Paresse. I.

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Je jetai un œil au radio réveil, seul phare dans la noirceur de la chambre à coucher. Voilà maintenant vingt minutes que mon Georges me pilonnait par derrière, sans relâche. Il tenait bon, le bougre, malgré sa forte corpulence, son souffle court et sa bedaine encombrante. Allongé sur le flanc, il s'acharnait sans aucun répit, gémissait, râlait, faisait claquer son bas-ventre contre mes fesses. Ses mains calleuses de maçon parcouraient mon corps frêle et menu, en caressant et tâtant chaque partie. Il semblait s'éclater, mais il était le seul.

Comme chaque soir, j'attendais patiemment qu'il se satisfasse de moi. Et comme souvent, je me ressassais ces cinq dernières années de vie avec Georges. A 30 ans, je rêvais d'avoir un enfant, et lui, malgré ses 50 ans, avait accepté ma requête. J'avais souhaité que nous nous marions d'abord, pour offrir à notre progéniture un cadre familial stable. Nos premiers mois de jeunes mariés étaient une véritable orgie. Nous baisions n'importe où, n'importe quand. Il me foutrait matin et soir, parfois le midi quand nos emplois du temps le permettaient. Mais au bout de deux ans, je n'étais toujours pas enceinte. Je n'avais pas souhaité voir de spécialiste, je ne voulais pas donner à ce projet un aspect médical. Je voulais laisser la nature faire son travail. J'avais perdu goût au sexe depuis maintenant trois ans, mais je tenais à garder mon mari satisfait.

Trente minutes qu'il s'activait en moi. Je commençais à trouver le temps long. Il fallait que je l'aide. Je me mis à gémir, d'abord doucement, comme un murmure, plus fort, plus vite. J'accélérais mon souffle, je saccadais mes gémissements, je les entrecoupais de petits cris et d'encouragements. Bien sur, je ne ressentais pas plus de plaisir pour autant. Mais je connais mon Georges, je sais que ça l'excite. Je n'aime pas cette idée de feindre de jouir, j'ai l'impression de me moquer de lui, de lui mentir, de le tromper. Mais je commence à fatiguer, et je préfère simuler que de m'endormir, j'essuierai moins de reproches.

Il s'enfonçait de plus en plus loin en moi, son souffle devenait un râle. Il était temps d'en finir. Encore quelques cris un peu plus fort. Il s'agrippe à mon corps, me plaque contre son bide, m'enveloppe de son gras. Je le sens se déverser en moi, échappant un cri rauque à chaque saccade. Le silence retombe, sur un fond d'essoufflement de mon homme. Il me relâche, se retire et s'affale, satisfait et épuisé. Je me tourne vers lui et l'enlace, posant une main sur son ventre dodu. Le sexe n'est plus ce qu'il était, mais j'ai toujours cette tendresse et cet amour pour lui, je ne peux rien lui refuser. Il me serre contre lui et m'embrasse tendrement sur le front. Sa grosse moustache me chatouille.

"Alors, ça t'a plu, ma minette ?", lâcha-t-il.

Ces hommes. Toujours à chercher les compliments, voire les remerciements.

"Bien sûr, comme toujours, mentis-je. Et toi ?"

Pas un mot. Est-ce qu'il réfléchissait à sa réponse, dans un debrief intérieur ?

A mon grand désarroi, un léger ronflement vint rompre le silence. Il avait au moins l'un de nous deux satisfait de cette baise. Son corps brûlant exhalait une odeur de bitume qui me donnait la nausée. Je me dégageais de ses bras et me glissais dans la salle de bain attenante. L'air frais saisit mon corps, raffermissant chacune de mes extrémités. Je me penchais sur la vasque afin de m'asperger, puis m'observais dans le miroir. Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ? Il devait y avoir une explication à mon manque de plaisir. Voir un sexologue ? Pour faire une thérapie de couple ? Je n'ai pas envie de parler de mes problèmes de sexe à un inconnu. Je fixais mon téléphone, à portée de main. Déterminée, je l'attrapai et rédigeai un message. Je devais en parler à une personne de confiance.

"Salut Jess. Que fais-tu demain midi ?"

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