Chapitre 12 : Défendre les frontières

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Piotyr

Valentyn fut tout à fait stupéfait du nombre d’informations que je parvins à lui donner, bien que la moitié provienne du carnet ainsi que des lettres de la fausse reine et l’autre consistant à deviner entre un seigneur conspuant en chaque instant le nouveau roi et un autre le révérant lequel des deux risque de faire défection en cas de guerre. Valentyn refusa néanmoins qu’on exécute le duc de Kulmar pour l’instant étant donné qu’il s’agit d’un habile organisateur militaire qu’il sera essentiel de conserver pendant le conflit. Par contre le duc de Kmar n’allait pas s’en tirer à si bon compte, lui qui n’avait d’autre talent que de fort bien cuisiner ses semblables. Il était également parmi ceux qui critiquaient le plus ouvertement le nouveau souverain et la proximité de son fief avec la frontière oranienne nous inquiétait au plus haut point. Toutefois, en l’absence de preuve directe, Valentyn opta pour l’assassinat.

Nous pûmes ainsi apprécier l’étendue des compétences de notre nouvelle agent que je nourris pour l’occasion avec mon propre sang et ma propre chaire comme l’exige son étrange métabolisme. Elle revint trois semaines après que je lui ai donné l’ordre de mission. Elle s’était déguisée afin qu’on ne la reconnaisse pas lors de ses trajets et était parvenue à faire passer la mort du traître pour accidentelle en provoquant un éboulement sur le passage du cheval du duc lors d’une partie de chasse. Nul se posa davantage de question et la fille du macchabé, qui devint duchesse, est bien plus encline à collaborer avec son roi que ne l’était son père.

Valentyn fut satisfait et ordonna à ses ministres que tous les seigneurs risquant de se soulever soient traduits en justice si les preuves le permettaient. Si ce n’était pas le cas, cela devenait mon affaire et bien des accidents allaient s’abattre sur les vampires récalcitrants… Tant de morts malencontreuses qu’il deviendra petit à petit évident, même pour le plus idiot des nostalgiques de l’usurpatrice, qu’il vaut mieux ne pas contrarier le nouveau monarque sous peine de s’attirer les foudres de Valass. Toutefois il nous faut agir au plus vite et je ne sais pas si nous aurons le temps de purger tout le royaume avant l’arrivée de l’ost oranien.

Le roi a rejoint ses troupes à la frontière mais avec dix-sept mille hommes et trois mille vampires je crains qu’on ne paye au prix fort la perte de l’esprit chevaleresque et le manque de moyens investis dans l’armée. Les seules forteresses en état son celles situées directement sur la frontière maintenue en état par Sergeï, marquis de l’est. Après avoir trahi Orania il avait toujours redouté que cette invasion vienne un jour et il s’était échiné, malgré le manque de subventions royale, à entretenir ses citadelles. Toutefois notre réseau défensif n’a aucune profondeur et une fois les premiers châteaux tombés l’ennemi pourra s’enfoncer dans notre nation comme dans du beurre. Valentyn peu malgré tout compter sur le comte d’Or, grand général, vainqueur lors de la dernière guerre et fervent soutient de la politique actuelle. Le félon duc de Kulmar reste quant à lui à Sussmar afin d’organiser la formation et l’équipement des nouvelles troupes. Il en profite également pour réduire les populations humaines en leur laissant le choix entre l’incorporation ou la mort et il est surprenant de voir que nombre d’entre eux refusent malgré tout de s’enrôler ne prenant pas au sérieux nos menaces après tant d’années de laxisme... A leur grand dam. Cela me permet également de garder un œil sur lui mais pour l’instant il semble s’atteler à sa tâche consciencieusement. Travailler dans le même conseil que cet ignoble parjure me rebute au plus haut point mais j’ai abandonné l’idée que servir mon pays en tant que gardien des secrets puisse être agréable à quelque moment que ce soit.

Bonne nouvelle néanmoins, il semble que le roi d’Aartov soit disposé à refuser au fils de l’usurpatrice le trône qu’il s’en va réclamer les armes à la main. Les révélations liées à l’alliance qui se préparait entre la fausse reine et Nikolaj l’ont mis hors de lui. Toutefois il compte profiter au mieux de sa neutralité et ne rentrera en guerre que lorsqu’il s’estimera prêt. Je ne doute pas de la parole du roi Javor, s’il y a une famille royale à cheval sur les principes c’est bien la sienne et nul doute qu’il est de la même trempe que ses aïeux. Je pense toutefois qu’il sous-estime notre état d’impréparation. Nous ne pouvons néanmoins rien lui en révéler sous peine de le voir hésiter encore davantage à nous rejoindre malgré son sens de la chevalerie… D’expérience peu de gens risquent leur vie pour une cause perdue qu’importe leur vertu. Nous allons donc devoir lutter seuls pendant quelques temps contre une armée bien supérieure en nombre selon mes informateurs. Le roi m’a ordonné de purger en priorité les marches du royaume des mauvais seigneurs mais insiste également pour que mon agent soit à sa disposition lorsque les combats auront commencé.

J’ai donc un mois, deux tout au plus, pour faire disparaître un maximum de vampires renégats… Ce ne sera jamais suffisant mais je vais au moins essayer de sécurises nos frontières immédiates. Il m’en coûtera encore bien du sang et de la chaire mais au moins l’emprise de Valentyn sur son royaume en sera renforcée et nous pourrons tenir plus facilement en attendant la montée en puissance de nos forces ainsi que l’intervention du royaume d’Aartov. Avec l’aide de Valass, nous vaincrons !

Lev

Mon errance prendra-t-elle fin cette fois ? Depuis la bataille des cinq rois je ne cesse de rechercher des personnes susceptibles d’entendre l’appel de Valass et Himka. Qu’il est dur d’être le dernier de sa foi, ultime survivant d’une caste disparue dans le sang. Il était facilement prévisible que les vampires seraient peu réceptifs à mon message mais les humains sont encore plus bigots que mes congénères. Qu’il est triste de se voir refuser l’aide que l’on propose à cause des égarements de quelques-uns. Je continue malgré tout sans repos ni relâche à chercher ceux qui sauront accueillir la vérité en leur cœur.

J’ai beau avoir participer à bien des tournois et en avoir remporté bon nombre, l’estime que je gagne chez les vampires ne me permet pas pour autant de ne serait-ce que contester le culte officiel. J’ai beau avoir aidé chaque soulèvement humain du siècle dernier ils changent de dieu toutes les décennies sans jamais tomber sur les bons.

J’en viens à regretter d’avoir survécu à cette triste bataille en me cachant parmi les morts. J’en viens à désespérer de tous mes efforts. Il ne reste qu’un dernier exemplaire de « l’Origine des Sangs », un ultime temple oublié de la vraie foi et plus qu’un seul apôtre pour la répandre de par le monde. Qu’il est dur de démontrer l’indémontrable, de faire comprendre qu’il n’existe plus de puissance omnipotente mais que, malgré cela, le destin de nos deux races est de s’aimer. Les vampires refusent qu’on leur enlève la suprématie de leur espèce et les humains n’acceptent pas l’idée qu’aucun être supérieur ne veille sur eux dans leurs malheurs.

Ceux d’Orania sont les pires dans ce domaine, depuis la révolte de Renaud ils ne jurent que par lui, se fourvoyant au passage sur sa véritable nature en le prenant pour un dieu. Jamais je n’ai vu les hommes déployer de tels trésors d’ingéniosité, de violence et de ruse que pour imposer leur foi à leurs semblables. Comment réunir les deux races si même la concorde au sein des espèces est un mirage ? Les vampires s’entre-tuent dès que possible pour des broutilles et les humains font de même.

Peut-être ma cause est-elle perdue d’avance, sans doute l’est-elle mais j’ai fait serment de passer ma vie à la défendre malgré tout. J’ai récemment appris par les nombreuses missives venant d’Isgar, dont chacune vante les actions de leur nouveau roi dévot, que ce dernier commençait à réduire la population humaine de son royaume au nom de Valass afin d’éviter quelques révoltes. Je ne connais pas l’état d’esprit de ces hommes-là mais il me semble que la foi en Renaud n’ait pas dépassé les frontières d’Orania. Je serai sans doute encore déçu, je n’en essayerai pas moins de mener ces hommes-ci à leur délivrance en leur apprenant par la même occasion leurs réelles origines.

Une fois de plus je m’avance vers de nouvelles déconvenues, une fois de plus je quitte mon temple reclus afin d’aider des gens qui me rejetteront, tout cela dans le seul but d’essayer vainement d’accomplir la dernière volonté de mon créateur. Il doit malgré tout demeurer en chacun une part de cet amour qu’Himka ressentait pour Valass et inversement, je chercherai ces reliquats d’émotions éparpillés dans chaque individu et, s’ils ont la sagesse de fouiller dans leur cœur, ils verront comme je l’ai vu que ce que je dis est vrai ! Maigre espoir que cet espoir mais ultime planche de salut de mon existence que je ne saurai abandonner.

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