SURGIS DES ABYSSES

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Paddington. 17h.

— Je n'ai pas démissionné après cette affaire, mais ma vie en fut très affectée. J'ai quitté Edimbourg pour m'installer à Londres, où vivait ma grand-mère. Dell fut témoin du meurtre de Morgann et d'un des hommes de main de Paddy Le Boureau... Le corps de Morgann fut déplacé pour me montrer qu'ils savaient qui elle était : un flic infiltré. Ma sœur. Un avertissement, pour dire : « rien à foutre des filles Monroe, c'est l’unique sort qu'on réserve aux traîtres »... Après le procès et tout ce merdier, j'ai demandé ma mutation. Loin de tout ça. Bon sang comment ai-je pu oublier que j'étais mariée ?

— Les filles Monroe ? Tu as changé de nom ? demande Félicia à son amie en lui servant une tasse de thé.

— Non, juste Eddy Monroe, un ancien criminel chez qui on traînait quand on était môme. Il nous racontait ses vieilles histoires de gangster : braquages en tous genres sans jamais tuer, des arnaques qui ferait pâlir les plus expérimentés, le Belge etc... Il a vécu en France ! Ce pays qui fait planer certains. Personnellement, ça ne m'attire pas.

— Mais c'est le rêve, cet homme !

— Ah oui, il nous a faites rêver ! C'était une grosse tête ! Imagine, un peu : il s'est payé de grandes études avec ses arnaques et ses braquages très sophistiqués. On n’a jamais pu l’épingler ! Ce type était un génie criminel et, paradoxalement, d'une gentillesse incroyable. Oui, il nous a faites rêver. Et beau gosse avec ça, pour un vieux. Le genre Paul Newman d'un mètre quatre vingt dix !

— Oh mon dieu je vais défaillir ! Bon, ton Monroe tu me le gardes pour une prochaine séance, revenons à Dell. Ce môme n'a vraiment pas eu de chance ! Law tend sa tasse à Félicia, qui s'empresse de refaire du thé.

— Je t'entends d'ou je suis !

Law sourit.

— Un adolescent de treize ans, témoin à charge dans une sale affaire de meurtre. Un règlement de comptes entre mafieux et ma sœur dans le lot. Elle non plus n'a pas eu de chance, lui au moins il est en vie. Il était là au mauvais endroit, au mauvais moment. Son avocate était une véreuse à la solde de cet enfoiré de Paddy. Le Bourreau... avec un surnom pareil t'imagine bien de quoi le type était capable ! Fraîchement transféré à la criminelle d'Edimbourg, on a collé Mac sur l'affaire et comme à chaque fois dans ce genre de cas, il n'arrivait pas à le coincer. Il n'y avait jamais assez de preuve à charge, les témoins gênants était soit éliminés, soit terrorisés par les sbires du malfrat, aussi ils refusaient de témoigner. Jusqu'à Dell. C'est son manque de veine qui nous a permis de boucler cette ordure. Enfin, boucler, façon de parler. C'était sale. Mac m'a couverte.

— Je comprends mieux ce petit truc que tu as avec cet étalon de rêve ! Stupide que tu es de ne pas en profiter. Je ne te comprends pas ! Bref, la suite.

— Environs deux an après, Dell et sa famille déménageaient à Londres. Cette même année il perdait ses parents dans un accident de voiture. C'est son demi-frère, qui dû le prendre en charge. J'ai appris plus tard que se reprochant de n'avoir pu protéger le gamin à l'époque de cette sale affaire, il sombra dans la drogue. A seize ans Dell dû s’occuper dû foyer, trouver du travail au noir et continuer à aller à l'école afin de cacher la déchéance de Connor.

Connor… Griffiths… Non, c’est trop bizarre...

— T’es partie où, ma belle ? lance la colocataire en revenant avec une théière bouillante.

— Pardon… Oui. Il ne voulait pas finir en foyer d'accueil ! Il avait donc toutes les raisons du monde de me reprocher de l'avoir laisser vivre. C'est ma grand mère qui m'a appris tout ça, après ma mutation. Quand je l’ai revu, ses parents vivaient encore. Je ne sait pas ce qui m’a pris de faire ça. J’avais sans doute besoin de savoir qu’il allait bien. Bien… Dans son état… Je ne sais pas ce qu’il est devenu depuis.

Félicia regarde Law, admirative :

— Une grand-mère héroïne de guerre, ex-agent du MI6, un père à la Royale Navy, neveux de gangster, c'est une famille digne d'un roman. James Bond ne vous arrive pas à la cheville !

— Une mère dépressive et irresponsable. Mon père est mort, j'avais dix ans. On a dû emménager chez un oncle, à Edimbourg.

— Ton père est originaire de Belfast, tu m'avais dit ?

— Oui. La famille a fuit l’Irlande. Certains se sont installés à Glasgow et les autres à Edimbourg. Mon père grandit à Glasgow, il y a rencontré ma mère.

— La vache, on dirait un rapport de police !

— Oui, mais, comme je confonds parfois avec mes rêves, j'ai besoin de récapituler le truc, tu vois ?

— Alors attends ta grand-mère MI6... sinon je perds le fil ?

— C'est la mère de ma mère.

— Famille de dingue, mon dieu, il faut pouvoir suivre !

— Les irlandais sont aussi compliqués que les tragédies de Shakespeare.

— Pire. Mais comment ta grand mère s'est retrouvé à Londres et sa fille à Glasgow ?

— Quand ma mère s'est mariée, Grand-mère est retournée vivre en Angleterre, après le décès de grand-père.

— Une vrai globe trotteuse la vieille !

— Elle n'a jamais vraiment eu l'instinct maternel. Sa fille s'était casée, elle avait fait son boulot. Attention, ce n'est pas une mauvaise femme, mais elle a toujours vu la vie plus grand que mère au foyer élevant ses gosses. Je dois tenir ça d'elle. Ce côté froid.

Félicia s'assoit à côté de l’enquêtrice, puis pose sa main sur son épaule :

— Tu n'es pas froide. Tu n'accordes pas ta confiance à n'importe qui, c'est différent. Et entre nous, je trouve ça admirable. Peu de gens supportent la solitude. C'est ce qui les pousse à faire des erreurs stupides, à impliquer d'autre vie dans le foutoir qu'ils produisent. Ensuite ils jouent les pauvres petites victimes, au lieu de se remettre en question et réfléchir deux secondes aux conséquences de leurs actes. Pense, par contre, à éviter de te foutre en l'air comme tu le fais en ce moment.

Law se retourne brusquement vers Félicia, lui jetant un regard interloqué.

— Tu crois que je ne suis pas au courant pour la drogue ? C'est flagrant pourtant.

L’ex-flic reste silencieuse. Bien sûr que Félicia savait, elle travaille à l'hôpital et un esprit aussi vif ne pouvait pas passer à côté de ça.

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