tes adieux à la scène, tu me servis ton plus grand numéro d’illusionniste, ton dernier rôle de composition, celui du fair-play. J’aurais dû deviner que sous ton masque de porcelaine, ton âme était brisée, seulement…

Mon regard voilé se perd sur ton portrait. Celui qui illumine la pièce. Ton sourire enjôleur s’insinue en moi et je me noie dans tes prunelles azur. Mon corps d’ébène se fige sur le fauteuil informe, une larme perle sur ma joue. Aminata tente de m’extirper de ce passé qui me hante. Elle sait.

— Zack ? Ça va ? Oh, reviens vers nous, mon frère !

La mine défaite, je parviens à peine à articuler quelques mots.

— Elle… Elle est si loin, Mina… Si loin de moi…

Les autres ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas se figurer ce vide qui m’envahit, tu étais mon héroïne. L’héroïne d’une tragédie orchestrée par Werner. J’aurais aimé que ce soir de février 1980 n’ait jamais existé. Cette nuit où, naïvement, tu t’es jetée dans la gueule du loup en t’en amourachant.

Une nuit bien avant notre rencontre…

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