50 - Lendemain (à réécrire)

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 Yuling se retourna dans son lit. Elle avait faim, une forte envie de viande fraîche, de sang...

 De sang ? Son estomac se contracta lui donnant la nausée. Comment ça de sang ? Non ! Elle voulait de la brioche, du jus de pastèque, avec un bonne assiette de... viande fraîche.

 La jeune fille se lécha les babines : oui, du sang...

 Non ! Pas de sang !

 Elle se réveilla en sursaut et repéra, perturbée par une série d'images qui défilèrent très vite dans sa tête, sa petite dragonnette qui couinait misérablement à ses pieds. Fei avait faim, très faim, même. Et malgré sa petite taille, elle aurait pu dévorer un mouton !

 A peine posa-t-elle le pied par terre que Fei se précipita le long de sa jambe, toutes griffes dehors. Yuling accusa le coup en rouspétant, et fit carrément la grimace lorsqu'elle rampa sur son buste jusqu'à atteindre son épaule où elle trouva refuge. Pourquoi aucun apprenti ayant fusionné récemment n'avait mentionné ce détail ? Et Solrik ?

 Elle chassa le garçon de ses pensées quand celles-ci se focalisèrent soudain/étrangement sur son estomac. Une douleur tenace s'immisça dans son esprit, suivies d'une image de porte aux proportions énormes, et d'un sentiment de salivation. Son soudain changement d'état l'empêcha d'avoir les idées claires. Elle n'était plus très sûre d'avoir faim. Les envies sanglantes de sa dragonnette lui avaient coupé l'appétit, mais des effluves de viande l’appelaient. Sans vraiment maîtriser ses gestes, elle se leva et se laissa guider.

 Ses pas lui firent quitter la chambre. En y repensant, elle ne se souvenait pas comment elle avait regagné son lit, dans la nuit. Juste qu'elle s'était sentie très mal, avec l'impression d'avoir passé la nuit dans un état comateux, pas tout a fait éveillée, sans que ce soit un rêve non plus. Le froid mordant lui revint à l'esprit. Une terrible solitude. Un sentiment d'insécurité insatiable avant qu'une puissante chaleur ne la réchauffe. C'était tout ce dont elle se souvenait.

 Elle traversa le couloir perdue entre les informations que lui renvoyaient ses sens, et celles, bien plus intimes, imposées à son esprit ; une perception déformée des lieux qui semblaient plus grands. Des couleurs qui paraissaient plus contrastées. Des odeurs qui lui parvenaient par à-coup, des bruits inconnus. Les apprentis qu'elle croisa réveillaient en elle une étrange curiosité, tandis que Fei penchait la tête en furetant sur leur passage ; elle finit par comprendre que ce brusque changement d'état avait probablement un lien avec sa dragonne, et lui jeta un œil, intriguée. Etait-ce ça, la fusion ?

 Elle réalisa qu'elle n'avait pas vu Ewa seulement en arrivant au Salorium. Une image fugace de son amie traversant les couloirs refit surface. La pénombre. Un souvenir diffuse, en pleine nuit. Elle avait été si perturbée par la fusion qu'elle n'avait pas fait attention à ces détails. Elle voulut la rejoindre au nid, mais d'irrésistibles odeurs la submergèrent, brouillant ses pensées, et elle se retrouva bien malgré elle à bifurquer dans un couloir qu'elle n'avait jamais emprunté.

 Une dizaine de mètres plus loin, elle débarqua sur les remparts, cheveux aux vents, en se demandant ce qu'elle faisait là. Sa dragonne se redressa, les naseaux frétillants. L'odeur ferrique du sang se mêla à l'idée d'un petit-déjeuner alléchant.

 – Tu ne devrais pas aller par là, l’avertit un dragonnier en la repérant. Les dragons n'ont pas le droit de se trouver sur les

 Fei laissa échapper un grondement sourd. Le visage de l'homme devint grave en remarquant que la jeune fille n'était plus vraiment présente, et que sa dragonne avait une emprise totale sur elle.

 – On dirait que tu as des ennuis, fit-il.

 Fei, qui s’était hissée jusque sur l’épaule de sa maîtresse, l’observa curieusement. Dans l'esprit de Yuling, le visage de l'homme apparaissait dans les moindres détails ; ses sourcils relevés, son regard sévère, ses lèvres qui s'agitaient quand il parlait. Jusqu'aux variations de l'air qui s'échappait de sa bouche. Le dragonnier soupira :

 – Et dire qu'ils avaient promis que ça n'arriverait plus... C'est ingérable, vivement que les fusions se terminent...

 La dragonne quitta précipitamment son épaule et fila sur les remparts. Yuling réintégra son corps d'un coup, surprise par l'avalanche d'images qui se succédèrent dans sa tête.

 – Fei !

 Prise de vertiges, elle tenta maladroitement de lui courir après.

 – Restez ici ! lui ordonna l'homme en la rattrapant.

Mais elle n'avait que faire de ses injonctions ! Sa dragonne avait subitement disparu et son cœur s'était mis à battre avec frénésie. D'un coup, une porte céda dans son esprit et des images déferlèrent avec autant de violence que la houle un soir de tempête. Partout, la pierre des remparts. Le vent, glacial, qui claqua contre la roche. Qui d'un souffle la balaya. Une forte odeur de sang, imprégnée jusque dans les murs, et cette faim dévorante qui lui brûlait les entrailles.

 – Fei ! Arrête ça !

 Elle peinait à superposer la multitude d'informations que lui communiquait sa dragonne à sa propre vision et en perdit l'équilibre. Le Héros la rattrapa avant qu'elle ne plonge tête la première contre le sol.

 – Ça va ?

 Une lueur soucieuse traversa son regard. Il semblait aussi inquiet qu'ennuyé. Mais elle ne lui accorda que peu d'attention, devant l'odeur entêtante du sang qui stimulait ses instincts de prédation. Elle rassembla toute son énergie et parvint à articuler quelques mots :

 – Fei, elle...

 – Ecoutez-moi, restez calme, lui enjoignit le Maître.

 – Mais elle a disparu et... j'ai mal à la tête !

 – Une fusion récente, hein ? devina l'homme. Le problème, dans ces cas-là, n'est pas tant de contenir le dragon que le maître qui se met à faire n'importe quoi.

 – J'ai l'impression de voir du sang partout...

 Yuling ferma les yeux pour mieux se concentrer. Certaines images étaient particulièrement intrusives ; elle avait l'impression que son cerveau s'était littéralement scindé en deux et qu'elle était devenue le puits d'une mémoire autre que la sienne.

 – Certains ressentis peuvent être particulièrement déconcertants, au début. Mais ça passe avec l'habitude.

 Elle n'eut pas le temps de répondre que des pas précipités foulaient les pavés, dans son dos.

 – Yuling ! s'exclama la voix de Dame Calwaën, essoufflée. Je suis venue dès que j'ai su, ajouta-t-elle à l'attention du Maître.

 – Il faut qu'elle quitte les remparts avant le Dragonium ne s'en mêle. On dirait que son dragon a repéré les carcasses.

 La jeune femme lui saisit le bras.

 – Viens !

 – Et Fei ?

 Ella marqua un arrêt.

 – C'est comme ça qu'elle s'appelle ? Ne t'inquiète pas, elle va finir par revenir.

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