Seth I (2/2)

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[...]

Celui-ci chuta mais une flèche vint couper la corde et lui permit de retomber sous l'échafaud. Il perçut ensuite un hennissement.

— Qu'est-ce que... fit l'intendant au-dessus de lui.

L'action fut rapide. Un cheval s'élança par-dessus les barrières de sécurité et galopa vers l'échafaud en mettant plusieurs soldats à terre sur son passage. Le prisonnier aperçut un bras se tendre et courut pour le saisir et se hisser. Seth s'agrippa au bassin du cavalier – ou plutôt à ses vêtements - et la monture continua sa course. Elle sauta de l'autre côté de la barrière et s'enfuit.

L'évadé perçut dans son dos le chef de la milice vociférer des ordres. Aussitôt, un barrage se mit en place aux portes de la ville. Mais le mystérieux sauveur ne se laissa pas faire, et dégaina son épée.

Des inconnus le rejoignirent et l'aidèrent à créer une brèche parmi la défense des forces de l'ordre. Le combat s'engagea et le prisonnier évita les différents coups de l'ennemi en s'agrippant de toutes ses forces pour ne pas tomber. La bête finit par accélérer et percer la défense de la milice, se dirigeant vers la sortie de la ville. Le cavalier guida l'animal en direction de la forêt, où il fut aussitôt rejoint par ceux qui l'avaient aidé.

Relevant la tête, le mercenaire sourit en reconnaissant Martin, son compagnon de route. Ils s'étaient quitté la veille lorsque le garçon avait décidé de rentrer à l'auberge. Ce dernier était roux, d'une taille moyenne, bien qu'un peu moins grand que le fugitif, et était doté d'une certaine ingéniosité, surtout pour sortir son acolyte de situations dangereuses.

— À la bonne heure, je pensais que tu ne viendrais jamais, s'exclama l'évadé.

— Il a bien fallu que j'aille chercher des renforts, répondit le garçon d'environ seize ans, je n'allais pas m'attaquer seul à la milice.

— Et les renforts ont accepté ? Par quel miracle ?

— Parce que nous avions besoin de toi.

Seth connaissait cette voix et elle lui retira son sourire. Son sauveur descendit de la monture et se tourna vers le prisonnier. C'était Gobert, un spadassin travaillant pour la troupe des Loups Tranchants. Il prit les poignets du captif et utilisa un poignard pour défaire ses liens. Le vieil homme arborrait une expression ferme, et pour cause : les deux se connaissaient depuis longtemps, et avaient un petit souci de type financier. L'évadé se mit à sa hauteur et tenta une approche.

— Gobert ! Mon ami ! Je suis si heureux de te revoir.

— Je le serais également si je revoyais mon or, rétorqua le vétéran d'un ton tranchant.

La première tentative était ratée, mais il lui restait une autre carte à jouer. Il prit un air innocent et un regard fuyant.

— Ton or ? Quel or ?

— La bourse de pièces que tu m'as demandé la dernière fois. Tu m'as dis être sur un gros coup et me rapporter le double. J'attends toujours mon trésor.

— Ah ! Oui, en effet, ton or. Et bien, c'est-à-dire que j'ai tout investi dans la boisson et j'ai malheureusement perdu. C'est fort dommage.

Le mercenaire s'éloigna, mais son interlocuteur n'était pas dupe et le rattrapa. Le saisissant par l'épaule, il haussa la voix :

— T'es en train de me dire, petit vaurien, que tu as balancé toute ma bourse dans l'alcool et les putes ?

Le jeune homme réfléchit un instant et répondit sans scrupule.

— C'est à peu près ça, oui.

Gobert, perdu entre la rage et la déception, demeurait stoïque. Depuis toujours, il lui faisait confiance. Il venait d'apprendre, à ses dépens, que cela s'avérait être une mauvaise idée. D'un sifflement, il appela ses coéquipiers, qui formèrent un cercle autour de lui.

— Répète un peu ça ? T'as perdu mon or ?

Avec la demi-douzaine d'assassins face à lui, le captif hésitait un peu à ouvrir la bouche. Mais il n'avait pas le choix, aussi il articula :

— J'ai, il est vrai, peut-être malencontreusement, sans aucune volonté propre, égaré un trésor qui, bien que tu me l'ai offert sans doute possible, t'appartenait.

Il avait tenté d'enjoliver sa faute, mais en regardant le visage du vétéran, il comprit que c'était en vain. Lorsque le groupe s'approcha de lui, ce dernier tourna la tête vers Martin qui hocha la sienne. D'un mouvement rapide, Seth grimpa sur le cheval qui avait servi à le sauver de la pendaison, et son acolyte fit de même sur le sien. Le spadassin tenta de s'interposer, mais l'étalon se cabra et manqua de lui mettre un sabot au visage, aussi il n'eut d'autre choix que de s'écarter.

D'un coup de talon, le prisonnier lança l'animal au galop et s'enfuit vers la forêt. Il entendit celui de son compagnon derrière lui, ainsi que leurs poursuivants. Malheureusement pour eux, ils avaient toutes leurs affaires à transporter, ce qui rendait leur monture plus lente.

Quelques flèches volèrent près d'eux, puis les cris s'étouffèrent. Ils perdaient leurs traces. Les deux acolytes faisaient exprès de slalomer entre les arbres pour créer la confusion. Après plusieurs minutes de course, les poursuivants étaient loin, mais le fugitif ne s'arrêta pas pour autant.

— Continuons de galoper encore un peu, cria-t-il, j'aimerais mettre le plus de distance entre ce vieux rabougri et moi pour le moment.

— Bonne initiative.

— Merci, ça m'arrive de temps en temps.

Ils rigolèrent tandis que la forêt se densifiait. Estimant qu'ils étaient assez loin et en sécurité, Seth fit ralentir l'étalon au trot. Il observa son coéquipier, revenu à sa hauteur. Ce dernier avait un carquois dans le dos, et son magnifique arc dépassait de celui-ci. L'arme était chère au jeune garçon qui l'avait hérité de son père, ainsi que ses talents de tireur. Le mercenaire avait reconnu l’oeuvre de son ami sur la corde de l'échafaud. Sans lui, il serait mort.

— Je pense qu'on est bons, mais restons sur nos gardes, dit le rouquin en descendant et continuant à pied. Gobert n'est pas du genre à abandonner aussi facilement.

— Pas faux. Nous devrions retrouver le fleuve et remonter jusqu'à Telavire. De là-bas, on pourra reprendre des forces et reprendre notre activité discrètement.

— Telavire ? Mais c'est à des centaines de lieues d'ici !

— Je sais, mais c'est la ville la plus proche, puis il faut bien nourrir les chevaux.

Martin réfléchit un instant, puis répondit avec un hochement de tête.

— Ma foi, tu as raison. Au moins là-bas, on trouvera sûrement de quoi se refaire les poches. Évite de tout balancer dans les putes et la bière cette fois, merci.

Seth le prit comme une attaque personnelle et s'offusqua :

— C'était une exception. Elle m'avait promis quelque chose de grandiose. Au final, j'ai bien été arnaqué.

— Avec toi, c'est toujours une exception, pas étonnant que tu finisses toujours dans la rue, ou à dormir sur le sol de ma chambre.

S'arrêtant près d'un arbre, l'adolescent tendit les rênes à son ami puis s'accroupit pour effleurer l'herbe du bout des doigts. Quelque chose que le mercenaire trouvait impressionnant aussi de la part de son coéquipier : en plus d'être un archer habile, c'était un excellent pisteur. Perdre sa route à ses côtés était presque impossible, sauf quand il avait bu, auquel cas ses sens se brouillaient. Le garçon prit une profonde inspiration puis montra d'un geste la direction à prendre. Il récupéra son cheval et ils avancèrent dans la forêt.

En espérant que Gobert ne les poursuivait plus.

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