Maria (1/1)

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Onze ans…

Onze ans que Maria pourrit ici pour une faute qu’elle n’a pas commise.

Onze ans qu’elle a perdu son mari et que les détenues la prennent pour une folle. En quoi vouloir un enfant est-il un crime ?

Si seulement son mari en avait choisi un autre… Il lui avait dit de ramener le petit garçon au visage candide. Celui au pull gris, comme ses prunelles, avait-elle remarqué en allant lui parler. « Il a l’air docile », avait-il ajouté. « Plus que le précédent. »

Les larmes aux yeux en repensant audit « précédent », Maria était sortie de la voiture de son mari, et se dirigeait vers le petit garçon.

Elle avait le physique de la mère parfaite. À la fois belle et douce. Dès qu'il la remarqua, il en resta ébahi.

Elle sourit.

Maria avait toujours voulu un enfant, mais, malheureusement, la nature en avait choisi autrement. Elle était stérile avec un amour maternel infini à partager.

— Que fais-tu, mon garçon ? avait-elle demandé d’une voix mélodieuse.

— J’attends ma grand-mère.

Son ton poli avait séduit Maria.

— Ta grand-mère ? Je viens te chercher de sa part.

Il paraissait hésiter, mais elle lui offrit un sourire si charmant qu’il ne put que la croire. Elle lui avait tendu la main et ils étaient repartis ensemble. En voiture, son mari s’était montré très agréable. Le couple était heureux.

Ils parlaient tous les trois de ce qu’ils allaient faire, ce soir. Un tour de manège ? Cuisiner un gâteau ? Ils mirent de la musique et chantèrent même ensemble. Comme une vraie famille. Deux parents aimants et un petit garçon formidable.

Ils avaient fait une heure de route, pendant laquelle l'enfant avait pu s’amuser avec de nombreux jouets. Il semblait être jovial et gentil. Un soleil à lui tout seul qui illuminait les nouveaux parents.

Une fois arrivés chez eux, Maria lui montra sa chambre décorée avec soin.

Fatigué, il s’endormit rapidement. Pas de gâteau finalement. Ils le feraient le lendemain. Le matin, il demanda pourquoi on ne l’emmenait pas à l’école. La question qui vint juste après fut : quand reverrait-il ses parents ?

« Nous sommes tes nouveaux parents maintenant », avait-elle répondu. « Dis-moi ce qui te ferait plaisir et ce sera à toi. »

Il ne savait pas comment réagir, elle le sentait. Mais elle serait la meilleure mère pour lui. Elle ferait tout pour.

Elle exécuta le moindre de ses désirs. Cependant, même si le second jour se déroula sans heurts, à partir des suivants, l’humeur du petit garçon se dégrada. Pendant les trois mois où ils furent une vraie famille, l’ambiance devint de plus en plus lourde, sans qu’elle ne sache quoi faire. Le petit soleil n’était plus que l’ombre de lui-même. Maria pleurait tellement. Elle aurait voulu que ça marche, cette fois-ci. Mais son rêve de fonder une famille s’effritait peu à peu et un goût amer le gangrenait.

Puis… alors que Maria s’était absentée une heure afin de lui acheter un cadeau surprise, tout avait dérapé et tourné au cauchemar.

En rentrant chez elle, le désastre s’étalait sous ses yeux. Puis une sirène de police… Et elle se retrouvait derrière les barreaux.

« Il a l’air docile. Plus que le précédent, » se rappelait-elle la voix de son mari avec rage.

« Tu parles ! Il était pire. »

À cause du petit garçon, du jour au lendemain, sa vie était devenue un véritable enfer. Chaque procès était filmé et retransmis aux informations. Tout le monde connaissait leur histoire… enfin, ces propos déformés qui n’étaient en rien semblables à ce qu’elle avait vraiment vécu.

Puis, une fois enfermée, combien de fois s’était-elle fait tabasser par ses voisines détenues ? Elle avait arrêté de compter après la huitième attaque, lorsqu’elle comprit que ce ne serait pas la dernière. Ces coups qui pleuvaient sur son corps ne cesseraient pas tant qu’elle serait ici.

Dorénavant, les années étaient passées. Enfin. Mais son histoire allait de nouveau être sur toutes les lèvres. En commençant par les médiats qui allaient filmer sa sortie. Maria les maudissait.

Depuis sa rencontre avec le garçon, elle avait beaucoup changé. Loin du maquillage, des beaux vêtements… sa peau était meurtrie, son nez avait été cassé deux fois, elle avait perdu une dent suite à un combat à une contre trois. C’était le cinquième jour, si elle se souvenait bien. Elle avait aussi maigri à force de se faire voler ses repas. Mais la fin de sa condamnation arrivait, petit à petit. Jusqu’au jour fatidique…

Les gardiens se rapprochent de sa cellule, les clefs à la main. Maria est prête. Ils la font sortir et elle ne prend même pas la peine de regarder en arrière vers ce qui a été, pendant les onze dernières années, sa maison, son « chez elle », si on pouvait l’appeler ainsi.

Elle aurait dû rester plus longtemps, mais son bon comportement lui permet de sortir.

Elle marche à l’air libre, ressent la brise sur son visage, sans personne pour la contrôler d’un œil mauvais. Du moins, si on oublie la flopée de journalistes…

Elle s’avance jusqu’à un véhicule qu'elle reconnaît, la voiture de son frère. Il va l’héberger quelques jours en attendant d’être logée durablement et de refaire sa vie.

Refaire sa vie ? Comment une telle chose serait possible alors qu’elle serait surveillée à distance encore plusieurs années ? Un rappel constant de ses « crimes ».

Personne ne voudra d’elle comme locataire, tout comme personne ne voudra d’elle dans son entreprise. Elle est coincée.

Tout ça est la faute de son mari, qui a choisi le mauvais. Et celle du gamin. Maria va le retrouver. Onze ans qu’elle imagine jour et nuit comment lui faire payer.

Retrouver sa trace et se venger

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