Comme une soeur

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Elle entrait sans frapper et tombait face à sa mère nue, debout devant l’évier, en train de se laver l’entrejambe avec un gant de toilette. Laisse-moi tranquille, je me lave les fesses, ordonnait-celle-ci, mais elle restait. Elle ne voyait pas le derrière de sa mère, seulement ce devant, poilu, effrayant, dont on lui racontait qu’elle était sortie. Ce triangle de broussaille lui semblait la plus laide chose jamais entraperçue. Fascinant et affreux. Oui, la touffe brun clair de Maman était immonde, le zizi de Papa semblait bien plus marrant, un beau tuyau lisse au milieu de poils noirs imposants. Elle aurait voulu mieux voir, mieux comprendre. Mais on la grondait, on la chassait, ça suffit.

Parfois sa grande sœur la rejoignait contre le chambranle de la porte de la salle de bain, elles se bousculaient, qui devant, qui derrière, qui d’abord, qui après, non moi. Y’a pas moyen d’être cinq minutes tranquille, s’énervait la poilue. Elles fuyaient. Si l'autre n’était pas venue, elle aurait pu rester, regarder encore, en silence. Le corps nu de sa mère la fascinait. On aurait dit une géante. Une géante fâchée qui vociférait des phrases compliquées avec les mots « droit » et « intimité ».

Elle se décidait alors à suivre la sœur qui accepterait peut-être de jouer avec elle. Dégage, t’es chiante et porte claquée au nez. Retour au lit avec ses poupées. Des poupées fort bavardes qui se chamaillaient beaucoup.

Hurlements de l'aînée, elle fait trop de bruit, elle m’empêche d’étudier, je la supporte plus. Voyons, joue moins fort, conseillait la mère enfin habillée.

Elle était alors forcée de punir les poupées pour leur apprendre à se taire, mais les poupées sanglotaient en hautes larmes, et la sœur hurlait de plus belle.

Le père arrivait et gesticulait avec une colère contenue, ce n’est pas possible, deux sœurs qui n’arrêtent pas de se chamailler, quelle honte.

Alors elle pleurait, elle était la préférée, et pointait l'index sur la grande en déclarant elle m’a tapée, elle a dit que vous ne m’aimez pas, que je suis adoptée. Elle mentait avec allégresse, improvisait, quelle créativité, ça marchait. L’aînée bavait de rage devant tant d’injustices et se faisait sévèrement réprimander malgré ses dénégations désespérées.

Mais elle savait que c’était juste et partait enfin consoler ses poupées.

En chuchotant.

ContemporainTragédiePolicier
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