Marie-Antoinette à François II

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Mon neveu,

Si je t'écris en ce jour gris d'effroi, c'est que je me trouve au plus mal. Ma main tremble, cela doit se voir au travers de ma plume, par l'encre se déversant inégalement. Depuis quelques jours, mon corps semble combattre d'étranges démons. Par crainte de ma mort, Robespierre, cet enfant du diable, a avancé mon procès à dans trois jours. Enfin, si je dis procès, je ne le crois guère. Par avance, je peux te dire que je serais condamnée à la Louisette. Bien que Robespierre ne m'ait rien dit explicitement, je sais que dans un peu moins d'un mois, je serais morte. Depuis huit mois, on recule mon exécution. J'étais, comme tu le sais déjà, condamnée à mourir le lendemain de l'exécution de feu mon mari le Roi de France - si, François, je persiste à lui garder ce titre qu'il a honoré malgré les difficultés et que, désormais, les Français tiennent en horreur -, mais un concours de circonstances a fait retarder le jour fatidique. La naissance de l'enfant que je porte signera ma mort. Quel sinistre présage pour ce petit qui n'aura rien demandé sinon de vivre...

La maladie qui me ronge a fait venir le médecin personnel de Robespierre à mon chevet. Ce sinistre personnage a trop peur de me perdre - avant mon exécution publique, évidemment - et de perdre l'enfant de Louis XVI qui sera, bien malheureusement, une monnaie d'échange pratique pour lui.

Bref. Je ne t'écris guère dans le but de m’apitoyer sur mon sort, ni, d'ailleurs, dans celui de te demander ma libération ( j'ai bien compris, cher François, l'accueil de ces dépêches). Non. Si je t'écris, c'est pour te demander - plutôt t'implorer - de faire toutes les transactions afin de récupérer mon enfant à naître. Quel qu’en soit le prix, échange mes enfants contre des prisonniers, qu'en sais-je ? mais sauve mes enfants de la Louisette, cet engin de malheur qui m'a déjà pris mon mari. Je serais prochainement sa victime, rien ne l'empêchera, mais fais en sorte que mes enfants ne soient pas les suivants sur la liste des condamnés. Ils sont innocents de tout, c'est une évidence, mais peut-être pas pour le peuple. J'ai déjà dû subir la perte de deux de mes enfants, Louis-Joseph et Sophie-Béatrice, mes petits devenus trop tôt des anges. Sept ans, onze mois de vie, sont-ce des âges pour mourir ? Marie-Thérèse a quinze ans, Louis-Charles à peine huit et mon dernier n'est même pas né. Je t'en prie, sauve mes enfants, qu'ils me survivent, qu'ils vivent dans l'innocence qu'ils n'ont pas pu connaître.

J'ai longtemps demandé à mes frères Joseph et Léopold, ton père, et, enfin, à toi, François, mon neveu, que vous me sauviez, que vous m'apportiez un semblant d'aide. Je n'ai jamais été exaucée alors même que vous avez une dette envers moi. Oui, François, tu as une dette envers moi, une dette jamais payée bien qu'elle remonte au temps de ma mère ta grand-mère. N'est-ce pas par moi que nos deux pays ont signé la paix ? N'est-ce pas mon mariage avec feu le Roi de France qui a servi vos intérêts ?

François, honore cette dette, je t'en prie, et sauve mes enfants.

Que cette lettre te porte mes espoirs,

Marie-Antoinette

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