Chapitre 6

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 La nuit rayonne à l’huile sous les brandons léthargiques des lampadaires. De la confiture d’arrondissement s’étale sous mes grolles. Une à une, les rares bagnoles qui broutent encore sur les boulevards ajoutent leur suie à la noirceur des choses et bombardent vers les faubourgs. Ça dégage une atmosphère pas banale, Pantruche, quand la vie s’y suspend et que le bruit s’y étouffe. C’est comme si on avait cloqué un édredon taille mammouth sur l’ensemble, il y fait moelleux et oppressant en même temps. Nul ne peut se réclamer quintessence de parigot sans avoir fait la traversée en solitaire du pont des Arts de nuit. Courez-y, même si vous êtes en train de lire aux cagoinsses ; y’a pas, le Louvre comme en sérigraphie, fantômisé de partout, ça porte aux sentiments. Puis matez la Seine, oubliez-pas ! Un quart de tour et vous en prenez plein les bésicles. L’onde est rarement aussi sereine qu’à cet endroit. Y’a presque comme du Monet ou du Turner dans les reflets des feux de circule. Ça verdit (Giuseppe de son prénom), ça orangette et ça rougeoie à contretemps, à contre-eaux, à contre-œil, et ça vient chatouiller la pupille de songes engloutis.

 Pour tout dire, ça fait une pelle que je l’ai dépassé, l’écrin à Mona Lisa. Mes pinceaux m’ont mené jusque dans le dix-septième. J’y vadrouille en demi-sommeil, les façades floues au coin des globes, et les sens au repos. Je me laisse porter, tout bonnement. C’est le subconscient qui mouline, dans ces cas-là, il se met au turbin tandis que le reste s’assure juste que les rations de survie sont correctement distribuées, pas plus.

 La môme m’a refilé de la contrariété avec ses intrigues. Peinard j’étais à balbutier mon existence, à tremper mon réconfort dans la routine, aussi merdocharde soit-elle. Des quotidiens on se fait en moins de deux un coussin d’ouate, si on n’a pas ma force de caractère ! Un autre que moi-même, à nombre de carats similaire, aurait mis les bouts rondo en entendant la propoze de Faustine. Seulement moi l’emmerdance j’arrive pas à m’y complaire. Les pavillons avec mémère qui fantasmouille sur Rians Goslingue pendant qu’un clebs amputé des joues-d’en-bas me lèche les arpions au coin de la cheminée, je les lègue gracieusement à ceux que ça humidifie. Tant pis pour les risques, ça me coûterait de vivre à moitié. À la niche, Médor ! Dans deux semaines, on se paie le roi du pot-au-feu barquetté aluminium !

 C'est à bloc que j'atterris en bas de l'immeuble qui contient ma cambuse. Quand je débarque dans ma turne, il s’en dégage une odeur agréable qui pourrait se situer entre celle d’un pneu Michelin qu’on aurait fourré dans une rôtissoire et celle de ta belle-mère après qu’elle a enlevé ses chaussures consécutivement à une randonnée de cinq heures dans les gorges du Tarn. La raison en est simple, et s’impose d’elle-même à mes yeux après une analyse approfondie d’environ une minute et soixante secondes. Rodolphe est allongé dans le sofa qui fait aussi canapé, et couvre par ses ronflements le bruit du poste de télé qui hurle – heureuse coïncidence – les mérites des saucisses de Morteau de notre futur bienfaiteur. « Roulées Soulet aisselles » vante la licité (pourquoi on dirait toujours la pub ?). Si vous aviez encore des doutes, les voilà levés sur la varice au grand directeur : selon mes pensées qui sont pas plus dépréciables que les vôtres, Soulet a dû rogner sur l’enveloppe communication et les autres par sournoiserie ont refilé l’accouchement du slogan au stagiaire de troisième. Pour ce que j'en déduis quant à sa baraque, ça signifie un pactole hors du commun, mes ouailles ! Carré d’as ! Le triple 7 sans « nul si découvert » !

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