Chapitre 4

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Enfin, la messe prit fin. L’Impératrice, en tant que Mère de la nation, avait récité plusieurs textes liés à la pensée du jour.

Blonde, mince et gracieuse, elle était d’une grande beauté pour son âge mûr. Elle avait transmis ses traits délicats à ses deux fils, Damjan et Dusan, les second et troisième princes impériaux.

Carolina regarda l’assemblée avec des yeux brillants et s’inclina à la fin avec la prêtresse devant son peuple.

En se redressant, elle vit Giselle et comprit à son air préoccupé qu’elle l’attendait. Un sourire se dessina sur son visage. Si calme et pourtant si pleine de vie !

Elle s’approcha d’un pilier et attendit que la jeune femme vienne la rejoindre.

— Giselle, comment vas-tu, aujourd’hui ? Je devine dans tes yeux que tu as quelque chose à me dire.

— Votre Majesté Impériale, je tenais à vous offrir ceci.

Le regard clair de Carolina se posa sur la boite et elle ne put retenir un léger cri de ravissement.

Derrière les piliers, nuls ne pouvaient les voir, pas même les journalistes, qui attendaient à présent à l’extérieur. Seules ses dames de compagnie et quelques nobles se tenaient encore présents sous la voute de verre.

L’Impératrice prit entre ses mains la jolie boite et en défit le ruban. Une bouffée d’affection la submergea. Elle adorait Giselle. Elle appréciait ses grands yeux gris, ses cheveux épais et sombre, sa vivacité d’esprit, mais surtout, sa sensibilité.

Carolina découvrit le mouchoir brodé et le trouva sincèrement magnifique.

— N’y a-t-il donc rien que tu ne saches pas faire ? s’exclama-t-elle en montrant la finesse des points à ses accompagnatrices.

Liselotte, sa dame de compagnie de longue date, hocha la tête avec admiration.

— J’en prendrai grand soin Giselle, il sera toujours auprès de moi, promit Carolina en serrant la main de la future princesse dans la sienne.

Elle put voir Giselle rougir et cela lui fit plaisir. Malgré toute son affection, jamais cette jeune fille n’avait profité d’elle. Carolina l’avait tentée, plusieurs fois, mais l'enfant du Duc de Hautebröm n’avait jamais abusé de sa gentillesse. D’un côté, être sa préférée était aussi une sinécure, Giselle attirait des jalousies. Pourtant, cette dernière ne s’en souciait pas.

— Monsieur le Duc, salua Carolina en voyant le père de sa protégée venir à elle.

— Votre Majesté Impériale, répondit-il en maitrisant sa démarche tordue.

Giselle s’écarta pour laisser la place au Seigneur de Hautebröm. Iphigénie et Léonie ne tardèrent pas à la rejoindre, s’inclinant et se tenant de loin.

Cette dernière était nerveuse et regardait autour d’elle en se tordant les mains, sa mère lui fit les gros yeux.

Le petit groupe échangea quelques mondanités et fut subitement interrompu par l’arrivée d’une nouvelle personne.

— Dusan, mon cher fils ! Vous étiez donc caché là ! pouffa Carolina en l'attirant vers elle.

Le Prince salua l’assemblée et le père de Giselle ; à cette dernière, il fit un baiser sur les doigts. La jeune femme sourit, repensant à sa lettre du matin. Dusan donna un hochement de tête élégant à Iphigénie et son regard croisa celui de Léonie, qui détourna légèrement les yeux.

Dusan se plaça aux côtés de sa fiancée et délicatement, lui prit le bras. C’était un garçon immense, très brun de cheveux et aux iris sombres, le portrait de l'Empereur Auguste au même âge. Il était, tout comme Giselle, d’une nature calme et réfléchie . Cultivé et charismatique, son charme attirait aussi bien l'oeil que l'esprit . Mince et élancé, on pouvait cependant voir qu'il appréciait plus les efforts intellectuels que physiques. Son regard perçant se posa sur Giselle :

— Tu as reçu ma lettre ? demanda-t-il en serrant son étreinte.

— Oui..., répondit-elle dans un souffle.

— Parfait, retrouve-moi dans une demi-heure. Cette robe est magnifique, Giselle.

Il lui adressa un sourire lumineux.

— Nous souhaitons annoncer la date de mariage la semaine prochaine, déclara Carolina d’un air joyeux.

Tout le monde se força à pousser des cris d’étonnement, car ce n’était en fait une surprise pour personne. Giselle avait eu vingt-deux ans l’été dernier, elle pouvait enfin se marier avec son cher prince. Le peuple n’attendait que cela. Les mariages princiers étaient toujours des événements de grande envergure. En outre, leurs fiançailles duraient depuis plusieurs années.

Carolina se mit à rire, sachant pertinemment que sa nouvelle n’en était pas une. Elle couva sa future belle-fille d’un regard tendre et s’éclipsa après plusieurs salutations.

La petite assemblée se quitta et on se salua sur le seuil de la belle église blanche de Lengelbronn. Le froid envahit les membres et saisit les visages. On s’éparpilla rapidement.

Giselle s’engouffra dans sa voiture, les cavaliers impériaux montèrent à cheval.

— Conduisez-moi au Palais du troisième prince.

Les pneus de la berline crissèrent dans la neige et prirent le chemin des grandes avenues.

Giselle avançait d’un pas décidé dans les couloirs de la demeure de Dusan. Elle connaissait les lieux depuis longtemps déjà. Perdue dans ses pensées, elle suivait le majordome par habitude.

— Votre Grâce, fit l’homme en costume tout en lui ouvrant une porte.

Giselle hocha la tête pour le remercier et elle eut, durant une fraction de seconde, l’impression que le majordome lui donnait un sourire narquois, presque moqueur.

Elle haussa les sourcils, mais son attention fut détournée par Dusan, assis à son bureau et tenant une plume à la main.

— Tu travailles encore ? dit-elle en s’approchant.

Il se redressa subitement et bougea ses affaires avec empressement. Il rangea rapidement ses lettres dans un tiroir et releva son visage vers elle.

— Allons déjeuner maintenant, proposa Giselle.

Dusan la prit contre lui en pinçant sa taille. Elle se mit à rire et passa ses bras autour de son cou pour l’embrasser brièvement.

— Allons-y, j’ai faim. J’ai une tonne de travail cet après-midi. Le pont qui mène au Château de Comblaine s’est effondré, je dois trouver…

— Toujours si sérieuse, si consciencieuse…, murmura Dusan à son oreille. Tu sais à quel point j’aime te voir concentrée.

Il lui caressa doucement les mains.

— En parlant de ça, quand nous serons mariés, est-ce que je pourrais placer mon bureau à côté du tien ?

Il lui fit un tel sourire qu'elle manqua de respirer. Elle regarda ses yeux brillants, son visage si près du sien et ses cheveux sombres qui tombaient par mèches agitées sur ses joues. Son cœur se mit à battre, et dire qu’elle allait l’épouser ! Il serra son étreinte et ajouta au creux de son oreille d’un ton taquin :

— Moi aussi, j’ai faim...

Giselle rit aux éclats et ils s’embrassèrent avec ardeur.

Le soir venu, Giselle était de retour chez elle et lisait en boucle un appel d’offre pour la reconstruction du pont dans leur domaine. Il n’y avait eu aucune victime, la rivière ayant été fermée durant la tempête, mais l’accident survenu après un orage était apparemment spectaculaire.

Elle se rendit compte qu’elle observait le même passage depuis plusieurs minutes. Ses souvenirs allèrent à son étreinte de l’après-midi. Et son coeur cogna si fort d’émotion qu’elle mit un temps fou à se calmer. Elle était si chanceuse d’avoir Dusan auprès d’elle ! Son statut ne lui aurait jamais permis habituellement de faire un mariage d’amour tel que celui-ci.

Sa bonne, Constance, la regardait soupirer en souriant et elle lui demanda alors si son déjeuner avait été à la hauteur de ses espérances. Giselle répondit évasivement et parti se coucher après un bain.

Cette nuit-là, elle parvint à s’endormir plus tôt que la veille, bercée par les mots tendres de son amant et les souvenirs de sa peau contre la sienne.

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