A NEW CAREER IN A NEW TOWN

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Dans une grande maison à l'architecture art déco, une jeune fille monte les escaliers avec un plateau sur lequel du thé, du lait et quelques biscuits. Elle entre dans la chambre où son oncle écrit, assis à son bureau, puis pose l'accessoire à côté de lui. La fillette sourit à l'homme, qui lui rend sa mimique en la remerciant d'un signe de tête. La brunette à la coupe au carré années 1920 s'assoit sur un tabouret près du plan de travail. L'homme prend quelques gorgées de thé. L'adolescente l'observe. Soudain il se tourne vers sa nièce :

— Qu'est ce que...

Se levant calmement, elle continue de le dévisager. Il tombe de sa chaise, s'agrippe à sa jupe et prononce dans un dernier souffle :

— Louise !

*

Law se réveille en sursaut. C'était un cauchemar. Elle se passe les mains sur le visage pour sortir de sa torpeur, puis regarde son mobile :

— Fuck ! La cliente ! jure-t-elle, se lèvant en trombe.

L'enquêtrice compose un numéro.

  • Allo Ren, j'arrive au plus vite !

Law raccroche. L'ex-flic, habituée aux timings serrés, enfile le jean trainant sur la bord de son lit, un T-shirt propre extirpé d'un tiroir de sa commode et se rue dans la salle de bain.

Visage, dents, c'est torché.

Law prend sa veste, met son kit main libre puis sort en courant.

La W. Agency se situe dans le quartier de Victoria, sur Guildhouse Street. L'enquêtrice, habitant à Sussex Garden, n'a qu'à traverser le parc pour s'y rendre. L'agence est un petit deux pièces en rez-de-chaussée d'un bâtiment de briques marron, à trois étages. Ren, toujours ponctuelle, se trouve déjà dans le bureau. La cliente, assise en face d'elle, boit un thé. Les deux jeunes femmes attendent Law. Arrivée au bout de Hyde Park, l'enquêtrice rappelle sa collègue.

— OK, résume.

La sublime blonde élancée, tirée à quatre épingles, au bout du fil... c'est Renata, mon associée. Elle me coûte un bras, mais on s'entend bien. Elle semble un peu rêveuse et romantique par moment, et pourtant... on peut compter sur elle. Un peu trop, même. Elle s'inquiète toujours pour un rien, une vraie mère poule !

— Madame Montgomery cherche un objet, un héritage familial. Un grand miroir d'environ un mètre de long. Je sais que la recherche d'objets ce n'est pas vraiment notre spécialité, mais je ne pouvais pas refuser. Tout ce qui appartenait à sa famille a été vendu après la mort de son oncle...

Ren n'a pas le temps de finir. Law arrive essoufflée :

— Bonjour, Madame Montgomery. Toutes mes excuses pour ce retard, une affaire sur laquelle j'ai planché toute la nuit.

Après une poignée de main, l'enquêtrice s'assied derrière son bureau.

— Vous voulez donc que je retrouve ce miroir ?

— Oui, j'aimerais assez, je traverse une mauvaise passe en ce moment, je suis en instance de divorce et ça se passe assez mal. Je risque de me retrouver sans le sou. Ce miroir valait une petite fortune à l'époque. Il est incrusté de saphirs, de rubis et certaines parties sont en or massif.

L'ex-flic, intriguée, lui demande :

— Auriez-vous une photo de l'objet à me montrer ?

— J'ai pris un cliché du portrait de mon oncle. Le miroir est en arrière plan.

La cliente fouille dans son sac, puis trouve la photographie, qu'elle tend à l'enquêtrice. Law la regarde, son expression s'assombrit.

— Vous devriez m'en dire plus sur cet objet. Qui s'est occupé de la vente après le décès de votre oncle ?

— Après la mort de mes parents et de mon oncle, mes grands-parents m'ont adoptée. Ils ont vendu la maison et tout ce qu'il s'y trouvait. Je n'en sais pas plus à vrai dire... À part que certains objets ont été rachetés par des membres éloignés de la famille. J'étais très jeune, j'ai peu de souvenirs de cette époque.

*

Paddington flat.

Law boit son thé sur le balcon, l'air préoccupé. La rousse aux grands yeux vert émeraude entend soudain, un objet se briser. Laissant sa boisson de côté, elle rentre dans le salon pour trouver la cause du bruit. Au pied du buffet enfilade longeant le mur, gisent les morceaux d'une assiette en porcelaine. La jeune femme resent encore une fois la présence de la nuit dernière. Elle se retourne et regarde le miroir.

C'est le même que celui sur la photo de la cliente.

— Non. OK. Mais là non. C'est de la folie.

Law s'approche de la glace, puis scrute l'intérieur, comme si elle voulait passer de l'autre côté.

Alice... mais encore... Non.

L'ex-flic ramace les bris de porcelaine, retourne chercher sa tasse de thé, dépose le tout sur le plan de travail de la cuisine et sort aussitôt de l'appartement.

*

Brixton district.

Law s'arrête en face du bâtiment, le regarde un moment. L'ex-flic y entre enfin, puis se dirige vers l'accueil pour se présenter. Quelques minutes plus tard un policier vient vers elle :

— Il arrive.

— Merci.

À cette instant, le DCI[1] McKenzie apparaît et fait signe à Law de le suivre. La jeune femme lui emboîte le pas jusqu'à une salle d'interrogatoire. Montrant une chaise, Mac lui suggère de s'installer. Elle refuse, puis s'adosse au mur en face de la vitre teintée en croisant les bras. L'inspecteur s'assoit sur la table. Après un long silence, Mac s'adresse à l'ex-flic sur un ton sarcastique.

— Ça fait un bail.

Inspecteur-Chef, Tyler McKenzie. Aaaah, Mac... Trop compliqué à expliquer. Passons.

— Ouais. J'ai besoin d'un service.

— C'est quoi ?

— Des renseignements sur une certaine Madame Montgomery. Sa famille à vrai dire. Ses parents et son oncle sont décédés. Concernant ce dernier, si c'est une mort suspecte, tu dois avoir des rapports aux archives.

— Montgomery, tu dis.

— Beaumont-Montgomery. Beaumont étant, je suppose, le nom de son mari...

Beaumont, comme Félix...

— OK, je vais voir ça. Je te tiens au courant très vite.

Mac se dirige vers la sortie, ouvrant la porte pour laisser passer Law. L'enquêtrice n'est pas surprise par sa réaction, mais elle attendait de lui un peu plus de...

...de résistance, de colère, d'indignation, que sais-je ? Une émotion bordel ! L'English dans toute sa splendeur ! Ah, il a peut-être grandi en Écosse, celui-là, mais un cul serré de naissance, ça reste un cul serré ! Mac le Magnifique, toujours stoïque. Superbe blond de presque deux mètres, mais j'ai toujours envie de lui foutre des baffes pour le secouer !

— Tu comprendras que je ne peux pas te laisser aller aux archives. Je m'en occupe.

— Bien sûr. C'est assez pressé par contre.

— Oui. J'ai dit : très vite, lui répond Mac, sèchement.

Law le regarde, puis acquiesce. Elle n'insiste pas, la situation est assez tendue à son goût.

*

Louise est assise dans le jardin. Son oncle s'occupe des plantes. Elle l'observe, tel un chasseur guettant sa proie. L'homme lui fait signe de venir l'aider. La brunette se lève, puis vient près de lui. Il lui tend un plantoir et lui indique un petit lopin de terre.

— Pique-le dans le sol, à la moitié, pour faire des trous. Espace-les de dix centimètres environ. Je vais te suivre pour y mettre les graines d'impatiences.

Louise s'exécute. Il la suit, laissant tomber quelques semences dans chacun des orifices qu'elle a creusé. Par quelques gestes, apparemment anodins, elle cherche à le séduire, puis tente de l'embrasser. Il la prend par les bras et la repousse.

— Bon sang, Louise ! Que fais-tu ?

Elle le regarde fixement. Il se lève, puis rentre dans la maison. Mais qu'a-t-elle dans la tête cette môme ? se dit-il, perturbé par le geste de la jeune fille.

La sonnerie retentit à l'entrée, l'homme va ouvrir. Les parents de Louise sont revenus de voyage. La mère se jette sur sa fille et l'embrasse.

— Louison ! Alors, tu as été sage ?

La brunette repousse sa mère, d'un geste agressif.

— Maman, j'ai quinze ans, je ne suis plus une enfant !

Le père serre la main de son frère.

— Bon, le voyage a été long, il faut encore défaire les bagages, je retourne au travail demain.

L'oncle aide les parents à porter les valises dans leur chambre. Louise reste à l'entrée, les regarde monter, puis va dans le salon pour jouer du piano.

*

W. Agency. Victoria.

L'enquêtrice, assise à son bureau, une tasse de thé à la main, lit les dossiers d'archives que Mac lui a confiés. Ren entre, lui tendant un article de journal :

— Law, lis ça ! Le père disparaît mystérieusement, l'oncle meurt quelques mois après... Et c'est pas tout...

Law lit l'article, puis regarde la photo de famille.

— T'as chopé ça aux archives de la bibliothèque ?

— Oui, lui répond Ren, fièrement.

Law continue à regarder la photo, reprend le dossier qu'elle étudiait précédemment pour le lancer sur la table en direction de son associée.

— Mate ça.

Ren prend le maigre document et commence à feuilleter ses quelques pages.

— Cette Madame Beaumont-Montgommery nous cache des choses.

Law relève la tête, posant ses coudes sur le bureau. Ren, debout de l'autre côté de la table, cesse de lire, puis regarde Law :

— Oui. Et ce miroir qu'elle recherche, je sais où il est... Il est à Félicia maintenant, lance l'enquêtrice, préoccupée.

— Félicia a les moyens de se payer un truc pareil ?!

— C'est dans sa famille depuis quelques générations. Son grand-père était propriétaire terrien aux Etats-Unis. Alors quand ils ont emménagé au Royaume-Uni, ils ont dû faire la razzia sur les puces et les antiquaires de Londres... Bref, j'en sais rien, mais toujours est-il que l'objet est chez moi...

— On ne lui dit rien pour l'instant. Je ne la sens pas cette Montgomery.

— À qui le dis-tu...

Law regarde encore la photo, pensive :

— Louise Beaumont-Montgomery... Louise Montgomery... En tout cas elle est drôlement bien conservée pour une femme née en 1915. Mimétisme génétique ? s'interroge Mortensen.

— Vu le genre d'enquête qu'on mène, ça ne me surprendrait pas que ce soit elle.

Ren replonge dans la lecture du dossier.

— Un brin dérangée la Louise, si c'est elle qui a commis ces meurtres. Et le père, retrouvé mort dans sa voiture, un an après le décès de l'oncle. Une momie. Déduction, il a été tué peu après son beau-frère.

— Le rapport d'autopsie dit que c'est une crise cardiaque qui aurait provoqué l'accident. L'oncle a lui aussi eu un infarctus... Y'avait quoi dans leur jardin ? demande Ren.

— Bonne question. Digitale pourpre à tous les coups.

— Sans doute. Tu m'éclaires ?

— On en extrait de la digitaline, pour le traitement de cardiomyopathies. Je ne peux pas te préciser lesquelles... tout ce que je sais c'est que ça peut tuer et vite.

— Quelle science !

— Je trainais toujours à la morgue quand j'étais flic. Le légiste était canon.

[1] Detective Chef Inspector.

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