– Abandon. Pourquoi est-elle partie ? Pourquoi…

– Lucas ? l'appelé-je, soulagée, en l'entendant de nouveau.

– Sa voix… partie. Abandonné. Encore une fois…

– Lucas, ça ne va pas ? m’inquiété-je, en ne comprenant pas les pensées qui m’assaillent.

Soudain, des images défilent à vive allure dans ma tête. Si vite, que la seule chose que je ressens est le malaise. Il m’a semblé voir un petit garçon, un couple d’âge mûr, et cette sensation troublante qui me donne la nausée. Je porte une main à la bouche en espérant que mon mal de ventre ne sera pas plus sérieux, quand une douleur aiguë éclate dans la tête de Lucas. Je finis par la ressentir moi aussi, mais elle disparaît avant que le moindre son ne sorte de ma bouche. Je ne bouge plus, les yeux dans le vide écarquillés sur le siège d’en face, de peur que la douleur ne réapparaisse.

Aux aguets, je me rends compte que la présence de Lucas a de nouveau disparu.

C’est essoufflée que je commence à me poser des questions.

Est-ce qu’il maîtrise tout ce qu’il nous arrive ? Est-ce qu’il est là pour jauger mon cerveau ? Est-ce que, finalement, je fais partie d’une grande expérience sur la pensée ? Pourquoi diable est-ce que je l’entends dans mon esprit ? Se paye-t-on ma tête ? Ou bien, suis-je dans le coma et je m’invente une vie pour passer le temps ?

Lucas est-il de mon côté, aussi ignorant que moi, comme je ne cesse de l’espérer ? Ou bien, suis-je manipulée depuis le début ?

Des réponses… c’est tout ce que je veux.

– Rachel, on les trouvera. On finira par comprendre, me promet Lucas, de nouveau de retour. Je sursaute violemment, ne m'étant pas aperçu de sa présence. Je n’ai pas le temps de poursuivre mon questionnement sur sa sincérité, car il reprend la parole, et c’est peut-être mieux ainsi.

– Je ne sais pas ce qu’il s’est passé… J’ai l’impression d’avoir perdu connaissance.

– Quoi ? dis-je, incrédule. Perdu connaissance ? Comment ça ? Tu vas bien ?

– C'est un peu flou. On parlait, ensuite il a eu la déconnexion. Puis, gros blanc et tu as demandé des réponses.

– En effet, il y a un sacré trou… constaté-je.

Je pousse un long soupir que je ne sais trop à quoi dédier : au soulagement, à la peur, à la résignation ?

– Tu n’as pas pu perdre connaissance, réfléchis-je. Puisque tu me disais de… Enfin… je ne suis pas sûr que tu me parlais personnellement, mais, tu es revenu, puis reparti, puis revenu.

– Ah… ah bon ? C’est vrai ?

Il paraît si étonné que j’en viens à douter de moi-même quelques instants.

– Je t’assure que tu étais de nouveau dans ma tête. Tu parlais d’abandon…

– D’abandon ? répète-t-il, mal à l'aise.

Je soupire une fois encore. Comment penser qu’il se joue de moi quand je le sens perdre tous ces moyens ? Je suis décontenancée. Mais comme la dernière fois, je décide de lui accorder ma confiance. Il est temps que je laisse tomber ma réserve. Douter ne sert à rien, il est maintenant trop tard pour ça. Je suis trop impliquée, et j’ai foi en lui.

– Oui…, lui réponds-je. Je n’ai pas compris grand-chose, mais tu te disais abandonné. Et, tu as eu ce mal de tête atroce. Puis, plus rien, tu as de nouveau disparu. C’est peut-être cette migraine qui a causé une absence ? Je ne sais pas, avoué-je, dépitée de ne pas trouver de réponse.

De plus en plus morose, Lucas grogne de frustration. Je cherche quelque chose à dire, pour lui remonter le moral, quand je me rends compte qu’il est vraiment de nouveau avec moi, alors que je m’éloigne de ma ville natale.

– Peut-être que tu seras là jusqu’à la fin du trajet ! m’extasié-je avec plus d’entrain que nécessaire. Et même à Paris !

– Oui, ce serait bien…

– Aie au moins l’air content… ou je me mets sérieusement à bouder !

Il éclate de rire, sans joie cependant.

– Lucas… le préviens-je d’une voix traînante.

– OK, OK, je capitule, s’esclaffe-t-il tandis que je le sens lever les mains en l’air en un geste défensif.