Chapitre 12 : Patient n°1

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Le ciel est sombre, aujourd’hui. La météo n’est pas agréable, sans pour autant être désagréable. Dans l’humidité des nuages, un homme pleure. Il hésite encore. Il sait parfaitement pourquoi il s’apprête à faire cette action, mais il se demande si ça en vaut la peine. Sur le papier, tout semblait bien plus simple. On l’avait sollicité pour son côté orateur, ses arguments incontestables et son sang-froid à toute épreuve. Seulement, ce soir, il doute de son objectif.

Adossé contre un petit magasin de ville, à l’angle d’une intersection où jamais aucune voiture ne passe à cette heure de la soirée, il patiente. Sous sa veste, ses doigts sont fermement agrippés sur son colis. Au loin, une silhouette approche. Celle-ci se déplace naturellement, mais son long manteau et sa casquette lui conféraient un air trompeur et indiscret. Les mains dans les poches, il ne jette pas un seul coup d’œil autour de lui, et se dirige indubitablement vers le point de rendez-vous qu’on lui a donné.

Lorsque leurs regards se croisent, il n’y a plus de doute. Ils sont bel et bien face à l’autre pour le même objet. Tandis que l’un vérifiait si personne ne se trouvait dans les parages, l’autre enfila des lunettes de soleil pour ne pas laisser apercevoir ses yeux rougis pas les pleurs. Ils plongent spontanément dans la ruelle étroite derrière eux, craignant que le stress de prenne le dessus, ou qu’une voiture de police ne se montre dans le quartier. Une fois le calme plat véritablement installé, le passant engage la conversation, quasiment inaudible :

« Tu as ce que j’ai demandé ?

- Un kolibri carpistol deux millimètres avec trois balles, et pour toi ?

- Ouais. Tiens, dit-il en claquant soudainement une liasse de billets dans la main de son interlocuteur, voilà cinq milles euros mon gars. Refile la marchandise. »

Le vendeur aurait voulu ajouter « Fais-en bon usage » par habitude de son métier, mais la phrase n’est pas vraiment adaptée au contexte. De son unique bras valide, il empoche l’argent, puis sort le pistolet d’une autre de ses multiples poches.

« Je peux te demander ce que tu vas faire de cet argent ? demande l’acheteur, désintéressé.

- Et moi, je peux savoir ce que tu vas faire de ce flingue ? rétorque l’estropié, presque contrarié. »

L’autre grimaça. Pris d’un remord, le manchot décide tout de même de répondre à la question.

« Je vais me faire repousser un bras.

- Pff, bonne chance mon gars ! se moque le client en faisant subitement demi-tour. »

De nouveau seul face au mur, l’obscurité est tombée depuis quelques minutes. L’homme reste là, la tête baissée vers le sol, sans ôter ses lunettes. Quelques larmes parviennent à se frayer un chemin vers le bitume, mais aucun gémissement ne se fait entendre. Les épaules et les jambes grelotantes, il tente de rentrer dans son nouveau foyer, au sein du Programme. Il ne pourrait jamais rien dire, et pourtant celui qui lui a confié cette mission le savait lui aussi : ils avaient tué quelqu’un aujourd’hui, en échange d’un membre perdu.

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