Montre-moi que tu m'aimes aussi (2/2)

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– Je t’ai parlé de ce type, lui expliqué-je. Il m’a dit qu’à trop fouiller dans ton passé, je vais tout faire rater. Mais je ne sais pas du tout de quoi il parlait. Tout ce que j’ai compris, c’est que nous sommes trois et que je serai peut-être utile. Il a l’air de savoir pourquoi nous sommes connectés… Lucas, moi, et ce con, énoncé-je en mon for intérieur.

Il fronce les sourcils, visiblement ennuyé de faire équipe avec un « con ». Qui lui en tiendrait rigueur ? Pas moi, en tous cas !

– Mais… poursuis-je. Il n’a pas voulu me révéler ce qui nous lie.

– Rah ! Mais pourquoi ? grogne-t-il, irrité. Il veut la jouer solo, c’est ça ?

Je soupire, tout aussi agacée.

– Peut-être qu’il communiquera avec toi. Il a l’air de vouloir t’aider, enfin je ne sais pas trop…

– Ah ouais ? Qu’il vienne, je vais le recevoir. Je lui apprendrai la courtoisie !

Je glousse et mon stresse retombe d’un coup. Il sourit.

– Bon, lâche-t-il, de nouveau sérieux. Je crois que nous avons encore du boulot…

– En effet… On en était à « voilà ce qu’il y avait dans la chambre ».

– Oui. Des jouets, pleins de jouets ! C’est dingue. J’aurais pu tenir une boutique.

– C’était sûrement pour t’appâter. Et puis, tu ne devais pas pouvoir sortir très souvent, voire même, pas du tout. Un enfant qui apparaît du jour au lendemain, c’est très suspect.

Je revois un jardin, me coupe-t-il. Je sortais sous la surveillance de la femme. Nous étions… en pleine campagne, je crois. Les premiers voisins étaient très loin. Mais… sentiment d’enfermement. Toujours la campagne, murmure-t-il. Le jardin, la maison, c’est tout.

Je suis tout simplement impressionnée qu’il arrive à se remémorer autant d’éléments. Je poursuis le raisonnement :

– Sûrement avaient-ils peur qu’une fois en ville, tu ne t’enfuis, ou bien, appelles à l’aide.

– Oui… J’ai besoin de faire une pause. Non, en fait, je ne suis plus sûr de vouloir savoir. Ça ne m’intéresse plus.

Je fronce les sourcils, perturbée par cette soudaine hésitation.

– Encore un petit effort Lucas. Je sais que tu peux y arriver. C’est pour ton bien. Tu dois te rappeler.

Pendant une longue minute où je le sens débattre avec lui-même, j’attends patiemment qu’il se reprenne. Je suppose que c’est normal d’avoir peur. Quelques instants plus tard, il est de nouveau prêt à l’exercice de la mémoire.

– Le couple, il disait m’aimer.

Une voix féminine lui revient en mémoire, douce et maternelle : « Je t’aime Jonathan. »

« Jonathan ». Ils ont changé son identité, comme s’ils avaient toujours été ses parents, comme s’ils adoptaient un enfant.

Puis vient la sensation d’une caresse sur ses cheveux. Lucas frissonne.

Soudain, une autre voix, différente, grave, remonte à la surface. Un homme.

« C’est normal Jonathan. » Il parle chaleureusement, lui aussi, cependant, avec plus d’empressement. « Je suis ton père et je t’aime. Montre-moi que tu m’aimes aussi. »

Lucas se fige et son sang se glace. Il frissonne. La scène prend forme. Il est assis sur le canapé de matelas, tremblant de terreur, tandis qu’un homme a sa main posée sur le haut de la cuisse de son « fils ».

« C’est normal Jonathan. Je suis ton père, et je t’aime. Montre-moi que tu m’aimes aussi. »

À ces mots, la scène s’efface, mais nous n’avons pas besoin de voir la suite pour en deviner la teneur. Des spasmes secouent le ventre de Lucas, le mien aussi. Et c’est ensemble que, d’horreur, nous rendons le contenu de nos estomacs par terre.

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