32 - Seconde épreuve (à réécrire)

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 Au matin, son mal de crâne avait disparu. Seule une douleur sourde se manifestait encore dans sa poitrine ; elle avait dormi d’un sommeil léger, entrecoupé du bruit du vent sur la toile et des aller-retours des candidats qui n’arrivaient pas à trouver le sommeil. Tout le monde attendait la deuxième épreuve, partagé entre l’envie de se réjouir, et celle plus pragmatique de ne pas se prononcer. Elle, se doutait qu’il lui serait difficile de convaincre les Maîtres. Mais après toutes ces années, elle ne savait se résoudre à abandonner. Pas plus qu’elle ne pouvait renoncer à l’idée de retrouver son frère.

 Au sortir de sa tente, les nuages s’étaient lovés au sommet des montagnes et glissaient le long des versants comme la pluie sur les écailles d’un dragon. Il faisait gris, froid et terne, et là où la plupart des candidats râlaient après le mauvais temps, Yuling se sentit ragaillardie. Cela lui rappelait les étés passés dans les montagnes avec Mees et les troupeaux ; il y avait souvent de la brume en hauteur et il n'était pas rares qu'ils se retrouvent plongés dans les nuages. A la différence près que cette fois, le lieu avait changé et son frère n'était pas là.

  Ewa la rejoignit peu avant que les Maîtres n'annoncent la nouvelle épreuve.

 – Tu crois que la seconde épreuve est une épreuve de magie ? demanda-t-elle inquiète. Et si on n'en a pas, je fais comment ?

 Elle lui lança un regard désespéré en se rongeant les ongles.

 Si c'était une histoire de magie, Yuling n'aurait même plus à se soucier de sa santé. Mais le fait que Dame Calwaën ait mentionné l'éventualité de poursuivre les épreuves malgré son état laissait entendre qu'il n'en était rien.

 – C'est pas ça, mentionna Yuling.

 Coupant court à leurs interrogations, un Maître en charge de l’épreuve intervint :

 – Le jury est en place et va vous recevoir. Je vous demande juste un peu de silence pour vous permettre d'entendre quand vous serez appelé !

 Son intervention marqua le début d’un long défilé durant lequel un à un, les candidats furent appelés. Puis ce fut bientôt son tour. Lorsque son nom résonna, elle suivit, tremblante, le Maître qui la guida en direction du Volarium. Le moment tant attendu arrivait enfin : elle allait pouvoir pénétrer dans la Dragonnerie et voir de l’intérieur ces murs qu’elle observait depuis la veille. Cependant, son engouement fut de courte durée lorsqu'elle réalisa que le Maître n'avait pas l'intention de la faire entrer dans l'enceinte du bâtiment. Il contourna d'édifice, la fit longer les murs, frustrée à l'idée de ne pas avoir encore intégré l'institution. Enfin, ils parvinrent devant une gigantesque verrière encastrée sur le flanc d'une des tours.

 Yuling reporta son attention sur la série de portes en bois massif qui leur faisait face. Le Maître frappa à la dernière, le battant céda :

 – Entrez !

 Les jambes flageolantes, Yuling pénétra à l'intérieur du Volarium. Ses pieds foulèrent le sable d’une carrière dont les verrières s’élevaient à plusieurs dizaines de mètres de haut, laissant la lumière inonder l’espace. Assis sur des gradins, dans le fond, un public silencieux suivait le moindre de ses mouvements. Des élèves, pour la plupart, revêtus de leur combinaison de cuir mais aussi un jury, composé de cinq Maîtres, qui observait placidement sa réaction.

 Yuling… finit par prononcer l’un deux.

 Elle hocha la tête et reconnut Maître Torrish, le Maître qui avait participé à la course des vents.

 – Bien. Avancez-vous, je vous prie. Oui, voilà, placez-vous au centre. Vous êtes prête ?

 Yuling hésita. La seule Dame présente dans le jury nota un commentaire sur le cahier présent devant elle. Notant l’impatience des autres membres, elle finit par acquiescer.

 A peine eut-elle tourné la tête qu’un immense dragon rouge fondit sur elle. Surprise, Yuling eut un sursaut de stupeur, avant de se figer, sous le choc. Elle n’avait jamais vu de dragon aussi gros. Ses ailes lui conféraient une envergure impressionnante. Et son yeux la fixaient comme… comme un prédateur à l’affût. Elle aurait dû s’enfuir, prendre ses jambes à son cou, décamper. Au lieu de ça, elle resta plantée là. Il était trop tard.

 Elle n’était qu’une petite chose. Son corps le savait, parce qu’il s’était mis à trembler, alors que l’expression de son visage se fondait en un air mi-exalté, mi-effrayé.

 Le dragon s’arrêta devant elle. Si près que Yuling dut retenir son souffle alors qu’il la fixait. Elle sentait son râle chaud frôler sa peau, ses immenses canines prêtes à lui broyer les os. Le souvenir de Yör surgit dans son esprit. Yör tapie au fond de sa grotte.

 Ses lèvres s’étirèrent. Elle sourit. C'était la troisième fois qu’elle approchait un dragon d’aussi près. Yör était plus petite, moins impressionnante. Alors que celui là était tout simplement énorme, et vu les crocs qui dépassaient de sa mâchoire entrouverte, elle n’était pas prête de l’oublier.

 Trop subjuguée pour prêter attention à quoique ce soit d'autre, Yuling n'entendit pas Maître Torrish lui annoncer la fin de l’épreuve. Il dut se reprendre à deux fois avant qu’elle ne réagisse et quitte le Volarium, des rêves plein la tête.

***

 Maître Sylga se tourna vers ses collègues. L’un d’eux semblait surpris, deux autres affichaient une moue désapprobatrice :

 – Il a rit, commenta-t-il en souriant jusqu’aux oreilles.

 Maître Torrish releva les yeux de la feuille qu'il consultait, curieux :

 – Il a rit ?

 – Oui, en voyant cette petite, il a rit !

 – Impossible, maugréa Dame Morgen.

 – Je crois qu'il l'aime bien.

 Maître Torrish prit note. Il était rare qu’un dragon démontre des sentiments positifs à l’attention d’une personne étrangère à leur Maître. Le cas de Solvar n'était pas unique, mais n’était pas non plus chose courante.

 – Je ne comprends pas pourquoi nous l'avons laissé passer, rétorqua Dame Morgen, le ton cassant. Cette expression effrayée sur son visage... Son dragon n'en fera qu'une bouchée.

 – Rosa… tenta de la raisonner Maître Torrish. Cette petite est passionnée, tu ne peux pas le nier.

 – Et quand son dragon en fera son petit-déjeuner, tu me parleras de passion ?

 – Rosa marque un point, souligna Maître Tavin. Un cœur effrayé ne fait pas d’un élève un Héros.

 – Je ne suis pas d’accord, répliqua Maître Sylga. Il y a des Appelés qui même effrayés font d'excellents Héros. Dame Calwaën en est le parfait exemple.

 – C’est une Insi ! s’emporta Rosa. Voyez ce qui lui est arrivé ! Vous voulez mon avis ? Vous accordez bien trop d'importance à cette petite. Vous faites une erreur, vous allez vous en mordre les doigts !

 – Ça suffit ! tonna Maître Torrish. Ce qui concerne Dame Calwaën ne la concerne qu’elle, les candidats n’ont pas à être mêlés à vos histoires, le sujet est clos. Concernant Yuling, nous, ou plutôt j’ai pris ma décision, il n'est donc plus lieu d'en discuter. Suivant !

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