Acte 9 - Qui est-ce ?

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Camille fixait Ivan d'un air abasourdi, qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ici ? Dans le bureau de son patron, qui plus est. Le châtain le regardait toujours de manière amicale, comme si leur précédente rencontre au restaurant n'avait jamais eu lieu. Le jeune agent immobilier, voulant faire bonne figure devant son patron, fit comme s'il ne le connaissait pas également, et d'un ton sympathique le salua :

- « Bonjour et bienvenue dans l'entreprise, on vient de m'apprendre que je serai ton maître de stage. »

Ivan se leva et lui serra la main en lui répondant, le sourire aux lèvres :

- « Je ferai en sorte de vous satisfaire monsieur, je m'appelle Ivan, vous êtes Camille n'est-ce pas ? »

- « Oui, tout à fait ! Enchanté Ivan, je t'invite maintenant à me suivre jusqu'à mon bureau, tu vas m'expliquer les détails de ton stage. »

Ils se dirigèrent ensuite tous les deux en direction du bureau de Camille. Ce dernier scrutait le stagiaire de haut en bas. il portait les mêmes vêtements que la dernière fois, une paire de baskets avec trois bandes blanches sur les côtés, un pantalon noir, et cette fois-ci seulement sa chemise rouge carmin. Ses longs doigts étaient toujours sublimés par ses ongles peints en noir, et ses mains parsemées de veines bleutées légèrement visibles. Ses cheveux était légèrement en bataille et quelques mèches recouvraient gracieusement son visage. L'expression détendue de son visage et son regard assuré ne laissaient paraître aucun signe d'anxiété, par ailleurs il glissa même ses mains dans les poches de son pantalon juste avant de s'asseoir sur une chaise, à coté de celle de son tuteur, lorsqu'ils arrivèrent dans son bureau. Ivan posa son regard argent dans les yeux émeraude de Camille quand celui-ci allait s'installer, et intrigué, lui demanda :

- « Vous paraissez vachement jeune ! Vous avez quel âge ? »

Surpris et pris de court par cette question déplacée, le plus petit manqua de tomber en voulant s'asseoir, mais se rattrapa au coin de la table au dernier moment, puis il répondit tout de même :

- « Et bien, j'ai 22 ans ! Mais j'ai travaillé énormément pour en arriver là. Et toi as-tu ? »

- « Moi j'ai 25 ans, ça fait de moi ton aîné ! » Répondit Ivan en riant de manière malicieuse.

Camille, trop réceptif à ce genre de taquinerie, sentit son sang ne faire qu'un tour. Il serra les poings et une phrase s'échappa brusquement de sa bouche :

- « Et qu'est ce qu'un gars de 25 ans qui traîne dans un resto dégueulasse qui pue la mort vient foutre en stage ici, en fait ?! »

Le plus jeune mit aussitôt sa main devant sa bouche, les yeux écarquillés, il venait de parler sans réfléchir, et regrettait de s'être emporté si facilement. Cependant, Ivan, toujours aussi serein, répondit à l'agression de son supérieur par un sourire chaleureux suivit d'un léger rire. Il lui chuchota alors, sans aucune animosité :

- « Merde. Tu m'as reconnu ?»

Un long silence s'ensuivit. Camille regardait son interlocuteur, le visage blasé, commençant à penser que tout ceci n'était encore qu'une mauvaise blague. Il leva un sourcil, et d'un ton on ne peut plus sérieux, demanda au stagiaire :

- « Non mais, sérieusement ? Comment j'aurais pu ne pas te reconnaître ? T'étais littéralement à même pas quatre mètres de moi pendant l'entièreté de l'attente de mon repas, qui n'est jamais arrivé en plus ! Tu te foutrais pas un peu de ma gueule ? »

- « Ah, mais non ! Je t'assure ! Je pensais sincèrement que tu ne te serais pas souvenu de ça, excuse-moi ! Je voulais pas me moquer de toi, ou quoi que ce soit ! Je suis vraiment désolé, p'tit bonhomme ! » Répondit Ivan, tentant de s'expliquer.

Et là encore, le plus jeune sentit la colère monter. Comment ce stagiaire pouvait-il oser lui parler de cette façon ? Lui, qui venait d'arriver. Lui, qui agissait de manière si désinvolte. Lui, qui avait pris les derniers ramen. C'en était trop, Camille se leva et cria.

- « "P'tit bonhomme" ? Tu parle de qui là, sac à merde ?! »

L'ensemble des salariés travaillant dans les bureaux de la pièce se tourna vers Camille, bouche bée, comme s'ils venaient d'être témoins d'un meurtre. Leur petit Camille, c'est bien lui qui venait de crier ainsi, et en plus pour insulter quelqu'un ? Pour eux cette situation n'était même pas imaginable, qu'est-ce qui l'avait poussé à faire une telle chose ? Puis, attiré par cette scène comme un vautour par une carcasse, Hugo ne put s'empêcher d'approcher pour en profiter et cracher son venin une fois de plus :

- « Je crois qu'il parle de toi, mon petit Camille ! Il n'y a qu'une seule personne qui n'a pas mangé sa soupe ici ! »

Puis, pour rajouter de l'huile sur le feu qui brûlait déjà ardemment Camille, l'ensemble de ses hyènes de collègues se mirent à rires aux éclats en réponse à la blague de Hugo. Le plus petit, humilié, fou de rage, était à deux doigts d'exploser. Mais il ne pouvait rien dire et rien faire, son travail, son salaire, son logement et sa vie étaient en jeu. Il ravala alors ses paroles mentalement, cette sensation était aussi désagréable qu'avaler un cactus entier. Une boule lui nouait la gorge, il sentait les larmes monter à ses yeux qui devinrent alors brillants. Il baissa la tête et s'essaya à nouveau, laissant la colère et l'humiliation le submerger.

C'est alors que Ivan se leva, et se mit juste en face de Hugo. Avec un regard assassin mais invisible aux yeux du reste de l'audience, il lui dit à haute voix de sorte à être bien entendu par tous :

- « Faites attention, la plupart du temps on mange beaucoup de soupe quand on a plus de dents. »

Un sentiment de malaise s'installa dans l'ensemble de la pièce. Le simple stagiaire venait-il réellement de menacer l'alpha de la meute ? Pourquoi avoir fait cela ? Quelle que soit la réponse, les mots provocateurs du nouveau mirent à mal Hugo, qui lui demanda :

- « Ça veut dire quoi ça, au juste ? »

- « De quoi ? "Soupe" ? Vous utilisez des mots que vous ne connaissez pas ? » Répondit le stagiaire avec un regard rempli de compassion, comme s'il regardait un chiot maladroit. Quelques rires discrets s'élevèrent dans la salle.

- « Mais non, ta phrase ! Qu'est-ce qu'elle voulait dire ? » Demanda alors à nouveau le plus grand, déstabilisé. Pour la première fois au sein de l'entreprise, quelqu'un se dressait face à lui.

- « Ah, bah... Tu sais bien, un accident est vite arrivé. Surtout par les temps qui courent. Et tu sais on peut y laisser les dents des fois. » Rétorqua Ivan d'un ton arrogant. Cette fois-ci son regard était très froid et presque bestial.

Un silence pesant suivit cette phrase, et le grand Hugo recula de quelques pas. Il ne pouvait à présent que contempler sa propre défaite face à ce nouveau venu. Le stagiaire se retourna alors vers Camille, qui était encore bouche bée, il avait du mal à croire que quelqu'un ait enfin agit pour le protéger. Il se demandait pourquoi Ivan avait soudainement osé prendre ce risque, ce dernier aurait pu juste laisser couler, car après tout, ça ne le concernait pas. Mais le jeune stagiaire une fois de nouveau assis en face de son tuteur, lui lança un regard rempli de bienveillance et lui déclara :

- « Pardonnez moi monsieur, je promets de vous écouter très attentivement et de ne plus me disperser ! D'ailleurs par quoi allons nous commencer ? Je suis impatient de travailler avec vous ! »

Son petit maître de stage le regardait sans rien faire, comme paralysé, encore choqué et interloqué par ce qui venait de se passer avec Hugo. Mais qui était exactement ce Ivan ?

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