Réussite

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Le soir, avant le dîner, nous devons tous étudier dans la salle commune. C'est le moment qu'on choisit les Soeurs pour aller se laver. D'habitude, Père Victor nous fait les leçons. Comme il n'est pas là en ce moment, nous devons réviser les cours de la semaine dernière sous la surveillance de Soeur Marie-Jeanette. Cette dernière ne peut pas s'occuper de tout le monde donc je profite de son inatention pour rejoindre les douches, prendre la clé que Soeur Francine a laissé sur le lavabo et je cours à toute vitesse vers le cagibi pour retrouver mon livre. Cet endroit est plein d'objets en tout genre et je fouille dans tous les recoins pour y dénicher mon livre. Le temps presse, je dois me dépêcher. J'aperçois, en haut de l'étagère, un gros bouquin qui ressemble fortement au mien. Mais il est trop haut, je ne peux pas l'atteindre alors je décide d'escalader l'étagère qui tremble et qui peut s'écrouler à tout moment. Je finis par l'attraper et je redescends sans encombre. Je ferme le cagibi et je me précipite vers les douches pour y déposer la clé. Soeur Francine n'a pas terminé sa douche, il faut dire qu'il y a de la surface à nettoyer sur cette vieille peau. Je jette un oeil dans la salle commune, Soeur Marie-Jeanette est toujours occupé alors je me précipite dans le jardin et je cache mon livre sous les fleurs, je le recouvre d'un peu de terre pour que personne ne puisse le voir. Me revoilà dans la salle commune, je m'assoie et fais semblant d'étudier. Soeur Francine arrive et elle ne se doute de rien. Mission réussie.

* * *

Nous sommes tous en rang, deux par deux, le long du jardin et nous nous apprêtons à rejoindre l'église du village pour célébrer la messe de Pâques. Soeur Francine et Soeur Marie-Jeanette sont là. Elles nous encadrent pour éviter que l'un de nous se perdre. Je n'arrive pas à trouver un moment pour aller déterrer mon livre, je ne pourrais pas m'enfuir sans lui donc si je ne l'ai pas je serais condamné à rester enfermé dans cet endroit. Je dois aller le chercher. Soeur Francine remonte dans sa chambre, c'est le moment. Je me glisse discrètement dans le jardin, je fouille au fond des fleurs et je gratte le sol avec mes mains. Je ne le trouve plus. Ils me l'ont volé encore une fois. C'est terrible, ils doivent savoir que c'est moi qui l'ai caché et ils me réservent une punition digne de ce nom. Je me suis peut-être trompé de côté. Il est peut-être sous l'autre rangé de fleurs. Miracle ! Je le vois.

« Julien ! Sors du jardin et remets toi dans le rang ! Cria Soeur Marie-Jeanette. »

J'étais à deux doigts de l'avoir, il est juste là, sous mes yeux, mais je ne peux pas le prendre. Je dois me remettre dans les rangs pour éviter d'attirer l'attention. Soeur Francine revient, nous sommes prêts, nous allons partir et mon livre est toujours enterré dans le sol. Soeur Marie-Jeanette nous compte et Soeur Francine nous attend à l'extérieur de l'orphelinat. La porte de sortie se rapproche pour moi, je dois créer une diversion. Nous nous dirigeons vers la sortie et à chaque mètre que je parcours mon livre s'éloigne. Tant pis, je dois tenter quelque chose : le tout pour le tout. Je profite de l'inattention de mon voisin pour mettre un gros coup de pied au cul d'une fillette juste devant lui. Comme prévu, elle crie au scandale, quant à mon voisin il n'a pas le temps de redescendre de ses pensées qu'il se fait violemment hurler dessus. Soeur Marie-Jeanette intervient pour régler la situation, j'en profite pour courir vers le jardin où je peux récupérer mon livre et le cacher sous ma veste. Personne ne m'a vu, Soeur Francine entre et me fixe droit dans les yeux comme si j'étais responsable de la dispute. Je reste stoïque et Soeur Marie-Jeanette lui explique la situation. Mon voisin sera puni : c'est un dommage collatéral, mais il en valait le coup.

* * *

Nous sommes tous assis à droite du prêtre qui va assurer la cérémonie. L'ambiance est garantie et le spectacle est plutôt plaisant. Mais je ne dois pas me déconcentrer. Il faut que je trouve une porte de sortie et il faut le faire avant la cérémonie car ils n'oseront pas l'annuler pour aller chercher un sale gosse. Je demande à Soeur Marie-Jeanette d'aller aux toilettes. Elle refuse d'abord en disant qu'il fallait m'y prendre plus tôt. J'insiste en mimant une envie pressante qui ne peut attendre alors elle me conduit à la sortie derrière l'église et me supplie de me dépêcher. Elle ne m'attend pas, je suis dehors, je suis seul alors je cours aussi vite que je puisse. Je cours sans me retourner. Je ferme les yeux, je serre fort mon livre contre ma poitrine pour éviter qu'il ne tombe. Je vois la sortie du village et je m'arrête. Je me retourne. Il n'y a personne. Je suis libre, enfin.

* * *

Quel parfum extraordinaire qu'est la liberté ! Le soleil brille de mille feux. Je suis au beau milieu d'un chemin qu'empreinte les agriculteurs pour s'occuper de leurs champs. Mon coeur bat à dix milles coups par seconde. Je suis tellement heureux d'être là. Je longe une forêt où je peux voir des arbres immenses, des fleurs que je n'avais jamais vu. Les soeurs doivent sûrement me chercher partout. Je ferai mieux de plonger au coeur de la nature afin d'éviter qu'elles me retrouvent. Cette forêt est incroyable, il y a plein de papillons, des oiseaux et des plantes dont je ne connais même pas le nom. Maintenant que je suis libre je peux prendre mon temps alors je m'assois pour contempler cette merveille. Tous mes rêves viennent de se réaliser, je prends mon livre entre les mains : non, il n'est pas l'heure de le feuilleter. Je dois d'abord trouver un abri pour la nuit. Après quelques heures de marche je sors de la forêt et vois un village au loin. Je décide de m'y rendre. J'ai l'impression que tous les villages se ressemblent dans cette région. Celui-ci est comme mort, je ne vois aucun habitant. Je peux librement marcher au milieu de la route sans qu'aucune personne ne me le reproche. Arrivé à un carrefour je vois deux silhouettes au loin, je vais leur demander où je peux trouver refuge. Plus je m'approche et plus les silhouettes se dessinent : il y a une personne de dos qui discute avec un homme en uniforme. Derrière eux, je reconnais une église, l'église où j'étais tout à l'heure. Merde ! J'ai tourné en rond dans la forêt. Je suis revenu au village où je me suis enfui. L'homme en uniforme me voit et me pointe du doigt, la personne de dos se retourne : c'est Père Maximin. Il me regarde, les deux poings sur ses hanches. L'homme en uniforme se rapproche de moi et petit à petit je reconnais un policier. Marche arrière ! Je dois de nouveau courir. Je me retourne et je vois le Père Victor qui me fixe d'un air méchant. Je suis coincé. Je suis revenu moi-même dans le piège que j'avais quitté.

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