Chapitre 1 : La cathédrale

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Lyra retira délicatement le mouchoir en tissu de sa poche et le porta à son front. D'un geste de la main elle essuya les gouttes de sueurs perlant sa peau. La puanteur et l'aspect putride des murs de la pièce agressent les poumons de la jeune femme qui toussote lourdement. Marchant lentement entre les livres éparpillés et les chandeliers brisés, elle foule le sol du plancher grinçant jusqu'à atteindre un pupitre éclairé par la seule lumière d'une lampe de bureau. Elle posa ses mains sur une lettre négligemment glissée dans une enveloppe dormant sur le bureau. Tirant d'un geste de la main le précieux document, elle jeta un regard sérieux sur les quelques lignes que celui-ci contenait.

" Nous sommes piégés à l'intérieur de la cathédrale ! Nous avons été attaqués par les ombres, véritables serviteurs du Diable. J'ai pu me réfugier dans la bibliothèque afin d'y trouver un répit temporaire - et je l'espère - salvateur... Je n'ose imaginer ce qu'il est advenu de mes frères et des enfants. Notre père s'est vu trouver une escorte de religieux, je doute cependant que nos crucifix aient pu repousser de tels démons. Le temps m'est compté et je sens d'ores et déjà l'essence pestilentielle des ombres pénétrer dans la pièce. Mes oreilles me trompent et couvrent les bruits de pas de ces êtres abjectes, mais ma foi me confie intimement que le mal n'est plus très loin et que mon heure a déjà sonné...

J'entends cogner à la porte ! Je joins à cette lettre mon pendentif et ma croix afin que le malheureux qui trouvera ces mots obtienne le salut du Seigneur et un sursis divin. Portez de droit mon anneau à l'inquisiteur Morick, il saura que faire. Je prie pour votre vie mon enfant. 

Abbé Paul Lepieux  "

Lyra fouilla le fond de l'enveloppe et ne trouva que le pendentif maculé de sang du vieil homme. Elle soupira et plaça les objets dans sa sacoche.

-Des pilleurs de tombes... murmura-t-elle. 

Elle sorti son poignard d'argent et sorti de la bibliothèque par la porte qui l'avait accueillie quelques années auparavant.  

                                                                                      *

"La nuit continue d'imposer son impitoyable règne sur le jour mort depuis longtemps déjà. Les écrits ecclésiastiques parlaient d'une journée et ensoleillée dévorée par un voile ténébreux soudain. La lune était rongée par d'étranges particules noire qui se mouvaient dans le ciel. Le poète Adamund l'aurait décrit comme la fin du monde dans son ouvrage " les neufs terres ". Aucun artiste, aucun homme n'eut dépeint mieux qu'Adamund les horreurs de la nuit. Désormais l'on parle des pages de son livre comme la prophétie de nos temps..."

Lyra ouvrit les yeux vers neuf heures du matin, le corps lourd et engourdi. Elle marcha sur la pointe des pieds jusqu'à son armoire, enfila sa tenue, regroupa ses coutelas et arma son mousquet. Ses pensées étaient en proie à une brume passagère due à un sommeil trop agité. Elle tapota le bas de ses bottes pour les dépoussiérer, se munit d'une plume  et rédigea son rapport de la veille. 

"Lyra Umbra - Enquêtrice de second niveau - bureau de recherche numéro 6 

Je me suis rendue à la cathédrale de Thornmail ce vendredi quatorze octobre du sizième lunaire, quatorzième ombraire. Je n'ai croisé que quelques corbeaux ainsi que deux mendiants fous alliés. L'atmosphère y est suffocante et l'intérieur des bâtiments empeste la mort et la pourriture. Je n'ai trouvé qu'une lettre et le pendentif de l'abbé Paul Lepieux, aucun signe de l'anneau ou de sa dépouille. 

Mon enquête sur les lieux m'amène à penser que des pilleurs de tombes puissent avoir investi les lieux et aient pris le temps de fouiller les cadavres des villageois. 

Fin du rapport  - Lyra Umbra "

Lyra referma soigneusement l'encrier et déposé la plume sur son bureau en chêne massif. Elle quitta sa cellule et emprunta le couloir menant à la cour du château.. La nuit était d'un rouge sang en ce soir d'octobre. L'on entendait les cris de loups-garous par delà la vallée et les souffles étouffés des buveurs de sang. La jeune femme s'était rapidement habituée à l'ambiance effroyable du château et de ses alentours. Les grilles grinçante rassuraient même Lyra, leur son si particulier n'appartenait qu'à celles du château. L'odeur envoûtante de la soupe de citrouille parvenait aux narines de Lyra et flattait l'odorat de l'enquêtrice. D'un pas assuré elle foula les pavés et rejoint un homme vêtu de noir au centre des lieux. Ce dernier l'aborda avec aplomb. 

-Bonjour Lyra, ça fait longtemps. Tu as bien dormi ? demanda-t-il avec un sourire espiègle

-Bonsoir Maximilien. Tu as des nouvelles de l'affaire Rickler ? 

-Oui, moi aussi je suis content de te voir, tu m'as manqué. Oui j'ai aussi eu peur pour toi ne t'inquiète pas je vais bien. 

-Cesse de plaisanter je ne suis pas d'humeur à ça...

Le regard de l'homme se durcit quelque peu.

-Quand l'es-tu... Bref, nous avons classé l'affaire sans suite. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps pour une si maigre somme d'argent et encore moins pour l'honneur d'un vieillard mourant. 

-Pourquoi avoir accepté la requête dans un premier temps ? 

-La fondation a besoin d'argent, Lyra. Mais aucun d'entre nous n'a de temps à perdre sur des affaires peu rentables. Laisse tomber ça ! soupira-t-il presque agacé.

Vaincue, Lyra ne releva pas et un moment de silence se glissa dans la conversation.

-Et de ton côté, comment se passe l'enquête à Thornmail ? reprit-il.

-Je m'apprêtais à rendre mon rapport au secrétariat. Je n'ai pas su mettre la main sur l'anneau de l'abbé. Sans doute des pilleurs de tombes l'ont-ils dérobé.

-Tu devrais demander une autorisation pour fouiller un peu plus la ville à la recherche des pilleurs, tu ne crois pas ? conseilla Maximilien en se caressant la barbe. 

-Je verrai, pour l'heure je dois rendre mon rapport puis me préparer.

-À quoi ? 

-Je dois passer un peu de temps à entretenir mon mousquet pour éviter qu'il ne s'enraye. Je passerai un coup de chiffon sur mon poignard et laverai mes lames avec de l'eau bénite. Tout ce que tu es aussi sensé réaliser dans le cadre de ton métier, Maximilien. 

-Tu es trop carriériste, Lyra. Prends du bon temps pour toi de temps en temps. À ce sujet, je vais avec mon bureau d'enquête à l'auberge du veau égorgé. Tu viens avec moi boire un verre ? 

La jeune femme prit un air exaspéré et répondit de manière sèche.

-Tu te feras tuer à ne faire que t'amuser, inconscient que tu es.

-Charmant. À plus tard peut-être mademoiselle Umbra. conclut-il

L'homme enfourcha son destrier et fit route vers le bas de la colline en direction du village de Fatum. Lyra s'empressa de rendre son rapport puis regagna sa cellule. 

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