J’ai des choses à t’avouer (2/2)

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— Il est temps de rentrer à la maison, mon garçon, dit son père en soulevant difficilement la valise de leur séjour.

Tous sortent de la chambre, Lucas plus lentement, affaibli par ses récentes blessures. Sa mère remarque son teint qui pâlit de seconde en seconde et accoure pour l’aider. Ils prennent l’ascenseur et descendent les étages. Au rez-de-chaussée, Lucas réclame une pause.

— Es-tu sûr de ne pas vouloir un fauteuil roulant ? demande sa mère.

Lucas renonce. Il a été inactif trop longtemps, il a besoin de bouger par ses propres moyens. Plus vite il sera sur pieds, plus vite il pourra agir et partir à sa recherche.

Les parents patientent avec compassion, puis ils reprennent la marche. Une fois le hall traversé et après avoir foulé quelques pas en dehors de l’immense bâtiment, Lucas s’arrête de nouveau. Il regarde l’édifice qui l’a accueilli pendant une semaine. Il est triste, mais pas seulement. Il est perdu, oui, tellement. La veille, il a lui-même cherché cette chambre, mais elle n’y était pas. Ni dans aucune des autres chambres que son père avait déjà vérifiées. Qui était cette infirmière qui lui avait parlé et annoncé qu’elle était à l’hôpital Saint-André ?

De nouveau, ses yeux deviennent humides.

Il n’abandonnerait pas. Non, jamais.

— Allez mon garçon, dit son père en voyant les yeux rougis de son fils. Il est temps de partir.

Temps de rentrer chez soi. Comme si de rien n’était.

Cependant, il est impatient de la chercher.

À l’entrée du parking, Lionel laisse sa femme et son fils assis sur un banc pour aller récupérer la voiture. Deux minutes plus tard, tous s’installent sur leur siège. À la première secousse, Christine lui tend le sac de glace pris un peu plus tôt en prévention à l’hôpital, ainsi qu’une bouteille d’eau et des antidouleurs.

— Vous rappelez-vous ce que je vous ai demandé ?

Les parents acquiescent, mal à l’aise, tandis que la voiture prend la direction de sa prison. Il veut voir de ses propres yeux l’absence de Rachel sur les lieux du crime.

Lucas avale les médicaments et dépose le sac de glace sur ses côtes.

Une heure plus tard, il s’enfonce dans un sommeil sans rêves.

Lorsque la voiture s’arrête, il ouvre les yeux sur une grande maison de campagne abandonnée au milieu de champs qu’il ne reconnaît pas. Les lieux sont entourés de rubans de signalisation. Deux gendarmes sont sur les lieux, dont un qui visiblement les attendait. Il les accueille et les fait visiter, la mine sombre. Lucas regarde partout, mais force l’est de reconnaître qu’il n'y avait que lui sur les mieux. Lui, protégé par son alter ego.

Il l’avait compris. Il avait déjà entendu parler de ce genre de phénomène. L’inconnu dont parlait Rachel est celui qui a encaissé les coups à sa place, voilà pourquoi il ne se souvenait de rien. Il se remémore également les paroles de Rachel le décrivant en train de tuer l’homme qui le séquestrait.

Abattu, Lucas et sa famille repartent chez eux, pour de bon. Rachel n’est pas là, il lui faut maintenant établir les recherches depuis sa ville natale.

La semaine suivante, ses parents se relaient pour toujours rester auprès de leur fils et au petit soin.

Lucas délaisse ses jeux vidéo pour des livres d’aventure. Pour l’instant, il ne supporterait pas de jouer une fusillade, et chacun de ses jeux débute par la mort d’un proche du personnage.

Pour ce qui est de la lecture, c’est aussi très délicat. Il fuit les scènes d’amour ainsi que les thrillers. C’est donc tout naturellement qu’il choisit un roman fantasy : un autre monde et un éternel célibataire qui ne pense qu’à chevaucher un dragon.

Penser à elle lui fait du mal, d’autant plus qu’il est consigné à la maison et ne peut pas enquêter. Il ne peut également pas aller en cours, mais son ami Christophe lui a assuré les prendre pour lui. D’autant plus que ses antidouleurs le font parfois somnoler un peu. Alors, philosophie et médocs, il connaît le résultat. Il en est d’ailleurs de même avec toutes les matières. Il n’aime vraiment pas les études…

Le téléphone sonne sur une petite table à côté du siège où Lucas est installé.

— Allo ?

— Lucas ? Tu vas bien mon chéri ?

— Oui, Maman. Je lis dans le fauteuil.

— C’est bien. Ton père est parti faire les courses ? demande-t-elle.

Sûrement s’attendait-elle à ce que ce soit Lionel qui réponde.

— Oui. Il vient tout juste d’y aller.

— D’accord. As-tu fait tes exercices de respiration ? N’oublie pas que c’est important pour la guérison de tes côtes.

— OK, je vais m’y mettre.

— Profites-en pour prendre un peu l’air.

— Oui, Maman… dit-il en levant les yeux au ciel.

— À ce soir, Lucas. Bisous, je pense à toi.

— T'aime. À ce soir Maman.

Il raccroche.

Il sort difficilement de son fauteuil douillet et grimace de douleur. Une fois debout, il enfile un manteau et ouvre la porte d’entrée.

Il inspire dix longues secondes, puis expulse l’air de ses poumons. Ce geste si simple est pour lui douloureux. Mais nécessaire. Alors il continue. Il marche un peu, dégourdit ses jambes, puis remarque que quelqu’un le regarde depuis le portail, la main à quelques centimètres de la sonnette.

— Bonjour Lucas.

Le jeune homme recule d’un pas précipité et son pied bute dans quelque chose. Il tombe à la renverse et gémit de souffrance.

Bon Dieu, mais qui c'est encore, ce type ? Il relève la tête, les yeux écarquillés.

Il l’a appelé par son prénom, alors que lui-même ne le connaît pas. La personne anonyme ? Est-il venu pour l’achever ?

— Ne bouge pas, j’arrive, s’exclame-t-il. Pardon, je ne voulais pas te faire peur. Euh, comment je peux t’aider ?

Les prunelles de Lucas rencontrent celles, marron vert clair, de l’inconnu.

Il a déjà vu ces yeux…

Pour il ne sait quelle raison, il lui inspire à la fois crainte et confiance. En attendant, s’il avait voulu le tuer, ce serait peut-être déjà fait. Par terre, les quatre fers en l’air, et seul, il fait une proie facile. Et, manifestement, cet homme l’attendait. Il aurait pu rentrer et lui faire la peau dans son fauteuil. Il n’aurait eu aucun mal à ça. Alors, décidant d’être reconnaissant et confiant, il lui explique comment le relever.

Une fois debout, l’homme recule d’un pas.

— J’aimerais qu’on parle, Lucas. J’ai des choses à t’avouer.

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