6.

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La Mertingelle se contemplait dans le miroir. Avec passion, langueur, elle s'admirait aux rayons rosés du soleil de fin de journée qui se glissaient dans sa chambre par la fenêtre entrebaîllée, et teintaient d'or ses longs cheveux bruns. Sa silhouette n'avait rien à envier à celles des mannequins s'étalant dans les magazines - magazines jetés non loin sur son lit, ouverts aux pages stratégiques. En cette fin d'été particulièrement brûlante, sa peau, d'ordinaire pâle, avait pris des teintes chaudes et mordorées. Dans son court top à bretelles, elle offrait à la vue la naissance de sa poitrine, compressée dans un soutien-gorge avantageux qui en doublait la taille fort à propos. Le haut de ses cuisses gainé dans une mini-jupe en jean, l'intégralité de ses jambes fines se terminaient par une paire de sandales à talons qui la faisaient paraître plus grande encore : des jambes jusque-là, et des seins jusque-là, aurait dit sa grand-mère.

Appliquant soigneusement le rouge à lèvres écarlate volé aux Galeries, elle s'amusait à créer de délicieux coeurs avec ses lèvres, resserrées comme un bouton de rose. La main sur la hanche, la chevelure rabattue sur le côté, la nuque offerte aux morsures, la Mertingelle posait, s'offrait à ses propres regards avec délice, admirant l'éclat éblouissant de sa jeunesse en fleurs.

Un coup de klaxon retentit dans la rue et elle jeta sur son épaule son petit sac à main avant de dévaler les escaliers. La maison était silencieuse, en dehors du murmure de la télévision dans le salon. Elle s'empara de ses clefs, déposa un baiser sur la photo en noir et blanc près de la porte, encadrée avec soin : à droite, là où ses lèvres s'étaient arrêtées, se trouvait une vieille femme à la mise simple, à la longue chevelure blanche tressée. Une femme d'un autre siècle, dont le regard sévère ne parvenait pas à effacer la bonté du sourire. A côté de l'aïeule, une jeune femme très belle, à la longue chevelure noire, posait avec élégance dans une robe d'été à fleurs. Entre les deux femmes, une petite fille brune avec des fossettes levait les deux mains avec un sourire lumineux.

Trois femmes. Trois générations rassemblées.

"J'y vais ! Ne m'attends pas, je rentre tard, cria-t-elle depuis le pas de la porte." Le paillasson fleuri, la brosse à bottes, les délicates faïences bleues garnies de fleurs : tout rappelait encore la présence de sa grand-mère. La Mertingelle avait heureusement d'autres pensées en tête et se précipita vers la voiture garée devant la maison, rejoignant un groupe bruyant et mixte, déjà tout à la fête à venir.

Alors que la voiture s'éloignait dans un pétaradement tout sauf réglementaire et traversait les rues engourdies par la fin de journée, gavées de soleil estival, la Mertingelle, installée sur la banquette arrière, mêlée aux rires, pressée contre des corps chauds et parfumés à l'excès, se sentait vivante. Langoureusement, passionnément vivante.

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