Chapitre 2

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Lorsqu’il entra dans le parc, Louis aperçu tout de suite les troupes de garçons qui bataillaient sur les pelouses recouvertes de neige, les arbres nus se marquaient çà et là d’impacts de boules de neige.

Louis se rapprocha de l’un d’eux et se dissimula derrière pour observer les combats. Les grands s’en prenaient aux petits, aux plus faibles. Le jeune garçon ne souhaitait pas qu’ils l’aperçoivent, aussi choisit-il de progresser en marchant sous le couvert d’une haie. Au loin, les cris et les pleurs des autres enfants lui parvenaient, assourdis par l’épaisseur des fourrés.

Louis arriva à destination : un espace large, ouvrant sur les grilles du parc, encadré par des arbres centenaires dont l’écorce se couvrait de gravures laissées par des enfants maintenant parents ou grands-parents.

L’un des graffitis proclamait l’amour éternel de ses parents, Paul et Valérie, unis dans un cœur. À sa naissance, son père avait ajouté un L en dessous des deux noms. Un enfant du quartier avait trouvé malin de barrer Paul, ce qui rappelait à Louis une vérité qu’il connaissait trop bien : Louis n’avait plus de père.

Le cœur du garçon se serra. Il n’avait plus de souvenirs de son père, parti trop tôt. Mort trop jeune comme disaient ses grands-parents. Son absence l’avait transformé en oiseau solitaire que les autres enfants évitaient, comme s’il portait la responsabilité de son état ou qu’il était contagieux.

Le cœur plein de tristesse, Louis se mit à l’ouvrage.

D’abord, il rassembla la neige en une boule, puis la roula sur le sol pour en former une plus grosse. Petit à petit, la base prenait forme. Lorsqu’il jugea sa taille suffisante, il en façonna deux autres, de tailles croissantes.

Il roula la plus grosse au pied du chêne de ses parents et rapprocha les deux autres, avec précaution, malgré ses moufles, le froid et l’humidité engourdissaient ses doigts et rendaient ses mouvements maladroits.

Il saisit la boule de taille moyenne et la souleva en forçant sur ses jambes et en faisant attention à ne pas trop la serrer pour ne pas l’abîmer. Il tituba, glissa, mais finalement réussi à la poser sur la base.

Louis pensa que son travail avançait bien, qu’ajouter une tête sur ce corps ne représenterait pas une tâche trop ardue. Il saisit la dernière partie de son œuvre et la posa au sommet de son édifice.

Le petit garçon s’éloigna un peu et admira son bonhomme. Un peu plus grand que lui, il prenait forme. Il restait encore beaucoup de travail, ajouter des bras, des yeux, un nez, le bonnet et l’écharpe qu’il avait apportés.

— D’abord, les bras ! pensa Louis tout haut.

Il chercha des bâtons le long de la haie. Il savait que le vieux jardinier du parc, un peu paresseux, y jetait les branches tombées des grands arbres du bosquet. Il en trouva deux, l’une se terminait par une fourche, l’autre par une sorte de main aux quatre doigts longs et noueux. Louis les planta de part et d’autre du buste de neige, s’écarta à nouveau pour l’admirer.

— Maintenant, les choses sérieuses !

Louis se tourna vers le sac qu’il avait emporté avec lui, s’accroupit et en sortit une vieille écharpe, un bonnet, quelques billes et un gros galet. Il posa le bonnet au sommet de la tête du bonhomme et l’enveloppa dans la longue pièce de tricot rouge qu’il avait trouvé au grenier.

Il choisit deux billes et les disposa en dessous du couvre-chef de son bonhomme, une bleue et une verte qui luisaient désormais dans la lumière morne de ce jour d’hiver. Il enfonça le galet dans la tête s’éloigna à nouveau pour regarder son œuvre, puis se mit à farfouiller dans son sac, à la recherche d’un dernier objet. Il en sortit une paire de moustaches dont la teinte noire serait du meilleur effet sur son nouvel ami.

Une fois le postiche en place, il s’écarta et jeta un regard critique. Maintenant que les moustaches étaient en place, il manquait quelque chose.

— Oui, mais quoi ? se demanda-t-il.

Il continua d’observer le bonhomme pendant une longue minute, puis son visage s’illumina et, fermement décidé, il retourna fourrager dans la haie. Il en sortit avec deux brindilles, de fines branches courbées de bois sec et les disposa en dessous des moustaches, de manière à donner un grand sourire à son œuvre.

Satisfait de son travail, Louis se demandait ce qu’il pourrait encore ajouter. Il s’approcha à nouveau de son sac, quand une voix grave et mélodieuse le fit sursauter :

— Bonjour, Louis.

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