Pour quand… voilà quoi ! (2/2)

3 minutes de lecture

– Le problème, c’est qu’avec ça, on va devenir sourd avant l’âge… Tu imagines, toi ? Sourd, sauf ma voix dans ta tête ? Pas terrible, hein ?

Wouah ! T’as raison. De vrais fous !

– Oublie cette nouveauté. On l’est déjà…

Je préfère la théorie du super-pouvoir.

– Moi aussi, pensé-je en souriant. Par contre, c’est dommage qu’on n’ait pas le droit aux écouteurs pendant les contrôles. On va vraiment se déconcentrer…

Ou bien s’entraider… dit-il avec une moue espiègle.

Je l’imagine en train de se frotter les mains comme un mafieux qui conclut une bonne affaire. Je vois bien où il veut en venir. En revanche, moi, qui va m’aider ?

T’as raison. C’est peine perdue. Arrête tes études. Mais continue les maths en tant que passe-temps, histoire de me soutenir un peu.

Je m’esclaffe, surprise.

– Et je fais quoi, le reste du temps ?

Un petit boulot qui ne te demande pas une grande concentration.

Chouette… l’ennui total. Rien à voir avec mon rêve de bac+7.

Mon Dieu ! Ça ne va pas la tête ? Un bac+7 ? Mais pour faire quoi ?

– Je ne sais pas trop encore, mais ça me passionne.

Il y a vraiment des gens tarés…

Je ris.

– En attendant, ce sont ces « tarés » qui inventent tes affaires du quotidien.

Dis ! s’exclame-t-il, tout excité. Tu crois qu’être dans la tête de quelqu’un d’intelligent va me rendre plus intelligent ?

– Je ne suis qu’en première année, Lucas. Et avec toi, il y a de fortes chances pour que je n’accède pas à la seconde. M’enfin, on va voir ça très vite. Je vais aller en cours. Et toi, tu devrais sortir de ton lit !

Ouais… je crois que t’as raison. Fait chier. Sérieux, je resterais bien dormir.

– Tu m’étonnes, pensé-je en fermant délicatement la porte de chez moi.

Je regarde ma montre. Le bus devrait passer d’une minute à l’autre. Heureusement, je n’habite pas loin de l’arrêt. Ça ne m’empêche pas pour autant de courir comme une dératée pour l’avoir. Une fois dans l’habitacle surchauffé, je m’installe à ma place habituelle, le bus étant pour l’instant presque vide.

C’est parce que tu habites en pleine campagne ? demande Lucas en enfilant deux chaussettes de paires différentes.

– Non, plutôt parce que je suis en début de ligne. Le troisième arrêt du circuit.

Durant le trajet, le véhicule devient de plus en plus bondé et les voix inondent les lieux. Pour peu, je ne nous entendrais plus penser. Pendant ce temps, Lucas s’est habillé tandis que je le taquinais, comme lui avec moi.

« Non, pas le polo bleu. Le noir irait plus avec ta veste beige… » Ou bien encore : « Quoi ? Tu portes des caleçons ? »

OK. À ce moment-là, ce n’était franchement pas sympa de ma part. Surtout quand je l’ai senti vraiment tout gêné.

Mais… des caleçons ???

C’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à bouder. Enfin, il ne boude pas. Il a été surtout si embarrassé qu’il a enfilé son casque en vitesse. Le truc, c’est que je l’entends encore, ce qui confirme mes soupçons. C’est comme si nous nous échangions l’un en face de l’autre, mais qu’il mettait un casque. S’il parle, je l’entends, mais si je parle, il ne me perçois plus. Vraiment très intéressant. Et pratique.

Je vais me venger, ruminait-il. Si jamais j’apprends qu’elle porte un pyjama ringard, ou bien des culottes de grand-mère sous ses robes de soirée…

Et la liste de ses représailles est longue et s’agrandit au fur et à mesure qu’il pédale sur son vélo, direction le lycée. Mais le plus revigorant, c’est de ressentir son cœur qui rate un battement à chaque fois qu’il se rejoue ma réplique : « Tu portes des caleçons ? »

Je l’avoue : je ne regrette pas d’avoir été si rude… Je l’imagine, les joues cramoisies, tout gêné d’être découvert au grand jour comme pudique et émotif, et je ris sous cape. Mais surtout, je me rends compte que suis la seule au monde à pouvoir entendre les pensées secrètes d’un mâle. Le pied. Enfin, si on oublie tous les désagréments, oui… le pied ! Peut-être devrais-je écrire un livre… Je pourrais sûrement devenir riche.

Je ricane. Puis tout s’arrête. Sa présence s'est de nouveau évaporée de ma tête. Un frisson violent me parcourt le corps, si puissant que j’en claque des dents quelques instants.

Mais qu’est-ce qui nous arrive ? me demandé-je, glacée.

Annotations

Vous aimez lire Accroz ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0