Chapitre 5 : Valentyn

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Piotyr

Valentyn m’a fait parvenir un courrier contenant la plus inattendue des nouvelles : la reine Vassilissa ne serait qu’un imposteur. Il s’agirait apparemment d’une de ses servantes ayant profité de son décès lors de la dernière guerre ainsi que d’une vague ressemblance avec elle pour usurper le trône durant toutes ces années.

J’accouru au plus vite depuis Sussmar et en tout juste quelques heures je rejoignis Valentyn à la résidence indiquée dans la missive.

Me voilà donc aux côtés du nouveau roi… Valentyn, roi… Voilà des termes que je peine à concevoir accolés et encore plus à écrire… Lui qui n’a jamais voulu le trône et qui ne se consacrait qu’à Valass le voilà propulsé à la plus haute fonction qui soit ! Enfin ! Enfin la bonne fortune vient en aide à Isgar ! Enfin ce pays va-t-il avoir un roi digne de ce nom ! Laissé aux extravagances d’une femme plus esthète que guerrière, plus impie que pieuse et par bien des aspects plus humaine que vampire notre royaume courrait à sa perte. J’ai peine à croire qu’elle fut élevée dans la foi du Dieu vampire et penser que d’autres esprits tout aussi dépravés occupent encore maintenant les plus hautes fonctions m’eût laissé songeur quant à l’avenir de ce pays si la providence ne nous avait pas souri en nous offrant pareil souverain. On a donc eu une reine qui ne jurait que par les apparences, un prince arriviste prêt à sacrifier les intérêts de son pays sur l’autel de son égo et une usurpatrice esclave de ses passions et prompte à tous les excès sauf celui de lucidité… Mais désormais notre calvaire prend fin, voilà qu’un vrai roi intègre, pieux et compétent s’apprête à reprendre ce pays en main.

Pour le moment bien peu de monde est au courant de la situation, cela fait tout juste une journée que Valentyn a découvert la vérité et il attendait ma venue pour que je le conseille… Rien d’étonnant à cela, après tout je fus celui qui le détourna des obscurs chemins empruntés par ses frères ainés pour le mener sur le sentier de Valass. J’ai toujours été très proche de lui, tant sur le plan spirituel que personnel. Nous étudiâmes ensemble la théologie, l’histoire, les hommes, les vampires et tant d’autres choses se rapportant au seul vrai Dieu. Bien que de sang royal il n’a jamais fait preuve de l’arrogance de ses ainés. Il s’est toujours montré humble alors qu’il était le plus méritant des trois. Après tout Valass nous enseigne l’obéissance au souverain et le respect de l’ordre établi. Désormais il occupe le trône et je ne doute pas qu’il fera bon usage de sa place. Le simple fait qu’il demande conseil avant de prendre des décisions cruciales comme le sort de l’usurpatrice, les relations à adopter avec Orania ou encore la nouvelle politique intérieure à mener en dit long sur ses compétences.

En dehors de moi il a appelé le duc de Kulmar, qui lui a révélé la traîtrise dont il était victime, comme ministre de la guerre, le pontife Igor pour ce qui est des questions intérieures et enfin le baron de Kirov pour l’économie. Ces deux derniers ne sont peut-être pas issus du plus haut lignage mais leurs compétences ne sont plus à démontrer et chacun d’eux sera fidèle au roi.

Néanmoins nous ne pûmes attendre l’arrivée de tous les ministres pour décider du sort de la servante, plus le temps passerait et plus la nouvelle, aussi bien gardée soit-elle, ou tout du moins des rumeurs, se répandraient. C’est donc à trois que nous prîmes la décision. Vampire par le sang, à défaut de l’être par l’esprit, il me semblait qu’elle méritait un procès, aussi expéditif soit-il. Le duc de Kulmar quant à lui opta pour l’assassinat discret suivi de la prise d’otage de la famille royale d’Orania. Il estimait, sans doute à raison, que si Nikolaj III apprenait qu’il venait de marier sa fille avec un illustre fils de servante, ce dernier contesterait le procès quelle qu’en soient les preuves et déclarerait la guerre à Isgar.

Naturellement de telles extrémités rebutaient Valentyn, toujours fervent serviteur de Valass et donc peu désireux de prendre une telle décision. Il opta finalement pour le procès et invita le roi d’Orania à séjourner à Sussmar, sans toutefois lui révéler la totale teneur de sa visite. Plus tard il apprendrait la raison d’une telle invitation, plus tard il réagirait et mieux ce serait. De plus s’il est invité au procès il aura du mal à en contester le résultat au milieu d’une assemblée hostile et devant les preuves évidentes qui lui seront montrées. Avec l’aide de Valass la guerre pourra peut-être être évitée.

C’est donc sous le prétexte de discuter alliance, tout en restant vague, que Valentyn convia Nikolaj III à Sussmar sous le sceau des rois d’Isgar. Sans se désavouer mais en laissant croire pour qui n’est pas au courant que cette missive venait de Vassilissa, il convia donc le roi d’Orania au procès qui allait faire de sa fille la princesse la moins bien mariée de l’histoire.

Andrei

13 août 5130

Deux jours sans nouvelle, voilà qui, vue les circonstances, était tout à fait extraordinaire. Nous logions depuis l’incendie dans un modeste château appartenant à un petit baron bien surpris mais tout aussi honoré d’avoir ainsi dû servir le couvert à deux monarques. Piotr IV passa le plus clair de son temps avec la reine Youlia lui expliquant en large et en travers à quel point l’idée de la perdre le faisait souffrir. Malgré ses siècles d’existence son amour pour sa fille ne semblait pas se tarir. Nikolaj quant à lui semblait calme mais envoyait étonnamment plus de messages qu’à son habitude. L’absence de missive pour clarifier la situation semblait le perturber, du moins jusqu’à ce matin.

Une lettre portant le sceau royale d’Isgar lui parvint et à sa lecture un sourire comme je n’en avais pas vu s’afficher sur son visage depuis longtemps apparut. « Cet incendie n’aura finalement pas changé grand-chose » dit-il visiblement ravi. Dans l’instant qui suivit il réunit sa suite et celle d’Ishka.

« Messieurs, il semble que la reine Vassilissa soit rentrée à Sussmar. Faisons fie de son impolitesse, elle nous invite à l’y rejoindre afin de finaliser quelques arrangements suite à ce mariage et voilà le plus important. Sire Piotr, Anastasia, prince Yegor vous êtes naturellement conviés, prenez quelques gens de confiance dans votre suite et soyez prêts dans l’heure ! Stanislas, rentre à Valassmar avec les autres seigneurs et ta mère, il s’agit là de discussion de rois et non de prince. Mes instructions t’y attendront nul doute que tu les effectueras avec efficacité et entrain ! ».

A ces mots chacun s’exécuta ! A mon grand plaisir Anastasia me prit avec elle pour l’accompagner à Sussmar. Elle arborait la mine ravie des jeunes mariées et son attachement pour le prince ne semblait pas feint. La réciproque était également vraie d’ailleurs. Il semblerait donc que l’alliance que Nikolaj rêvait de voir se forger entre Isgar et Orania prenne forme malgré cet incident. Vu les indications qu’il a donné au prince ainsi que les moultes directives envoyées il semble que la guerre soit pour bientôt.

D’ici quelques heures nous seront à la capitale, d’ici quelques jours nous serons alliés avec le beau royaume d’Isgar et d’ici quelques mois tout au plus nous serons en guerre avec Aartov !

Christina

Que cette geôle est froide et que je suis seule. Jusqu’à cet après-midi nul n’était venu me rendre visite. Je ne recevais que par intermittence de l’eau et du pain de la part de mon gardien qui se gardait bien de m’adresser un mot.

Ce fut donc étonnement que la venue du duc de Kulmar, bien que principal artisan de mon malheur, me réjouit quelque peu. Il sembla toutefois rapidement qu’il n’était pas là pour s’enquérir de mon état. Il s’assit sur la chaise me faisant face sans prononcer un mot comme il l’eut fait avec la suivante que j’étais dans le passé. Après quelques instants durant lesquels je n’osai émettre le moindre son il commença à parler :

« Comme vous le savez demain se tiendra votre procès. Vous concernant n’espérez rien, votre cause est entendue ! Vous serez ébouillantée de la pire des façons pour crime de lèse-majesté ! Toutefois il s’agira ensuite de savoir qui d’autre était au courant… Et je ne tiens pas à périr dans la même bouilloire que vous ! Aussi sachez une chose, s’il vous venait à l’esprit de révéler au monde notre arrangement je jurerai par tous les dieux que votre bien aimé Yegor était aussi dans la confidence ! Croyez bien que tuer un fils de servante ne fera pas sourciller Valentyn. Aussi acceptez tout, ne dites rien, n’accusez personne et vous serez seule à périr ! Valentyn ne tuera personne sans raison et si votre fils est considéré comme ignorant il pourra s’exiler en Orania au côté de son épouse. »

Je ne dis rien mais à la simple vue de mon visage il sembla satisfait et s’en alla sans rien dire d’autre. Je ne savais pas si je devais le croire. Valentyn ferait-il exécuter mon fils sur les accusations d’un homme lui-même coupable ? Je ne le connaissais pas assez pour donner une réponse sûre, en fait je ne sais rien de lui si ce n’est que c’est un fanatique de Valass…

Cette incertitude suffit à emporter ma décision, je ne risquerai pas la vie de mon fils pour faire tuer ce vil duc, quand bien même je le hais… Ce vampire n’a aucune loyauté, il fait les rois comme il les défait et ce sur le moindre désaccord. Il ne m’a faite reine que pour que je guerroie contre Orania, puis m’a défaite pour préserver la paix entre Isgar et Aartov. Valass seul sait combien de temps il servira Valentyn.

J’espère que là d’où je serai je verrai cet impertinent mourir d’une façon encore pire que la mienne… Ebouillantée… Cette pensée ne me quitte plus… J’ai infligé bien pire à toute sorte de gens et pourtant en cet instant je serai prête à tous les sauver pour m’épargner ce que je vais subir… Hélas cela n’est pas possible, aussi soyons reine jusqu’au bout, pour ma maîtresse Vassilissa je porterai son costume jusqu’à la fin et j’affronterai mon destin avec toute la dignité et le courage qu’il me reste !

Puisse Valass préserver mon fils, détruire Aartov ainsi que le duc de Kulmar et me permettre de retrouver ma seule véritable souveraine dans l’eau delà.

Journal d’une suivante devenue reine… Fin.

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