Pure, vraie. Authentique. (1/1)

5 minutes de lecture

Si ça se trouve, elle est très jolie, babille Lucas, tandis que je me dirige vers la galerie commerciale que j’avais prévu de prendre d’assauts… Plutôt mini-jupe ? Ou mini-short ?

Le sentant divaguer, je l’arrête net :

– Vu le froid de canard qu’il fait en ce moment, si je mettais un short, ce serait avec des collants de laine triple épaisseur… Il n’y aurait donc rien à mater…

Certes… répond-il, grillé.

– Et, je ne porte jamais de mini-jupe. Je trouve ça vulgaire, léger, aguicheur, et j’en passe. Je mets uniquement des jupes en été et elles m’arrivent au minimum aux genoux.

Hmmm…

– Lucas ?

Oui ? dit-il en imaginant ce que donnerait un tel vêtement si je me penchais en avant.

– La ferme.

Ah… ouais.

Je m’amuse. Je m’amuse beaucoup, ricané-je dans mon coin. Se retrouver dans la tête d’un garçon est à la fois drôle et confirme bien des clichés.

Comme si tu n’imaginais jamais rien de ce genre… En plus, j’étais plutôt soft, là, rétorque-t-il tandis qu’il s’aventure finalement un peu plus loin dans ses fantasmes.

Et, avec embarras, je finis par me prendre au jeu moi aussi.

Un jeu ?

Clairement, ce n’est plus si drôle…

Mince, je ne sais même pas à quoi il ressemble ! Alors pourquoi est-ce que je m’imagine dans les bras d’un beau garçon à la musculature du héros de la série télévisée Arrow ? Misère…

Entre nous, le physique changerait vraiment quelque chose ? demande Lucas avec une justesse qui me déstabilise.

À moins que je ne sois déstabilisée par le fait qu’il tienne de tels propos alors qu’il était le premier à imaginer ma beauté il n’y a pas deux minutes.

Néanmoins, il a raison.

– Non, ça ne changerait rien, confirmé-je. Enfin, évitons la moitié du corps brûlé, quand même. Attends ! Ce n’est pas ton cas, hein ? Sinon, la bourde !

Ne t’inquiète pas pour moi, tout va bien, je n’ai aucune malformation ni séquelle. Sauf si tu estimes que le fait que mon pied droit, plus difficile à chausser que le gauche, en est une. Personnellement, je penche plus pour la théorie du pied fort.

Je ris.

– Mon pied d’appui est le gauche, donc, on est complémentaire ! bavardé-je en pénétrant dans l’immense galerie commerciale.

Chouette ! Ta pointure ne serait pas un petit quarante-cinq ? Qu’on puisse s’entraider.

– Désolé… Quarante et un.

Ouah ! Presque comme moi ! me taquine-t-il. Elle est passée où, la belle pointure de princesse ?

– La ferme… grogné-je en frottant mes mains entre elles pour les réchauffer. Ce sujet est tabou, OK ? Quiconque fait le commentaire de travers subira mon courroux et je t’assure que tu n’as pas envie que je chantonne une comptine pendant une journée entière.

Il rit et capitule, de bonne humeur.

Durant la matinée, je fais des essayages de tout et de rien, tout en dilapidant mon argent que j’ai durement économisé. Lucas commente avec humour chaque article, mais finit par se lasser et sort dans son jardin. Bien sûr, nous sommes toujours ensemble, mais il s’occupe de son côté.

Après avoir mangé un sandwich sur le pouce, je change de quartier et me dirige vers une librairie qui vend des livres neufs et d’occasion. Le rêve… qui va se transformer en cauchemar quand je vais devoir les porter !

C’est alors que mon cœur sursaute et je ressens la panique de Lucas.

– Ne t’affole pas, le rassuré-je. Je vais quand même réussir à rentrer sans perdre un bras.

Une lettre ! me coupe-t-il. Par terre. Pour moi… Moi. Où est-il ? Qui l’a déposée ? Je n’ai vu personne passer, mais elle est encore tiède ! Je ne suis retourné à l'intérieur qu'un instant…

– Lucas ? m’inquiété-je.

J’étais dehors tout ce temps, poursuit-il. Je ne suis même pas rentré une minute ! L’a-t-il fait exprès ? Il ne devait pas souhaiter me la donner en mains propres alors que je suis dans le jardin depuis plus d’une heure.

– Lucas… ? tenté-je encore une fois.

Qu’est-ce que ça signifie ? Je dois l’ouvrir, mais… Angoisse. L’angoisse. M’angoisse. Ce doit être cette écriture sur l’enveloppe. Pas d’adresse, pas de timbre. Juste une enveloppe où est inscrit mon prénom. Rien que ces lettres qui me désignent et qui me tordent l’estomac. Pourquoi ? Pourquoi me semble-t-elle familière ? Ai-je déjà vu cette écriture quelque part ?

Je ne l’appelle plus et me fais toute petite pour gommer ma présence au mieux et ne pas le déconcentrer. Cependant, après une autre minute de questionnement similaire qui commence à me donner la chair de poule, je lui glisse doucement :

– Ouvre-là.

Non… gémit-il.

– Lucas, je suis avec toi, le rassuré-je.

Oui. Tu es avec moi.

C’est, les mains tremblantes, comme il le remarque lui-même, qu’il décolle le bord du rabat et déchire le reste avec son doigt tel un coupe-papier.

Je… Peur… Pourquoi ?

Il sort la lettre d’un geste nerveux et se met à lire périlleusement, la voix tremblante :

« Fais attention à toi, Lucas, elle va te chercher. Maintenant qu’elle va être libérée de prison, tu es en danger. Alors, prends soin de toi. »

La lettre n’est pas signée, noté-je, perdue dans mes pensées.

– Tu en connais l’auteur ?

Mais, je parle à un mur. Son cœur bat la chamade et son corps est tendu, comme s’il se préparait à prendre la fuite.

Nos questions résonnent à l’unisson dans nos têtes. Qui est cette femme sortie de prison ? Pourquoi le cherche-t-elle ? Que lui veut-elle ?

La douleur et l’incompréhension de Lucas sont miennes. Son angoisse aussi. Et je commence à me sentir mal.

Ses yeux parcourent encore et encore l’avertissement que je finis par connaître sur le bout des doigts.

J’ai beau sonder son esprit, Lucas ne comprend pas ce qui lui arrive. Ce message lui est adressé, mais il ne voit pas qui en est l’auteur ni la femme qu'évoque la lettre. Cependant, ce que je ressens bien, c’est sa peur. Pure, vraie. Authentique.

Soudain, un mal de crâne épouvantable nous reprend, tandis qu’un de ses souvenirs remonte à la surface. Fugace, mais néanmoins, très parlant.

Un petit garçon, Lucas, est assis sur son lit, un plateau-repas à ses pieds. Et il pleure. Il pleure comme jamais je n’ai entendu pleurer un enfant. À la fois triste et malheureux. En colère et résigné.

Les pleurs qu’un petit enfant quelconque n’aurait pas.

Déchirants.

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