Chapitre 13

3 minutes de lecture

 Bien que le loup ne nous ait pas encore montré sa queue, je subodore qu’on s’est engouffré dans sa gueule jusqu’à la glotte. La solitude dans laquelle l’absence de Faustine me plonge m’invite à la réflexion. Il est comme ça, le Sapiens redoublé, y’a que quand il est seulâbre qu’il se met à cogiter. Et ce que mes pensées me communiquent n’est pas du genre fleuri ou pimplochard. J’entrevois plutôt du mazout sur toute la ligne.

 Réfléchissez un peu. C’est fait ? Prenez un papier s’il faut. Je juge pas, tant que tout est clair… Bon. Eh bien avouez que les choses s’agencent mal, non ? D’abord y’a la taille de la maison. Immense. Insensée. Un royaume… Y ramasser ce qu’on est venu y chercher en ce qui nous est permis de temps relève de l’absurde, du fantasmagorique complet ! C’est kif les trains Bordeaux-Toulouse qui arrivent à l’heure : on sait qu’ils existent mais impossible de mettre la main dessus. La résignation c’est rarement dans mes manies, seulement il est des circonstances où faut savoir se garder les organes au frais plutôt que de jongler avec. Si qu’en plus tu rajoutes au tableau les cerbères, les gardes suisses, l’affreux portique et moi-même qui peine à exécuter une purée, j’en serais quitte pour le chapardage d’une breloque qui nous renflouerait tout juste l’essence du trajet. Comblé, parfaitement, avec si peu ! Une infime perlouze traînant sur un guéridon ; ou tenez, mieux encore : une partie de la dînette grand-standing héritée des ancêtres qu’avaient que ça à garder. Pas grand-chose en somme, un canif et une fourchette. Quelques couverts couverts d’argent. Humble quoi ! Pas difficile ! Tant qu’on se sort les glaouis intactes de ce traquenard, j’aurais le contentement au plafond.

 Au bout d’un quart d’heure à compter les moutons en surveillant la lourde, Faustine a toujours pas reparu. Je me risque à lui députer un texto pour connaître sa position, laquelle est probablement assise au vu de la réponse immédiate qui me revient : « Ai dépacé le bou de l’aile droite, me planke dans les ouatères à cose qu’un tipe passe. Rien trouvé de plusse, je continu ». J’exècre les statu quo. C’est de la glaise qui tournera fatalement flaque de boue, mais dont on est malgré ça obligé de se dorer la banane à attendre qu’elle fonde. J’en ai chasse de tuer les minutes. Pendant ce temps, ce que j’estime être le majordome continue de nous enduire de « derniers préparatifs », « il arrive » ou « attention c’est pour bientôt » mais on renifle bien que l’absence prolongée de Soulet lui cause de l’agacement. Le rôle d’intermédiaire le fout en renaud, il sait bien qu’on a beau saupoudrer tous les dictons qu’on veut c’est le messager sur qui on renverse la soupe. Ça doit faire une paye qu’il trime pour Soulet et ses retards lui pèsent à qui plus sur l’humeur. Il supporte plus. Aussi ponctue-t-il les allers-retours avant chaque nouvelle dépêche de pauses qui s’allongent comme ta cousine germaine devant un moniteur de ski.

 Tout ce circus participe à l’appesantissement des forces en présence. L’ambiance est plus lourde qu’un congrès sur la malbouffe se tenant aux States. L’inquiétude se dépose en zéphyr ; les cuistots ont peur que leurs langues de bœuf défraîchissent, que leurs fruits pourrissent, que le curry se désépice, que leurs tomates dérougissent, que leur lait petitsuisse, que leurs peaux se varicent, que leur amante syphilissent, et tant de préoccupantes prémisses à la compétition à venir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Smaguy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0