Chapitre 8 : Les préparatifs

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Andrei

17 septembre 5130

Le voyage se poursuivit dans un silence des plus pesants jusqu’à notre arrivée à Valassmar. Une fois sur place Nikolaj convoqua ses enfants, son gouvernement ainsi que quelques conseillers, dont moi, puis, dans un phrasé calme qui laissait néanmoins transparaître à la fois la colère et la résolution, il s’exclama :

« Mes bons ministres, il est temps de se préparer à la guerre ! »

La plupart des gens ici présents, à l’exception de Stanislas, ne manifestaient de toute évidence pas l’enthousiasme que le monarque avait escompté. Voyant ceci le roi reprit :

« Vous hésitez à cause de la reconnaissance que j’ai été contraint de faire durant cette parodie de procès ? Avez-vous été berné par le compte rendu que l’usurpateur Valentyn s’est empressé d’envoyer à tous les vampires du monde suite à sa mascarade ? Ecoutez ! Entouré de gardes hostiles, dans un palais étranger il m’était impossible de contester quelque sentence que ce fut et ce même si l’on avait accusé un manchot d’avoir applaudit trop fort. Yegor est le légitime roi d’Isgar et je vous ordonne de préparer la guerre qui s’annonce au plus vite ! Plus nous attendrons, plus ses prétentions seront maigres ! N’oubliez pas : ce sont les armées bien avant le sang qui font les rois ! »

Peu convaincus mais d’une loyauté évidente envers leur souverain, les ministres s’en allèrent préparer un conflit qu’ils estimaient de façon bien trop évidente comme injustifié. Une fois ces derniers partis, Nikolaj s’adressa à nous, ses conseillers :

« En ce qui vous concerne, je vous invite à prendre toutes les dispositions nécessaires pour que mes vassaux soient un peu plus fidèles à la couronne et un peu moins aux verdicts de procès truqués, faites savoir que les nobles qui me soutiendront le plus auront beaucoup à gagner mais que ceux qui rechigneront à me servir, sous prétexte d’une dévotion mal placée ou d’une confiance injustifiée en un usurpateur étranger, seront dûment châtiés. Je vous laisse le soin de trouver les mots, les rumeurs et les promesses à faire tourner pour que le royaume s’unisse sous la bannière de son roi ! »

Alors que nous saluions notre souverain il se tourna sans attendre vers sa fille et lui asséna :

« Quant à toi... A quoi penses-tu en réconfortant ton mari comme s’il s’agissait d’une femme ? Ne veux-tu pas être reine ? Ou le fait d’avoir épouser le fils d’une suivante te satisfait-il ? Ton pleutre d’époux pleure à la vue de tous lorsqu’on accuse sa mère, il ne pipe mot de tout le procès puis il s’exile de honte et toi tu le consoles ? Réveille-le ! Yegor doit-être roi mais quand bien même sa légitimité serait indiscutable, ce qui est loin d’être le cas, personne ne voudrait servir pareil souverain. Il n’a pas même l’étoffe d’un baron ! La majesté ne se situe pas dans le sang mais dans l’esprit, je n’étais moi-même jadis que seigneur sans titre, cela ne m’a pas empêché de devenir comte, puis prince puis roi. Qu’il se reprenne, secoue-le au lieu de l’écouter et sache que la honte qu’il dégage rejaillit sur toi ! Je l’aurai déjà fait assassiner s’il n’avait pas consommé le mariage. Hélas, dans l‘état actuel des chose, un comte serait le meilleur parti auquel tu pourrais prétendre... Et encore, un comte qui ne se respecterait pas beaucoup. Tu vaux mieux que cela ! Tu es ma fille ! Alors ressaisis-toi ! Prouve au monde que tu as épousé un roi et non un humain ! »

Anastasia parut à la fois dépitée et résolue, comme si son cœur répugnait à brusquer celui qu’elle aimait mais que son cerveau était en accord avec chaque mot prononcé par son père !

A la suite de cela la princesse s’en alla visiblement déterminée à changer son époux. Nikolaj me fit alors signe de rester tandis que les autres conseillers s’en allèrent à la suite de la princesse.

Ne restait donc plus que le prince, le roi et moi. Le père s’adressa alors au fils :

« - Il y a au moins une personne de satisfaite ici ! Comment se passent les préparatifs ?

- Forts bien, le duc de Gamar est trop heureux de pouvoir lancer sa nouvelle armée dans la bataille et la plupart des grands seigneurs militaires semble éprouver plus d’allégeance envers leur roi qu’envers Valass ou qui que ce soit d’autre, bien que votre serment de reconnaître le verdict du procès en ait refroidi certains ! »

Le monarque sembla satisfait de sa réponse puis il fit disposer le prince.

Il s’adressa ensuite à moi avec un air épuisé, comme s’il se retenait de s’écrouler depuis des heures :

« Stanislas est jeune et voit ce qu’il veut voir, il espère mener toutes les bannières d’Orania à la victoire mais si même lui a vu que le verdict du procès a émoussé la fidélité de mes vassaux c’est que l’impact est bien plus gros que ce que j’imaginais. Un serment sur Valass ne se brise pas aussi facilement et je crains que nombre de seigneurs ne gardent l’arme au pied durant cette guerre... Enfin espérons que la bénédiction que me donnera l’archiprêtre à l’ouverture de la campagne convaincra les quelques seigneurs plus à cheval sur le protocole formel que sur la foi de me suivre malgré tout. Toutefois, même avec le duc de Gamar et son armée, les seigneurs qui me suivront et la faiblesse des armées d’Isgar, l’issue du conflit est incertaine... Et je n’aime pas les choses incertaines. »

Je le regardai l’air interrogatif puis me risquai à demander :

« - Mais comme vous venez de le dire, quand bien même la moitié de nos armées rejoindraient le conflit, jamais Isgar ne fut plus mal en point question militaire !

- En effet, mais j’ignore comment le nouveau roi d’Aartov réagira.

- Justement ! Il se peut même qu’il nous rejoigne ! Yegor est de son sang de par son père Branislav après tout ! De plus c’est en Isgar qu’il a perdu quasiment toute sa famille !

- C’est très improbable, me répondit-il. En premier lieu il ne doutera pas un instant que le verdict prononcé était véridique, tant ce dernier doit le ravir. De plus, étant donné l’importance qu’il doit attacher à la chevalerie comme le faisaient ses aïeux, fouler au pied une vérité consacrée aux yeux de Valass ne lui viendrait sans doute même pas à l’esprit. Sans oublier qu’il méprisait au plus haut point l’ancienne reine, d’autant plus qu’elle humiliait à longueur de journée son frère, je crois que cela s’est vu durant le mariage, c’est même pour cela qu’il a dû le quitter. Yegor est à ses yeux bien plus le fils de sa mère que de son père. Mais surtout j’avais parlé en des termes à peine voilés à celle que je prenais pour Vassilissa d’une alliance contre Aartov dans mes lettres... Si Valentyn n’est pas un idiot, et il a prouvé qu’il ne l’était pas, il a dû mettre la main sur ces dernières et n’hésitera pas à les révéler à Javor si j’attaquais... Je serai chanceux si le royaume d’Aartov se déclarait neutre dans le conflit qui s’annonce et, comme à son habitude, ce dernier est prêt pour la guerre... Toutefois il existe une fenêtre d’opportunité : nombre de seigneurs s’étaient construit de véritables petites fortunes durant le règne de l’usurpatrice et, de ce que m’a rapidement dit le maître des ombres, il semble que Valentyn soit en train de se les mettre à dos ! C’est là que vous intervenez Andrei ! Vous qui connaissez bien le royaume d’Isgar, notamment celui de l’époque de la fausse Vassilissa, contactez les seigneurs susceptibles de la regretter, convainquez-les de nous rejoindre lorsque nous attaquerons et ce avant qu’ils aient perdu tout pouvoir et tout bien. Si Valentyn veut retourner mes seigneurs contre moi je ferai de même avec les siens ! Faites au plus vite, nous n’avons qu’un hiver ! Après nous entrerons en guerre ! »

Lazare

Des générations que nous attendons ceci ! Nos pères et les pères de nos pères se sont entraînés dans l’expectative de cet instant sans qu’il ne vienne jamais ; mais enfin nous partons en campagne ! Le comte de Gamar nous a même adressé un discours des plus inspirant :

« Soldats de la meilleure armée du monde, il est temps de mettre vos talents à l’épreuve ! Battez-vous comme on vous l’a appris, faites honneur à votre étendard ! Pour Orania vers la victoire ! »

« Pour Orania vers la victoire ! » Hurlâmes-nous tous en cœur ! A ces mots nous commençâmes notre long périple vers la guerre ! Je n’étais jamais parti bien loin de chez moi si ce n’était pour participer à quelques manœuvres, mais cette fois-ci il ne s’agissait plus d’exercice mais bien de la vraie guerre ! J’entendais avec émerveillement les rumeurs qui circulaient parmi les gars comme quoi les contrés vers lesquelles nous nous dirigions étaient peuplés d’êtres féériques et d’animaux fantastiques. Je n’en pouvais plus d’attendre, tant le combat que la découverte de nouveaux pays. Tâche pour moi de garder en tête ce fameux précepte qu’on m’a si souvent répété :

« La guerre est faite de bien des marches, bien des privations, quelques sièges et, très occasionnellement, de batailles. »

En effet jusqu’ici nous n’avons fait que marcher sans même qu’on nous ait dit où nous allions précisément et les paysages me paraissent tous semblables entre leurs plaines d’herbe, leurs champs de blés et leurs villages délabrés. Le trajet est malgré tout difficile. Nous dormons et mangeons peu. Les jours sont de plus en plus frais à mesure que s’installe l’hiver. Néanmoins la cohésion créée suite à des années d’entraînement et cette camaraderie propre aux frères d’arme maintiennent tant notre morale que notre certitude dans la victoire !

J’ai hâte de faire mes preuves, ma hallebarde à la main, à la tête de mon bataillon. Qui sait, je recevrai peut-être même de la main du comte la médaille de l’ordre des loyaux que jusqu’ici nul n’a eu le privilège d’arborer faute de réelle opportunité. Je serai peut-être même le premier ! Quel honneur cela serait ! En tout cas l’impatience que je ressens est plus dure à supporter que les privations et le froid. J’ai hâte de faire honneur à mon unité, à mes camarades, au comte et à mon père le général en chef des hommes. Plus que tout j’ai hâte de prouver au monde que je mérite ma place dans la meilleure des armées de cette Terre, celle de la rédemption !

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