10.

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Elle ne savait plus depuis combien de temps maintenant elle faisait face à la mer. Le ciel, bas et gris, se confondait avec les eaux sombres et agitées, et au loin, on ne distinguait rien : pas de voiliers ballottés par le vent, ni même un des insubmersibles ferrys traversant la Manche. Tout était nappé d’une brume épaisse, dense comme une purée de pois. La Mertingelle n’en regardait pas moins l’horizon avec attention, avec une avidité douloureuse dont le motif lui échappait, à elle aussi. D’un geste machinal, elle remonta la bretelle de son soutien-gorge qui glissait sur son épaule et s’enveloppa dans son k-way rose autant que faire se pouvait. La plage était déserte à cette heure matinale, et elle sentait sur ses cheveux les baisers glacés de la brume. Jusque dans son cou, perlaient de petites gouttes d’eau qui la faisaient frissonner de tout son être.

La Mertingelle avait décidé que ce matin serait le dernier. Elle n’avait plus envie de continuer comme cela. Et pour quoi ? Et pour qui ? Elle ne trouvait plus de réponses à ces questions, aussi lancinantes que les vagues mornes qu’elle fixait depuis bien trop longtemps. En s’essayant à cette méditation, à cette inhabituelle contemplation, elle s’était dit que peut-être, elle atteindrait une forme de paix, une sagesse qui lui paraissait inaccessible. Pourtant, si le silence l’enveloppait comme un suaire, il ne lui glissait pas à l’oreille les mots réconfortants, ou apaisants qu’elle désirait tant. Elle avait au moins réussi à chasser la musique entêtante où elle s’était noyée, les heures passées. Le silence. Comme un ami depuis trop longtemps perdu, il revenait à elle.

De son sac en cuir élimé, elle sortit un mouchoir en papier : de ceux tout repliés et fripés qui restent au fond d’une poche, et qu’on retrouve avec bonheur et un peu de honte, quand toute autre solution nous échappe. D’une main tremblante, elle essuya ses yeux humides et sans doute maculés de mascara fondu.

Il se mit à pleuvoir. Ou peut-être pleuvait-il déjà avant ? Qui aurait pu le dire ? Pas elle. Des gouttes lourdes, fendant la brume comme des épées, vinrent s’écraser sur la mince armure du K-Way, retentissantes. Sur les joues de la Mertingelle, elles tracèrent de nouveaux sillons noirâtres, coulant dans les vallées de ses joues creuses, jusqu’à déborder le menton.

La Mertingelle avait froid.

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