Acte 5 - Lendemain difficile

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La forte sonnerie stridente programmée la veille du téléphone tira Camille de son sommeil dans un sursaut étonnant. Il attrapa rapidement son portable afin d'arrêter son réveil, tout tenant son cœur brusqué.

- « Oh putain. Faut que je règle cette saloperie de volume, j'ai l'impression que mon cœur va sortir de mon torse ! » - s'exclama Camille.

Une fois l'horrible son arrêté, il frotta son visage afin de réactiver sa micro-circulation et se leva. Tout en se déplaçant jusqu'à sa cuisine, il cherchait sur son téléphone ce mystérieux restaurant sur Prit Adviseur afin de lui mettre la plus mauvaise note qu'il n'avait jamais donnée. Pendant qu'il recherchait inlassablement ledit établissement, il prépara son petit déjeuner, très sommaire : un simple bol de céréales sur lequel il versait son lait froid, il se servit également un verre de jus d'orange et s'essaya à la même place que pour son repas d'hier soir.

Tout en prenant une cuillerée de son petit déjeuner et en lâchant son téléphone portable, Camille s'exclama :

- « Mais c'est pas possible ! Même là-dessus, c'est des perdus dans ce resto ! Aucune info, rien ! C'est quand même dingue en 2020 d'être un restaurant et d'être totalement inconnu sur internet ! »

Tout en grommelant diverses insultes à l'encontre des deux hommes présents dans le restaurant la veille, le jeune homme énervé termina rapidement son bol de céréales, il ne fallait pas qu'il arrive en retard à son travail, surtout qu'à ce moment il n'avait plus de véhicule.

Une fois la petite quantité de nourriture consommée, il se leva, attrapa une chemise noire décorée de petits motifs de constellations, un jean slim noir, une petite paire de chaussettes à rayures noires et grises et un caleçon banal noir.

Il entra ensuite dans sa salle de bain et mit ses lentilles de contact. Ensuite il aspergea la peau de son torse et sa chemise de quelques spray de parfum. Il se vérifia ensuite dans le miroir tout en tâtant sa chevelure désordonnée dans son sommeil et mit rapidement de l'ordre dedans. Il termina son habillage en mettant sa paire de richelieus, en s'équipant d'un parapluie, et enfin il enfila un trench noir. Le jeune homme fin prêt sorti de son appartement tout en veillant à bien fermer sa porte à double tour.

Une fois sorti de son lotissement, Camille senti l'air frais de l'automne contre ses joues et son nez, il s'empressa de mettre ses mains au chaud dans ses poches et d'enfouir le bas de son visage dans le col de son imperméable. Bien que très pratiques pour ce climat, le petit homme n'était pas très à l'aise dans ce genre de vêtements. Il se sentait beaucoup mieux avec un simple sweatshirt ou un t-shirt et ses baskets, mais comme il travaillait dans le relationnel, il devait montrer un certain standing devant les différents clients. Il devait également cacher son caractère grossier et fougueux afin de paraître plus distingué et calme.

Camille n'appréciait pas forcément son métier, mais n'ayant qu'un DEUST Professions Immobilières, ses perspectives professionnelles étaient assez réduites. De plus, la peur de la précarité et du chômage guettait tout le monde, et il ne faisait pas exception, si bien qu'il n'avait jamais osé démissionner pour reprendre des études différentes ou chercher un nouveau travail. Il se sentait comme bloqué, aussi bien dans son monde professionnel que social, son travail lui occupant la plupart de son temps libre, et n'ayant pour seuls amis ses collègues qu'il n'appréciait pas forcément.

Camille n'avait gardé aucun contact avec ses diverses connaissances du lycée ou collège. Il n'était clairement pas un garçon populaire, sa petite taille lui faisant défaut aussi bien chez les garçons que chez la gente féminine. D'ailleurs son sale caractère ne l'aidait pas non plus à passer au-dessus des a priori physiques. En effet, qui dit caractère fougueux et sanguin, dit personne qui peut facilement devenir violente. Ce tempérament le rendait bagarreur malgré son petit gabarit, mais son courage ne le rendais pas plus fort et il subissait de sévères raclées la plupart du temps, si bien que sur le long terme, son courage se rapportait plus à de la témérité.

Mais dès lors que Camille entra dans le monde du travail, il comprit que pour sa survie, il était obligé de se contenir et de réagir avec plus de discernement. Il arriva donc au bout d'une dizaine de minutes de marche à son lieu de travail, et après une grande inspiration il passa la porte en verre. Avec un léger mouvement de main, il salua d'une voix morose l'ensemble de ses collègues :

- « Bonjour tout le monde. »

La plupart des salariés présents étant occupés au téléphone, aucun ne lui répondit, excepté une personne qui se leva, et dit d'un ton faussement enjoué :

- « Oh, bonjour mon petit Camille ! Mais dit moi, tu n'es pas en retard ce matin ! Félicitations ! »

C'était Hugo Ducollier, sûrement la personne que Camille détestait le plus au sein de ce bâtiment, mais aussi sûrement l'agent immobilier le plus doué qu'il connaissait, ce qui pour lui le rendait encore plus énervant. Hugo était un jeune homme de 29 ans, il travaillait à l'agence depuis 7 ans et était considéré comme le bras droit du patron, ce dernier le considérant même presque comme son propre fils. Cette relation faisait monter un sentiment de gêne et de dégoût chez Camille, qui ne cessait de frissonner lorsque ces deux-là s'adonnaient à leur petit numéro devant le reste des employés. Mais Hugo n'était pas qu'influent et professionnel, il était également incroyablement beau et comparé à Camille, lui, rentrait parfaitement dans les standards de beauté de la société actuelle : un mètre quatre-vingt cinq, yeux noisette, cheveux courts en dégradé toujours coiffés au millimètre, une barbe taillée à la perfection chez le meilleur barbier de Reims, une mâchoire carrée et séduisante, des lèvres pulpeuses qui cachaient des dents éclatantes de blancheur, des sourcils foncés arqués et un nez en trompette qui rajoutait un certain caractère à l'ensemble de son visage. Il avait une carrure sportive, loin de celle d'un sportif de haut niveau, mais une musculature qui imposait tout de même le respect à la différence du corps de Camille qui paraissait fragile en comparaison. Il était habillé d'un costume trois pièces bleu marine et portait une montre blanc platine qui ne quittait jamais son poignet.

Cependant, malgré son physique et le fait que Camille se retenait ardemment de le frapper au niveau des rotules, le plus petit ne se laissa pas impressionner et rétorqua d'un ton sec :

- « Ne t'en fais pas pour moi, va. Je sais bien que ça t'aurais fait plaisir que j'arrive en retard. »

- « Quoi ? Moi, si mesquin ? Oh non, voyons mon petit Camille, je ne suis pas un ogre ! D'ailleurs j'ai failli oublier ! Le patron m'a demandé de te transmettre une petite information. Ton rendez-vous pour la visite d'une maison sera à 9h00 au lieu de 10h00, j'espère que ça ne te dérange pas trop ! » - Annonça Hugo avec un air moqueur.

- « 9h00 ?! Mais, je viens d'arriver ! » - répondit Camille abasourdi par cette nouvelle.

- « Mais quel dommage ! » - rétorqua Hugo avec un sourire encore plus grand qui se dessina sur son visage « Tu veux que j'aille dire au patron que tu refuses, alors ? »

Un léger silence exprimait la réflexion de Camille, puis après un long soupir qui traduisit son agacement, il concéda.

- « Non c'est bon, laisse tomber, je vais y aller... »

Hugo posa sa main sur son épaule, et dans un large sourire hypocrite montrant sa satisfaction de la rétractation de son collègue, il retourna à son travail après, le laissant avec le lourd poids de l'humiliation comme seule présence.

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