UNE NUIT A LONDRES

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Je me promenais dans les rues de Londres, en direction de la Tamise. Je me suis arrêtée devant la vitrine d'un restaurant fermé, le décor intérieur me plaisait.

— Tu viens de Glasgow ? me demanda une voix grave et posée.

Je me tournai et vis un homme blond cuivré, environs trente-cinq ans, un beau visage aux traits fins, de grand yeux bleus, qui me fixait intensément. Il avait l'air très sérieux. Perturbant.

— Glasgow, oui. Dans mon enfance.

— Nous étions voisins.

— Sans doute... Alex, c'est ça ?Je me promenais, le soir, dans les rues de Londres, en direction de la Tamise. Je me suis arrêtée devant la vitrine d'un restaurant fermé, le décor intérieur me plaisait.

— Tu viens de Glasgow ? me demanda une voix grave et posée.

Je me tournai et vis un homme châtain, environs trente-cinq ans, un beau visage aux traits fins, de grand yeux bleus, qui me fixait intensément. Il avait l'air très sérieux. Perturbant.

— Glasgow, oui. Dans mon enfance.

— Nous étions voisins.

— Sans doute... Alex, c'est ça ?

— Oui.

— Hm... Ma petite sœur voulait vous épouser quand elle aurait grandi.

— Je m'en souviens...

Nous nous sommes retrouvés à déambuler sur les rives de la Tamise. C'était assez étrange de se revoir tant d'années après, à l'autre bout du Royaume Uni. Surtout que je le connaissais à peine. On a aidé sa famille à retaper la maison de sa grand-mère après l'incendie. J'ai aussi joué le chaperon au restaurant pour ma petite sœur. Morgann le connaît bien mieux, elle est restée à Glasgow plus longtemps que moi. Tout ceci n'était pas ma vie, mais je l'avais intégré telle une réalité. Comme si j'étais dans une dimension parallèle. Témoin d'une existence que j'aurais pu avoir. Ma petite sœur était vraiment amoureuse de lui. Je me sentais d’ailleurs mal à l'aise de passer du temps avec l'homme de sa vie. Lorsque nous nous sommes arrêté devant la vitrine d’un magasin d'instruments de musique, le bel homme ténébreux et taciturne s'est transformé en gamin curieux face à une maison de jouets. Il me prit par la main pour m'attirer dans son antre. Premier contact physique de la journée. Je sentis une chaleur m'envahir progressivement le haut du corps. Alex se jeta sur une Ibanez électrique au look quelque peu rétro.

J'avoue que je n'y connais rien en guitares.

Il tenta un riff avant de la reposer :

— C'est pas mal, je parie que t'avais ton groupe de rock quand t'étais ado. Ça devait se lâcher dans la cave ! J'imagine la tête des parents...

— Et je l'ai toujours, avec les mêmes potes. On avait un squat.

— Un squat ?

— Oui, on avait investi une baraque abandonnée.

— Rock indépendant je suppose ?

— Oui.

— Faut pas lâcher, qui sait.

Je regardais fixement la guitare électrique. Soudain, il la saisit, puis se dirigea vers la caisse :

— Je la prends. Avec un étui souple s'il vous plaît.

Nous sommes sortis de la boutique, silencieux. Après quelques pas le long de la Tamise, il s'arrêta, se tourna vers moi et me tendit l’instrument :

— Tiens, si tu veux apprendre, je te montrerai.

Complètement choquée par cette étrange situation, je pris la guitare dans mes mains restant figée, comme une gosse, le regard posé sur l'objet, sans comprendre ce qu'il venait de m'arriver.

Tout de même, un inconnu m'offre une guitare ! Pas totalement un inconnu, mais si, en fait !

J'ai l'impression de me prendre un astéroïde en pleine face. En réalité nous n'avons pas été voisins longtemps, Morgann ne l'a jamais connu, nous avions déménagé à Édimbourg. J'avais cinq ans, Morgann trois. On aurait dit que j'avais changé de dimension et qu'il avait reconnu l'autre moi. Je n'allais rien lui dire à ce sujet, de peur de passer pour une cinglée. Même si ce n'était qu'un rêve. Ma vie est déjà assez compliquée comme ça. Un beau gosse me propose de m'apprendre à jouer de la guitare, je serais stupide de refuser.

— Merci. Je ne savais pas trop quoi dire d'autre : je vis à Édimbourg maintenant, Londres j'y viens quelque fois pour voir ma grand-mère.

— Je bouge pas mal, mais je suis resté à Glasgow. Là, j'ai une opportunité pour un job saisonnier à Londres, mon oncle me prête son studio.

— Tu bosses dans quoi ?

— Je suis cuistot, en attendant de voir mieux, ça paie les factures. Et toi ?

— Paysagiste.

Je ne sais pas pourquoi j'ai menti, mais flic ne me paraissait pas une profession très glamour à ce moment précis. Et enquêtrice dans le bizarre c'est pire... Il me prit soudain par le bras :

— J'ai fait quelques courses, je pensais essayer une idée de recette. Mon oncle s'est fait une petite cave à vin, tu m'en diras des nouvelles...

Il s'arrêta de parler. Je me tournai vers lui et le regardai. On aurait dit qu'il était heureux de retrouver un amour perdu. Son enthousiasme était galvanisant. J'étais tentée, j'aime la bonne bouffe ! Je haussais les épaules l'air de dire : « pourquoi pas ».

— C'est sympa, tu verras. C'est une ancienne boutique aménagée en appartement et il y a une petite cour intérieure qui sert de terrasse. C'est un peu la jungle avec les grosses fleurs de pivoine et les cosmos qui grimpent à tous les murs. Il y en a même une qui s'est incrustée dans la salle de bain, par la lucarne. Ça devrait te plaire vu que tu es paysagiste.

Paysagiste, mais oui, j'espère qu'il ne me posera pas des questions techniques sur les plantes !

J'ai accepté son invitation. Après un dîner savoureux : crème d'asperges, merlu aux champignons noirs et échalotes marinées puis, en dessert, Paris-Brest à la crème de citron vert. Royal, j'en salive encore ! Nous nous sommes allongés côte à côte, sur le sol de la courette. Un vent frais nous caressait la peau. Je sentais le poids de mon corps sur la pierre froide et commençais à fusionner avec la terre. Dans ces moments magiques, il n'est nul besoin de parler. La végétation luxuriante grimpait le long des murs jusqu'à la voûte céleste. J’appréciais la beauté de la vision qui s’offrait à moi. La beauté du silence.

— Oui.

— Hm... Ma petite sœur voulait vous épouser quand elle aurait grandi.

— Je m'en souviens...

Nous nous sommes retrouvés à déambuler sur les rives de la Tamise. C'était assez étrange de se revoir tant d'années après, à l'autre bout du Royaume Uni, surtout que je le connaissais à peine. On a aidé sa famille à retaper la maison de sa grand-mère après l'incendie et j'ai joué le chaperon, au restaurant, pour ma petite sœur. Morgann le connait bien mieux, elle est restée à Glasgow plus longtemps que moi. Tout ceci n'était pas ma vie, mais je l'avais intégré comme si ça avait été le cas : comme si j'étais dans une dimension parallèle, témoin d'une vie que j'aurais pu avoir. Morgann était vraiment amoureuse de lui, je me sentais quelque peu mal à l'aise de passer du temps avec l'homme de sa vie. Lorsque nous sommes tombés devant un magasin d'instruments de musique, le bel homme ténébreux et taciturne s'est transformé en gamin dans une maison de jouets. Il me prit par la main et m'attira dans on antre. Premier contact physique de la journée. Je sentis une chaleur m'envahir progressivement le haut du corps. Alex se jeta sur une Ibanès électrique au look quelque peu rétro (j'avoue que je n'y connais rien en guitares). Il tenta un rif avant de la reposer :

— C'est pas mal, je parie que t'avais ton groupe de rock quand t'étais ado, ça devait se lâcher dans la cave, j'imagine la tête des parents...

— Et je l'ai toujours, avec les mêmes potes. On avait un squat.

— Un squat ?

— Oui, on avait investi une baraque abandonnée.

— Rock indépendant je suppose ?

— Oui.

— Faut pas lâcher, qui sait.

Je regardais fixement la guitare électrique. Soudain il la reprit, se dirigea vers la caisse :

— Je la prends. Avec un étui souple s'il vous plaît.

Nous sommes sortis de la boutique, silencieux. Après quelques pas le long de la Tamise, il s'arrêta, se tourna vers moi et me tendit la guitare dans son étui :

— Tiens, si tu veux apprendre, je te montrerai.

Complètement choquée par cette étrange situation, je pris la guitare dans mes mains et restai figée, comme une gosse, le regard posé sur l'objet, sans comprendre ce qu'il vennait de m'arriver. Tout de même un inconnu m'offre une guitare ! Pas totalement un inconnu, mais tout de même ! J'ai l'impression de me prendre un astéroïde en pleine face. En réalité nous n'avons pas été voisins longtemps, Morgann ne l'a jamais connu, nous avions déménagé à Edimbourg j'avais cinq ans, Morgann trois. On aurait dit que j'avais changé de dimension et qu'il avait reconnu l'autre moi. Je n'allais rien lui dire à ce sujet, de peur de passer pour une cinglée, même si ce n'était qu'un rêve. Ma vie est déjà assez compliquée comme ça. Un beau gosse me propose de m'apprendre à jouer de la guitare, je serais stupide de refuser.

— Merci. Je ne savais pas trop quoi dire d'autre. Je vis à Edimbourg maintenant, Londres j'y viens quelque fois pour voir ma grand-mère.

— Je bouge pas mal, mais je suis resté à Glasgow. Là, j'ai une opportunité pour un job saisonnier à Londres, mon oncle me prête son studio.

— Tu bosses dans quoi ?

— Je suis cuistot, en attendant de voir mieux, ça paie les factures. Et toi ?

— Paysagiste.

Je ne sais pas pourquoi j'ai menti, mais flic ne me paraissait pas une profession très glamour à ce moment précis et enquêtrice dans le bizarre c'est pire... Il me prit soudain par le bras :

— J'ai fait quelques courses, je pensais essayer une idée de recette. Mon oncle s'est fait une petite cave à vin, tu m'en diras des nouvelles...

Il s'arrêta de parler, je me tournai vers lui et le regardai. On aurait dit qu'il était heureux de retrouver un amour perdu. Son enthousiasme était galvanisant. J'étais tentée, j'aime la bonne bouffe ! Je haussais les épaules l'air de dire : « pourquoi pas ».

— C'est sympa, tu verras. C'est une ancienne boutique aménagée en appartement et il y a une petite cour intérieure qui sert de terrasse. C'est un peu la jungle avec les grosses fleurs de pivoine et les cosmos qui grimpent à tous les murs, il y en a même une qui s'est incrustée dans la salle de bain, par la lucarne. Ça devrait te plaire vu que tu es paysagiste. (Paysagiste, mais oui, j'espère qu'il ne me posera pas de questions techniques sur les plantes !) J'ai accepté son invitation. Après un dîner savoureux : crème d'asperges, merlu aux champignons noirs et échalotes marinées puis, en dessert, Paris-Brest à la crème de citron vert : royal, j'en salive encore ! Nous nous sommes allongés côte à côte, sur le sol de la courette. Un vent frais nous caressait la peau, je sentais le poids de mon corps sur la pierre froide. Je commençais à fusionner avec la terre. Dans ces moments magiques, il n'est nul besoin de parler. La végétation luxuriante grimpait le long des murs jusqu'à la voûte céleste. La beauté du silence.

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