Chapitre 1 : La préparation du mariage

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La guerre des sangs II

Prologue

Plus de cent-vingt ans se sont écoulés depuis la défaite de Renaud et des hommes. Plusieurs révoltes ont éclaté les années suivantes en Orania sans qu’aucune n’ait l’ampleur de celle de feu le roi des hommes. Le pouvoir de Nikolaj III s’est accru au fur et à mesure des années et la reine Youlia mis au monde deux enfants : l’ainée Anastasia et le cadet Stanislas. Presqu’au même moment que la naissance du nouvel héritier, Buve-sang accepta enfin un nouveau maître en la personne du comte de Gamar.

En Isgar Christina régnait toujours et mis au monde un second fils du nom d’Alexandrov tandis qu’en Ishka Piotr IV n’avait toujours pas réussi à avoir d’autres enfants depuis Youlia rendant la succession incertaine. Enfin en Aartov le roi Boris II succomba à la malédiction de l’ennui peu de temps après la rupture de la grande alliance et son fils, Nikita II, monta alors sur le trône.

Cette période fut une époque de paix et de prospérité relatives mais cette accalmie ne dura pas… L’ère qui s’ouvrit alors allait une fois encore être teintée du sang des hommes et des vampires et les nombreux carnets que je parvins à réunir me permettront une nouvelle fois de vous dévoiler les soubresauts de cette période.

Andrei

24 juin 5130

Après bien des tractations mon seigneur et roi Nikolaj a finalement décidé de marier sa fille Anastasia au prince Yegor d’Isgar. Il faut dire que la guerre du siècle dernier a particulièrement saigné la population vampirique et que les années écoulées ont à peine permis de compenser les pertes. Nikolaj n’est ni naïf, ni pacifiste mais il estime qu’aucun des royaumes n’est encore prêt pour un nouveau conflit et que ce mariage assurera la paix pour un temps. Nul doute qu’avec ses ressources Orania saura faire meilleur usage de ce temps-ci pour préparer les affrontements qui finiront inévitablement par arriver. Le roi m’a même confié ne pas totalement écarter l’idée d’attaquer le royaume d’Aartov conjointement avec celui d’Isgar si la reine Vassilissa acceptait de rejeter sa vieille alliance. Enfin, rien n’est moins sûr et la paix pour les quelques décennies à venir demeure l’objectif principal.

Anastasia ne semble guère ravie de cette union mais elle s’y est résignée. Après tout, les princes sont mis au monde pour régner, les princesses pour se marier et elle en est la première consciente. De plus elle n’a jamais rencontré Yegor, peut-être lui plaira-t-il. Je l’espère de tout cœur ! Après tant d’années à l’avoir éduquée afin d’en faire la princesse idéale, j’ai fini par m’attacher à elle. Aurait-il pu en être autrement après plus d’un siècle à ses côtés ? Pour ce qui est du cadet Stanislas semble déjà montrer certaines dispositions pour son règne à venir. Bien qu’il s’entende parfaitement avec son père, il brûle d’enfin exercer ses talents guerriers, qu’il tient pour grandioses sans pour autant les avoir jamais mis en pratique sur un véritable champ de bataille. Il est bien moins réfléchi que Nikolaj mais il est si jeune... Qu’il se rassure je doute qu’un jour un vampire ne connaisse un temps de paix ininterrompu. Ainsi la nouvelle du mariage de sa sœur l’a attristé au plus haut point, la perspective d’une guerre avec Isgar s’éloignant autant que sa sœur lorsqu’elle ira vivre à la cour de Sussmar. Il est vrai qu’ils sont très proches et savoir Anastasia dans les mains de ceux qu’il rêve de pourfendre nuit et jour ne peut que le contrarier. Mais s’il y a bien une chose que leur père a réussi à inculquer à ses enfants c’est le sens du devoir.

Le départ aura lieu dans une semaine et, qui sait, la rencontre avec ces étrangers qu’il hait sans les connaître apaisera peut-être les velléités de notre prince... A moins qu’elles ne les aggravent, leur culture est différente de la nôtre sur bien des points et notre prince, tout belliqueux qu’il est, pourrait prendre ombrage de bien peu de chose. Je suis curieux de savoir comment tout cela va se passer. Enfin, au moins la perspective d’un mariage royale au royaume d’Isgar est l’assurance de somptueuses festivités tout en raffinement.

Christina

Cette histoire de mariage est enfin finalisée, j’avais peur que Nikolaj n’ait comme première préoccupation de reprendre les territoires qu’il avait perdus pour s’asseoir sur le trône mais il semble que la dernière guerre l’a plus affaibli que je ne l’aurai cru... Après tout, il y eu tant de révoltes humaines les vingt années qui suivirent la mort de ce prétendu roi des hommes que cela leur a peut-être causé plus de pertes qu’ils n’ont bien voulu l’admettre. Malgré tout je dois rester sur mes gardes, on ne peut pas faire confiance aux Oraniens, ils seraient prêts à tuer pères et mères pour quelque terres.

Je ressens déjà dans les lettres que nous avons échangées dernièrement que Nikolaj essaye de me faire renoncer à mon alliance avec Aartov… Bien que l’idée de renforcer mon royaume sur le dos de ce pays archaïque ne me déplaît guère, je suis sûre qu’une fois ceci fait Orania se retournera contre nous…

Qu’importe, tant que l’équilibre entre nos puissances est maintenu nous ne devrions pas nous faire écraser, le tout est de s’assurer que ce mariage se passe bien tout en conservant l’alliance avec Aartov. Ceci nous assurera une paix essentielle à notre temps, en effet le rapport démographique entre humains et vampire n’a que rarement été aussi en notre défaveur et même si les grands élans contestataires sont restés cloisonnés en Orania je reste méfiante vis-à-vis de ces créatures…

J’ai eu beau encourager mes seigneurs à en exterminer une partie tant pour dissuader les humains de se révolter que pour réguler leur population, les avantages économiques conférés par une main d’œuvre nombreuse ont convaincu la plupart des vampires de ne pas le faire, d’autant plus que le peu qui ont accepté ont vu leur puissance décroitre en même temps que la population humaine sur laquelle ils régnaient… la seule chose qui a crû fut leur panse et si cela apporta quelques découvertes culinaires bienvenues je ne peux qu’admettre que cela ne valait en effet pas le coup.

Après tout, tant qu’il n’y a pas de conflit extérieur chaque royaume est bien capable d’écraser les troubles intérieurs qu’il pourrait rencontrer. La paix a cet immense avantage de nous permettre de pleinement profiter de ces troupeaux d’esclaves, les palais s’érigent plus vite que jamais, les jeux que l’on organise sont tous plus imaginatifs et gigantesques les uns que les autres et l’on n’a pas autant mangé d’humains et bu de sang depuis des millénaires. Il y a bien quelques chevaliers butors et imbéciles ne rêvant que de conflits d’honneur et de sang mais les gens raffinés savent apprécier la paix à sa juste valeur et je préfère mille fois faire construire une magnifique demeure que de conquérir quelques terres inutiles, d’autant plus que l’on n’en manque pas.

Que ce mariage nous apporte encore des décennies voir des siècles de paix et je saurai en profiter. Yegor est tout à fait de mon avis, il n’a d’ailleurs pas attendu le mariage pour goûter à toutes les jouissances possibles. Entre ses orgies, les musiques qu’il compose et les plans de bâtiments qu’il dessine à longueur de journée, il est devenu la coqueluche de tout le royaume. Le petit fief que je lui ai donné est passe du stade de terre sans intérêt à lieu incontournable d’Isgar.

Sa grande peur est que sa future femme ne le laisse pas continuer son train de vie mais il arrive bien à ignorer son père lorsque ce dernier le critique pour sa conduite tout sauf chevaleresque ; il n’aura qu’à faire de même avec son épouse. Il semble d’ailleurs que Branislav ait abandonné l’idée d’en faire un guerrier, bien qu’il espère encore pouvoir transformer Alexandrov en preux chevalier. Vu son autorité je doute que qui que ce soit, fut-ce ses fils, veuille un jour lui ressembler. Ce bon à rien n’a pas encore compris que la place d’un prince n’est pas au milieu de ses hommes à charger dans la mêlée, mais à l’arrière à décider… A chaque fois qu’il se mêle de quelque chose c’est toujours pour dire une ânerie en lien avec la chevalerie et le fait de devoir m’obéir en tant que reine lui déplaît au plus haut point. Enfin… Je lui demande de me faire des enfants rien de plus et, si Alexandrov était en âge de comprendre un traître mot de ce que dit mon mari, il serait de mon avis comme l’est Yegor.

Qu’il reste à cheval sur ses principes dépassés et son destrier usé, qu’il aille chasser avec ses amis moi je dirige un royaume et je ne tiens pas à n’y voir que des châteaux forts sans élégances, des vampires tous plus sots et sans manière les uns que les autres ou encore des villes crasseuses et empestant l’humain comme en Aartov. Mon royaume sera celui du raffinement, de la gastronomie et de la beauté, c’est ainsi que s’obtient la grandeur ! Au moins Branislav a-t-il le mérite d’avoir vite abandonné toute illusion de peser ne serait-ce qu’un petit peu sur les affaires de mon état. Il m’a été bien utile par le passé, désormais je n’ai besoin de lui qu’une fois par siècle.

Pierre

Enfin c’est acté, le mariage aura lieu à Sussmar… Enfin les hommes auront leur revanche ! Ça n’a pas été facile d’en arriver là… orphelin ayant fui Orania après une révolte manquée… Mes parents brûlés vifs sous mes yeux par ces vils vampires… Ne devant mon salue qu’à mes aptitudes au calcul qui me sauvèrent de la dégustation… Servant désormais des maîtres ne voyant en moi qu’un bon architecte pour leur construire des demeures dans lesquelles ils ne séjournent qu’une fois par an pour dévorer mes semblables… Ils font passer pour charité ce qui n’est qu’une forme moins désagréable d’asservissement, comme si bien tailler un outil était une preuve de bonté envers ce dernier… Sous peu mes parents ainsi que tous les humains morts sous la tyrannie vampirique seront vengés ! Dussé-je y laisser ma vie je tuerai ces abominables créatures et pas n’importe lesquelles… Les souverains !

Que Renaud notre Dieu me donne sa force après m’avoir béni de sa bonne fortune ! J’ai été réquisitionné pour préparer ces festivités du fait de mes aptitudes de constructeur déjà remarquées, nous verrons comment ces animaux aux longues dents réagiront à la mort de leurs dirigeants… Je dois faire en sorte que pas un n’en réchappe. Et surtout pas ce misérable prince Yegor… Il se prend pour un faiseur de palais, un bâtisseur à nul autre pareil mais sans les humains pour lui servir de bras et moi pour lui servir de cerveau il n’aurait jamais rien érigé d’autre que des pâtés de sable…

Les vampires sont les parasites de ce monde ! Bientôt je purgerai ce dernier de cette vermine ! Il est impératif néanmoins de rester discret, même de mes ouvriers, ces derniers sont asservis aux vampires tant dans leur chair que dans leur âme et je n’ai suffisamment confiance dans aucun d’entre eux pour me soutenir… J’y arriverai, je dois y arriver ! Oh Renaud, donne-moi la force, la sagesse et le courage de mettre à bas ces monstres ! Mes parents croyaient en toi, ils ont fini brûlés. Toutefois, comme ils me le disaient :

« Renaud, le Dieu des hommes, aide quiconque lutte contre les vampires. Avec lui le succès n’est pas assuré mais sans lui l’échec est garanti ! ».

Mes parents ont échoué, mon village a échoué, tous ceux qui ont essayé jusqu’ici ont échoué mais je n’échouerai pas ! Je sens que le Dieu Roi guide mes pas et chacun de mes gestes ! Gardez une place dans votre enfer pour ceux que je vous envoie Renaud et puissent-ils y brûler pour l’éternité !

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