PARTITION XIII : Bémol sur la portée Sylvestre (partie 1)

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Les membres les plus fragiles de la communauté se réfugient dans les profondeurs de la terre en file indienne. Je croise nombre d’entre eux en remontant à la surface. La terreur déforme leur visage. Des mèches blanches parsèment la chevelure de certains enfants. Je croyais cette couleur réservée aux plus âgés. Pleurs, murmures, désespoir règnent désormais, créant une symphonie désaccordée. Personne n’a la moindre idée de ce qui se trame. La seule règle à suivre : se terrer le plus loin possible de tous végétaux dès que la corne retentit. Certains regards m’implorent de les sauver tandis que d’autres affichent une mine abattue. Ces gens ont besoin d’espoir.

Quelque chose agrippe une de mes lianes et tire dessus. Je baisse la tête. De grands yeux sombres se lèvent vers moi.

— Toi Rio !

Le petit garçon acquiesce en applaudissant.

— Bravo !

D’une main, j’ébouriffe sa tignasse d’ébène. Il sourit. Soudain, une femme – probablement sa mère – saisit son bras et l’entraîne avec elle.

— Rio ! chuchote-t-elle, pensant que je ne l’entends pas. Ne t’approche pas d’elle, compris ?

— Mais maman, proteste-t-il, c’est mon amie !

L’écho de la foule m’empêchent de capter la suite de leur conversation. Je me détourne afin de continuer ma route et percute Mellys qui m’enlace avec la force du désespoir.

— Aide-nous, je t’en prie ! Irina m’a interdit de monter voir ce qui se passe, regrette-t-elle. Elle me traite toujours comme une enfant fragile.

Elle tape du pied sur le sol. Je caresse son visage, m’attarde au niveau du tissu qui cache son œil mort.Mon fardeau. Sa colère s’évanouit.

— Courageuse Mellys… Moi protéger vous de mon peuple. Toi veiller sur eux tous ici. Rio et autres. Grande mission.

Ses lèvres s’étirent, son iris bleu pétille. Je viens de lui offrir un but.

— Oui, tu as raison ! Merci Syl !

Une dernière accolade et je me retrouve seule. Plus haut, je pousse l’épaisse porte de pierre qui dissimule l’entrée du souterrain. À la hâte, je parcours les nombreux couloirs et escaliers de l’ancien hôtel jusqu’à ce que j’atteigne le hall. Dehors, j’aperçois l’Ordre et des sentinelles agités. Regroupés devant la grille, des humains – des hommes en majorité – Jak et le garde Carlos soutiennent Sing, dont une des jambes semble gravement blessée. Du sang s’écoule sous son pantalon.

— Syl ! Maintiens la porte ouverte ! m’ordonne le régent.

J’obéis. Une Ruka affolée surgit dans l’angle d’un mur armée d’une table d’examen sur roulettes. Elle a revêtu une tunique ample recouverte d’une large blouse blanche.

— Installez-le dessus, je vais aller l’examiner !

Elle croise mon regard et se contracte. Une vague de tristesse ondule dans ses énergies. Un froncement de sourcil plus tard, elle se détache de moi pour se préoccuper toute entière de son patient. Elle ne tarde pas à quitter les lieux. Redeviendrons-nous amies un jour ? Ma naïveté me perdra…

Je rejoins Jak. La défaite se lit sur ses traits soucieux.

— Attaque de Sylvanos ?

— Je ne sais pas vraiment, soupire-t-il. Mais on a perdu trois gars. À ce train-là, je ne donne pas cher de notre peau dans les mois à venir.

Il serre si fort ses poings que ses os craquent. Son chant évoque une complainte funeste.

— Bordel, on va devoir continuer à s’enterrer sous terre comme des rats ! Je ne sers à rien !

Il étouffe d’autres lamentations dans sa gorge, ignorant qu’elles émanent pourtant de son corps. Je pose un branchage consolateur sur son épaule.

— Jak, bon chef. Syl s’occuper de problème Sylvanos.

Il me fixe, une lueur d’optimisme dans ses prunelles grises. Son humeur maussade mue en aplomb.

Derrière lui, non loin de la grille, Caleb se dégage d’un groupe de guerriers. Il court dans notre direction. La pluie s’est remise à tomber drue. L’argile sur son visage laisse des traînées kaki peu esthétiques, mais personne ne l’importune avec ce genre de futilités. Il nous avise l’un l’autre en reprenant son souffle. Jak le serre dans ses bras d’un geste bref. Caleb gémit et son tuteur recule en l’examinant. Sur un de ses bras, une tâche rouge s’étend sur le tissu de sa veste.

— T’es blessé ! Va voir Ruka !

Caleb le repousse.

— C’est qu’une égratignure !

Jak affiche désormais une mine sévère.

— J’ai cru t’avoir perdu ! Tu as désobéi à mon ordre de repli !

— Désolé, mais je… je l’ai vu. Cet enfoiré était tout seul, putain ! Et il nous a… il nous a…, sa voix se brise. À lui tout seul…

Jak soulève son menton.

— OK, reprends-toi mon garçon ! Qu’as-tu vu ? Un Sylvanos ?

— Non, enfin il leur ressemble sauf qu’il est plus rapide, plus puissant. (Il réfléchit une seconde). Il n’a pas de sphère à son front.

— Un banni comme Syl ? l’interroge Jak.

Caleb grigne de dépit. Il essuie ses joues avec son bras.

— Peut-être, j’en sais rien. Mais ses yeux… Ses yeux n’ont rien à voir avec les siens, explique-t-il en me désignant. Ils sont remplis d’un liquide fluorescent. La même couleur que leur sève. En plus brillant et aussi plus flippant.

Je tressaille, ce qui n’échappe pas au régent.

— Tu sais quelque chose ?

— Moi déjà parler de l’union entre compagnons de vie. Cet être, véritable Enfant de Roi. Si Sylvanos origine humaine, progéniture issue de fusion race nouvelle. Dangereuse, sans pitié. Pire que Sylvanos. Mais avant, eux rares et rester proche Arbre-Roi. Maintenant, Père passer à l’action, comme dans cauchemars.

Je songe à l’Ancien. Son avis me serait précieux. J’ai pris l’habitude de le consulter régulièrement pour une meilleure adaptation à Anjos.

— On n’avait pas déjà assez de problèmes comme ça, faut encore un nouvel ennemi déterminé finir le travail ? hurle Caleb.

Il jette sa veste humide sur le sol, rageur.

— Diego où ? demandé-je à Jak.

Ce dernier balaye les lieux d’un regard.

— Il devrait être ici, déclare-t-il d’un air inquiet. Merde, il faut que j’aille voir si tout va bien.

— Moi y aller.

— Je t’accompagne, indique Caleb.

Je retiens un sourire de plaisir. La situation ne s’y prête pas.

— Très bien, accepte Jak. Allez-y, quant à moi, je fais réunir l’Ordre et nos soldats dans la salle du conseil. Nous devons élaborer une nouvelle stratégie.

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