Les mots

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Maintenant que nous disposons des syllabes, nous allons passer aux mots. Parce qu'est-ce qu'un mot si ce n'est une suite de syllabes. Vous allez donc prendre vos syllabes et vous allez les assembler. Vous n'avez juste qu'à vérifier que la première lettre d'une syllabe respecte la regle de succession avec la dernière lettre de la syllabe précédente. Et voila, c'est fait.

Les racines

En fait, non. Les choses ne sont pas aussi simples. Dans une langue, les mots ne sont pas créé au hasard. Prenons un exemple : charriot, charrier, char, charrue. Tous ces mots ont un air de famille. Et tous ont un sens différent. Mais ils ne sont pas si éloignés qu'il le semble. Ils ont un rapport avec un "truc" tiré par un animal. De même on peut trouver une proximité entre chant, chanteur, chanter, chanson, chansonnette, chansonnier, déchant, contrechant qui ont tous un lien entre eux. Parfois, la proximité est moins flagrante mais elle existe : meuble, mobile, mobilité, mobilier, immeuble, immobile, etc. Dans ces trois groupes, les mots partagent ce qu'on appelle une racine. La racine c'est une sorte de groupe de lettre qu'on retrouve presque à l'identique entre plusieurs mots de sens proches. En général, ils dérivent tous d'un ancêtre dans un état antérieur de la langue, il peuvent aussi provenir d'une autre langue. Mais quoi que vous fassiez, vous devrez créer des familles en vous basant sur des racines. Parfois, le sens dérive de la racine par une métaphore ou une analogie, comme par exemple rapace qui désigne un oiseau et rapacité qui est un défaut.

Un détail, quand une langue évolue, les racines sont ce qu'elle a de plus stables. Il y a des évolutions phonétique, des glissement de sens, la grammaire peut être totalement chamboulée, mais les racines persistent. Et à l'intérieur des racines, les consonnes bougent moins que les voyelles. Le meilleur exemple c'est le barbu (français) en opposition avec barbat (roumain). Ces deux mots ont la même racine "barb" et les deux désignent ceux qui portent la barbe. Mais comme les seuls à avoir la barbe sont les hommes, en roumain moderne barbat signifie homme (dans le sens de mâle de l'espèce humaine), mais barb signifie toujours barbe. Nous avons donc dans cette langue, deux mots très ressemblants, avec la même racines, mais qui ont des sens radicalement différents.

Les deux types de racines

Vous allez donc créer vos racines et leur donner un sens générique. Et c'est à partir de ces racines que vous allez créer vos mots. Il y a deux façon de créer vos racines : l'indoeuropeenne (comme le Français et l'anglais) et la sémite (comme l'arabe ou l'hebreux).

Dans l'indoeuropeenne, les racines sont des petits groupes de syllabes, en général une, parfois plus, auxquels s'adjoignent des préfixes et des suffixes qui en précisent le sens. Dans la racine, les consonnes comme les voyelles participent au sens. Comparez chant, choux, choix, chaud qui phonétiquement ne diffèrent que par les voyelles mais qui désignent des concept radicalement différents. Comme souvent, les mots existent depuis longtemps, ils ont évolué chacun de leur coté et les racines ont pu évoluer de façon légérement différente comme charriot/cariole, ou chanteur/cantatrice. C'est cette méthode que j'ai choisi pour l'helariamen.

Dans la sémitique, les racines sont un groupe de consonnes, en général trois, mais il peut y en avoir deux ou quatre. Les différents sens se font par les voyelles. Par exemple, en arabe, la racine ktb (ecrire) donnera kitab (livre), katib (ecrivain), kitaba (ecriture) et par ajout d'un préfixe maktaba (bibliothèque).

Ces deux modes radicalement différentes aboutissent à des écritures très différentes. Dans les langues indoeuropéennes, les voyelles participent au sens. Il est indispensable de les ecrire sinon le texte est incompréhensible. Elles utilisent des alphabets. Dans les langues sémitiques, les voyelles participent peu au sens, mais définissent des nuances. Elles peuvent se déterminer par le contexte. Ces langues utilisent des abjads (un alphabet sans voyelles). Alors vous allez me dire l'arabe possède des voyelles. C'est vrai, mais elles n'ont pas toutes un signe correspondant. Certaines ne sont pas transcrites et même quand elles existent, ils ne les mettent pas toujours. Pourtant les arabophones lisent très bien leurs livres.

Les affixes

Je vais maintenant m'attacher à la méthode indoeuropeenne parce que c'est celle que je connais le mieux vu que je parle une telle langue. C'est aussi celle que j'ai utilisé pour créer la langue de l'Helaria. Vous allez donc créer vos racines, mais une racine ne fait pas un mot. Partons de chant. Il dérive d'une vieille racine latine "cant". Dans certains cas le t final est resté tel quel (chanter), dans d'autres cas il a évolué en s (chanson). Cela donnent deux prononciations pour une même racine : chans et chant. A partir de ces deux variantes on va adjoindre divers prefixes et suffixe : eur (chanteur, celui qui chanter), er (chanter, l'action), on (chanson, l'objet) qui peuvent eux même recevoir d'autres suffixe : ette (chansonnette, petite chanson), ier (chansonnier, personne qui raconte des histoires sous forme de chanson). Mais aussi enchanter (les incantation magiques se font en chantant, tout au moins selon nos lointains ancêtres) et tous ses dérivés.

Par leur position, on peut définir 3 types d'affixes, les préfixes se mettent avant la racine, les suffixes se mettent après, les infixes se mettent au milieu (je ne crois pas qu'il y en ai en français). Par leur sens, on peut en définir deux types : les signifiant et les non signifiants. Les signifiants ont une signification par eux même. Par exemple, able qui désigne quelque chose qu'il est possible de faire : mangeable (qui peut être mangé), buvable (qui peut être bu), portable (qui peut être porté), ou encore age qui désigne une action : bornage (action de borner), fraisage (action de fraiser), ou le diminutif "et" et sa variante féminine "ette" : chatelet (petit chateau), carrelet (petit carreau), garçonnet (petit garçon), coffret (petit coffre), maisonnette (petite maison), charrette (petit chariot), fillette (petite fille).

Les affixes non signifiants n'ont aucune signification particulière. Ils constituent juste un héritage de la langue ancêtre où ils étaient souvent une marque grammaticale. Par exemple, le on qu'on trouve à la fin de chanson, de maison, de question ou de venaison, n'a pas de signification. Il dérive juste de ionem qui marquait l'accusatif en latin. Certains d'entre eux ont d'ailleur un rôle purement grammatical, comme ement qui définit un adverbe (amicalement), ou er, ir, re pour l'infinitif des verbes.

En combinant préfixe, suffixe, et racines vous avez donc une grande variété de possibilités de créer des mots. Et vous n'êtes pas obligé de vous limiter à la traduction de mots français. Vous pouvez très bien créer des mots correspondant à toute une périphrase, si cela fait sens dans cette langue. Ou plusieurs mots qui correspondent à un seul en français (ou le contraire). Ou un concept qui en français s'exprime par un nom, mais par un verbe dans votre langue.

L'exemple de l'helariamen

En helariamen, j'ai utilisé cette technique. Par exemple, pour divers racines

  • din (beau) donne dinmati (beauté), dinal (adjectif beau), dinyin (embellir), siwodinyin (enlaidir)
  • vreik (ville), vreiksen (citoyen), vreikgät (hotel de ville) ou Frovreikia (la ville d'en face)
  • siv (en rapport avec la religion), sivsen (prêtre), sivgät (église), sivmati (religion)
  • fix (guerre), fixsen (soldat), fixgät (caserne).

J'ai aussi défini des suffixes et des prefixes :

  • is (relations entres individus) : kialis (enfant), tuaris (cousin), theris (frère/soeur), kolis (parent), tuarkolis (oncle/tante). Au passage, vous pouvez remarquer la formation de la racine de ce dernier mot, qui résulte de l'adjonction des deux racines signifiant frere/soeur et père/mère.
  • sen (personne) : helariasen (habitant de l'Helaria), fixsen (soldat - homme de guerre), sivsen (prêtre- homme d'eglise), vreiksen (citoyen - homme de la ville).
  • siwo (négation) : dinmati/siwodinmati (beauté/laideur), sival/siwosival (religieux/athée), poenyin/siwopoenyin (bouger/être immobile).

Vous avez compris le principe. Maintenant, à vous.

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