-10- Le réveil

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— Est-ce qu’il est mort, papa ?

— Non, bien sûr que non… c’est la terreur des skraelings, il ne bouge plus et il ne respire plus.

— Ceux qui passent près de la mort blanche cessent de respirer, mais il y en a qui en reviennent… Timur est fort, il va se réveiller ne t’en fais pas.

Xaria interrompit la conversation entre le père et la fille.

— On dirait qu’il remue… il ouvre la bouche.

— Paaaaaaaaaas moooooooooort ! Gegnit Timur.

— Respire Timur ! Respire MAINTENANT ! Ordonna Xaria.

Timur émit un long grognement, plus un souffle immédiatement suivi par un nouveau grognement. Cependant, à l’exception de sa bouche et de sa poitrine, aucune autre partie du corps ne daigna remuer.

— Bon sang, pourquoi ne remue-t-il pas ? s’inquiéta Tylak

— On dirait un ours qui ronfle, fit Kyra en prenant la main du blessé.

C’est à ce moment précis que Timur se redressa en sursaut.

— Qu’est ce que c’est que ça ? Demanda-t-il brutalement ?

— Quoi donc ? Ça ? Répondit Kyra. Je les ai prise au chef skraelings. Celui qui obligeait les autres à creuser… On dirait des cristaux de glaces, mais ils sont plus durs et plus chaud ; le chef en voulait toujours plus et il tuait ceux qui ne creusaient pas.

— Comment ça va Timur ? Demanda le maître de chasse. Quand je t’ai vu en danger devant l’espèce de spectre, j’ai tué le shaman et j’ai cassé ses amulettes magiques une par une… finalement, je suis tombé sur la bonne.

— Oui, sûrement, répondit Timur en regardant la main de la fillette. Et tu m’as sauvé la vie. Kyra ! Ces drôles de cristaux sont connus des norrois, ils appellent ça des diamants et ils aiment bien en avoir.

— Alors je te les donnes ! Tu m’as sauvé la vie toi aussi, proclama la fillette en embrassant le blessé.

— Je ne sais pas si je peux…

— Tu peux ! Confirma Tylak. Nous avons gagné une grande bataille contre les skraelings, et c’est en grande partie grâce à toi. J’ai bien cru t’avoir perdu quand j’ai vu cette chose plonger son regard sur toi…

— oui-da ! Répondit Timur. J’ai cru être perdu moi aussi… quand j’ai vu les yeux de cette chose, j’ai vu en même temps plein d’autres choses… Je crois que c’était dans son esprit mais… c’était tellement…

— Bois donc quelque chose, proposa Xaria en lui tendant un bol. ça va te remettre.

Timur porta le récipient à ses lèvres. Il senti l’épaisseur de la graisse de morse et un arrière goût d’hydromel. Il se senti immédiatement mieux.

— J’ai vu des hommes en fourrures vertes pousser d’autres hommes, ainsi que des femmes et des enfants dans de grands traîneaux rouges. Puis, ces traîneaux se déplaçaient tout seuls vers d’immenses marmites ou ils étaient cuits tout vifs. Et d’autres hommes enfermés dans des cages qu’on laissait lentement mourir de faim.

— N’y pense plus ! Coupa Tylak. Nous savons tous que les démons font des choses horribles, ce n’est pas la peine de se torturer la tête avec ça.

— Cette chose n’était pas un démon, répondit Timur. C’était un homme avant… avant de devenir cette chose.

— On a vu un homme sous la glace, s’exclama Kyra. Les skraelings creusaient juste au dessus.

— Ah oui ? Demanda Timur tout à coup intéressé.

— Oui répondit Kyra. Du côté ou il y a… ça… qu’est ce que c’est, au loin ?

— Ah ça, grogna Tylak. C’est à cause de ça qu’on est ici… qu’est ce que tu crois que c’est ?

— Je ne sais pas, fit la fillette. On dirait une grande épée cassée et prise dans la glace…

— Oui, ça y ressemble, confirma Tylak. Mais alors ce serait une très très grande épée. Et même si on la voit, elle est très très loin d’ici. Il faudrait un homme cent fois plus grand que moi pour s’en servir… mille fois plus grand que moi. Ce que tu vois là, Kyra, ce sont les grottes d’acier d’Ussalab.

— Pourquoi elles s’appellent comme ça ?

— Parce que les égarés l’appellent comme ça… même que c’est écrit dessus dans leur langue : « U.S.S. Alab », ils ont mis les premières runes en plus grand pour qu’on les voie de loin.

Rien n’avait changé sur le lieux qui venait de connaître le plus grand massacre de skraelings des terres de glace. Xaria et Tylak s’étaient contentés de mettre sur le côté les corps des skraelings et de dégager l’endroit ou ils avaient commencé à creuser une vaste cavité. C’est là que Tylak guida Timur encore chancelant.

— On ne voit pas grand-chose, fit-il. Vous êtes sûrs qu’il est là ?

— Mais oui, regarde ! s’exclama Kyra. La forme noire… c’est un humain, comme les norrois et comme les égarés… même qu’il porte la même tenue que Malkom pendant les grands jours.

— C’est vrai, je le vois maintenant, confirma Timur. Et c’est la même tenue que mon père en effet… et la même tenue que les hommes que j’ai vu.

— Alors tu as juste rêvé, coupa Tylak. Tu étais gravement blessé et dans ton délire, tu as vu des hommes habillés comme ton père… Personne ne pourrait faire ce que tu as décrit. Ni les hommes ni les démons ne seraient assez…

Et soudain, il éclata de rire.

— Tu veux que je te dise, Timur, reprit-il. Je crois qu’il y a de drôles de choses dans ta tête.

— Je crois aussi que tu as rêvé, acquessa Xaria.

— Papa ! Depuis combien de temps il est là ? Demanda Kyra.

— Il faut beaucoup d’années pour que la glace devienne aussi dure, estima Tylak. Beaucoup d’années mais pas un siècle… Je crois qu’il est arrivé en même temps de Malkom et les autres égarés. Et comme il ne connaissait pas les dangers de la banquise, la glace a cédé sous son poids.

— Tu veux dire que s’il n’était pas tombé…

— S’il n’était pas tombé, poursuivi Tylak, nous l’aurions trouvé en même temps que les autres égarés, il aurait fait partie de la tribu et peut-être que ces fils seraient avec nous, avec Timur ou à sa place… en tout cas, il serait très vieux maintenant.

— Il faut qu’on parte, demanda Timur. Cet endroit est lugubre.

Sur ce point, ils étaient tous d’accord… seule Kyra, encore inconsciente du danger auquel elle venait d’échapper par miracle aurait voulu rester pour voir si on pouvait sortir l’homme de la glace, mais Tylak réussit à grand peine à la convaincre que, depuis le temps qu’il était là, il pouvait bien attendre une saison de plus.

Bientôt, les hommes des glaces rassemblèrent tout ce qui pouvait avoir de la valeur et les traîneaux repartirent laissant derrière eux un champ de bataille dévasté.

Et à une trentaine de mètre sous le niveau du sol, un caporal de la kriegsamarine serrait encore entre ses doigts un joyau étincelant.

-11- Epilogue

Je suis allongé sur le dos, j’ai mal à la tête — surtout du côté gauche — , je crois bien que je suis mort. A tout hasard j’ouvre les yeux pour vérifier. Le soleil me brûle l’oeil droit, je le referme aussitôt. L’oeil gauche ça va, je n’arrive plus à l’ouvrir… il faut que je m’habitue.

Comment ça va, Guthrum ?

Je reconnais cette voix… Snarzog. Combien de temps suis-je resté inconscient ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais en pensant que je suis resté allongé et sans défenses avec cette vipère lubrique pour seule compagnie, j’ai juste envie de vomir.

Je me redresse en gardant l’oeil fermé jusqu’à ce que je suis assis et je le cherche du regard. Je n’aime pas ça, il me sourit d’un air amical et il me tend un morceau de viande.

Mais bon, j’ai faim alors je mange.

C’est une main. Je me demande si ce n’est pas celle d’Holor.

Merci ! Que je lui dis. Pourquoi tu t’es donné tant de mal pour me sauver ?

Il faut qu’on rentre au pays, et j’ai besoin de toi.

Pour une fois il me fait rire tiens…

Évidemment que tu as besoin de moi. T’as jamais été très dégourdi hein ?

Non, mais toi tu es un puissant guerrier, et bientôt tu seras le chef de la horde.

Je me redresse. Même s’il n’est pas très futé, Snarzog a eu la bonne idée de rassembler vêtements, armes, pièces d’armures et nourriture… Il a juste oublié de rattraper les nagboar ou de récupérer un traîneau, mais je le ferai moi-même. Et ensuite, je déciderai si je l’emmène ou si je lui écrase son crâne de fouine.

Je sais que tu ne me tueras pas, dit-il. Tu as besoin de moi.

Il lit dans mes pensées maintenant ?

Non je ne te tuerai pas, que je dis rien que pour le rassurer. Essaie de trouver des planches de bois pas trop pourries, et pendant ce temps là je vais chercher les nagboar.

Les quoi ?

Les Nagboar, que je répète. On a une longue route, on ne va pas la faire à pieds

Et en plus, il devient sourd.

Ah oui, les sangliers géant, qu’il répond…

C’est la première fois que je l’entends prononcer ce mot là…

Il me faut une heure pour récupérer trois nagboars et un sac de lichens… juste assez pour les nourrir jusqu’à la tundra.

En me voyant revenir, Snarzog grommelle quelque chose dans sa barbe.

Qu’est ce que tu racontes ?

Je me parle à moi-même Guthrum, dit-il, tu ne comprendrais pas.

Et qu’est ce que tu te racontes à toi-même ?

Si le Doutche n’avait pas chassé le mage Alestaire, on n’en serait pas là.

T’as raison, j’ai rien compris.

Le pire, c’est que j’aime pas lui donner raison, et j’aime pas non plus qu’il comprenne quelque chose que moi je ne comprends pas.

Son regard est devenu bizarre, il y a une drôle de lumière dedans. Je ferais peut-être mieux de le tuer quand même...

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