Cinq minutes en Hyperloop

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En ce jour béni de fête des pères, toute la famille avait été invitée pour l'occasion à Quay Valley, une ville nouvelle, située entre San Francisco et Los Angeles, où résidaient mes parents depuis quelques années. Écologistes avant l'heure, ils n'avaient pas su résister à la tentation de s'établir dans cette communauté modèle, entièrement dédiée au développement durable, alimentée de manière autonome en énergie solaire. Loin d'être enclavé, cet endroit restait connecté en permanence grâce à l'Hyperloop : cette facilité d'accès, compte tenu de leur âge, avait été pour beaucoup dans le choix de leur décision. 


Toute à mes réflexions, bercée par la musique environnante, je n'avais pas entendu l'Hyperloop entrer en gare. Il faut dire que ce train supersonique avait encore de quoi surprendre, même après tous ces mois d'utilisation. À peine ce long tube blanc appelé  " pipeline " par mon frère, se trouvait-il à l'arrêt, que les portes transparentes s'entrouvrirent brusquement, pour me permettre enfin d'accéder au quai. Et alors que j'attendais patiemment que s'ouvre la paroi escamotable du tube donnant accès aux navettes, une voix se fit entendre  : San Francisco ! Trente secondes d'arrêt ! Aussitôt, un flot ininterrompu de passagers se précipita hors de ces dernières, tandis que de mon côté je tentais de me frayer un chemin à l'intérieur de l'une d'entre elles.


Une fois installée dans l'un des vingt-huit sièges qui composaient la capsule, une ceinture de sécurité épousant parfaitement les courbes de mon corps, vint automatiquement se plaquer contre moi. Puis les portes se refermèrent, allumant l'allée centrale ainsi que les écrans positionnés en lieu et place des fenêtres. Un paysage virtuel fut aussitôt projeté sur ces derniers : l'œil humain n'aurait pas supporté la réalité d'un défilement à très haute vitesse. Une première accélération me colla à mon siège. Elle ne devait durer que quelques minutes, avant qu'une deuxième ne permette enfin d'atteindre notre vitesse de croisière. Je n'avais que trente minutes de trajet avant d'arriver à Quay Valley, un gain de temps précieux, comparé à sa durée initiale. Et bien que la vitesse soit proche de celle du son, soit environ 1000 km/ h, on n'entendait pratiquement aucun bruit, ni frottement. Les sensations étaient même très proches de celles ressenties en avion. Alors que l'on évoluait à la surface de la Terre, on avait l'impression de voler sur l'air. 


J'avais même lu quelque part que les capsules, hermétiquement fermées, se déplaçaient sur un coussin d'air, propulsées par un champ magnétique grâce à des moteurs placés à l'intérieur du tube sous basse pression. Ceci expliquait peut-être cela. En tous les cas, ce système avait révolutionné à jamais le monde des transports, modifiant par là même nos habitudes de voyage. Le coût : vingt dollars le billet aller simple, et les temps de parcours considérablement réduits, n'étaient plus un frein à nos pérégrinations. Plus la peine non plus de s'enquérir de la météo avant le départ, quelles que soient les intempéries et les différents caprices de cette dernière, l'Hyperloop n'accusait jamais aucun retard. Il paraissait même qu'en cas de tremblements de terre, nous étions à l'abri. 


Je me demandais alors, quel pouvait être son point faible... Une trop grande consommation d'énergie ? Mais n'était-ce pas pour cette raison qu'ils avaient installé un système ingénieux de panneaux solaires sur la surface du tube ? Et que dire de ce fameux alliage dont ils avaient recouvert les navettes... Ils l'avaient surnommé : Le Vibranium, du nom du bouclier indestructible de Captain America. C'est vous dire... Sans parler des capteurs inhérents à ce matériau, capables de transmettre des informations sur la température, la stabilité et l'intégrité des capsules. Non, vraiment, il n'existait pas de moyen plus sûr de voyager. Elon Musk, lui-même avait assuré que l'Hyperloop ne pouvait ni dérailler, ni s'écraser ni même faire de tonneaux. L'engouement dont j'avais fait preuve dès le lancement de ce " vaisseau révolutionnaire ", ne faiblissait pas. 


Mais alors que j'observais les autres passagers, munis pour la plupart de casques à réalité virtuelle, se divertissant chacun dans un monde qui lui était propre, la navette accusa brusquement une forte accélération. L'on entendit alors, une voix métallique sortie de nulle part, répéter en boucle : Mesdames et Messieurs surtout veuillez garder votre calme. L'Hyperloop rencontre actuellement un problème technique, qui sera rapidement résolu. Merci de bien vouloir rester attaché à votre siège. Mesdames et Messieurs...


Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, en pleine zone désertique, venait de se produire la plus grosse chute de météorite jamais enregistrée. Cette dernière s'était sans doute décrochée de la ceinture d'astéroïdes, comme cela arrivait parfois, et venait de creuser un cratère de près de trois kilomètres de diamètre. Tout ceci aurait pu être sans gravité s'il ne s'était agi d'une météorite pourvue de champs magnétiques...


L'Hyperloop quant à lui, continuait d'avancer à vive allure. Son système de propulsion par accélération électromagnétique devenu incontrôlable, l'engin se frottait maintenant aux parois dans un vacarme assourdissant. À l'intérieur de la capsule, l'horreur pouvait se lire sur les visages, les corps ressemblaient à présent à des poupées de chiffon et semblaient comme incrustés dans leurs sièges. Tout était allé si vite ! Mon coeur battait à tout rompre. Je ne parvenais plus à rassembler mes idées, ma vision se brouillait alors qu'un voile rouge commençait à apparaître devant mes yeux. Ma respiration devenait de plus en plus difficile... Puis, comme happée par un trou noir, je perdis connaissance. 




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