Ténèbres

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Le noir, la nuit, les ténèbres, voilà une chose qu'Alyce détestait. Pourtant, elle y sombrait souvent. Pour quelle raison ? Elle l'ignorait. Tout ce qu'elle savait c'est que lors de ces drôles de séances d'hypnose avec le "docteur bec immaculé" comme elle aimait le surnommer, elle avait l'impression de quitter son corps pour se retrouver dans une pièce sombre. Le problème, c'est que cette pièce ne possédait ni mur ni porte. Seul le noir résidait dans cette étrange ergastule. Aucun rai de lumière ne filtrait, aucun air ne circulait, aucun son ne se faisait entendre. Aussi, cette geôle se résumait à deux mots : silence et obscurité.

Alyce détestait cet endroit. Elle se demandait sans cesse où il se trouvait, comment en sortir, comment se libérer ? Jusqu'à présent, elle n'avait jamais compris comment elle atterrissait ici.

Pourtant, un jour alors qu'elle venait d'être envoyée dans ce réduit, une petite lueur apparut et elle regagna son enveloppe charnelle pendant quelques secondes. Celles-ci furent suffisantes pour permettre à Alyce de comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une prison fictive, mais d'une prison morale. Et comment elle y était envoyée ? Lors des séances d'hypnose. En d'autres termes, elle venait de réaliser qu'elle était manipulée par cet homme étrange. Cependant, une pièce au puzzle manquait : pourquoi ? Quel était l'intérêt de l'enfermer dans son esprit. Pour appeler quelqu'un d'autre ? Il semblerait bien.

Lorsqu'Alyce compris la machination du docteur diabolique, elle se mit en tête de récupérer tous les indices qui lui permettraient de saisir le fin mot de l'histoire. Petit à petit, à force de résistance, de concentration extrême, elle réussit à ouvrir une porte dans sa tête. Sans hésiter, elle s'y engouffra et démarra l'exploration de son esprit. Porte après porte, elle découvrit des souvenirs, observa des morceaux de mémoire. Une litanie revenait inlassablement : le sang, la mort, les roses. De l'écarlate et du noir. Dans sa tête, une voix très similaire à la sienne chantonnait une étrange ritournelle. Elle ne comprit pas la totalité des termes employés mais elle retint ceux-ci : Roses, mort et fleuriste.

Ce dernier l'interpella. La fleuriste, cette messagère de l'enfer qui répandait la mort autour d'elle faisait la une des journaux. Tout le monde en parlait, car un étrange détective avait repris l'affaire des mains de la police locale, celle-ci se trouvant dans une impasse.

Alyce se concentra davantage et continua à parcourir les méandres de sa cervelle malade. Au bout d'un long et fastidieux périple, elle tomba sur une ultime porte. Différente des autres, des dessins de roses étaient gravés dans le bois. La serrure arborait la même silhouette que ces fleurs. Impatiente et persuadée qu'elle aurait enfin la réponse à sa question, elle l'ouvrit et y pénétra.

Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit un immense champ à la nuance cinabrine parsemé d'épines acérés. Le champ des roses de l'enfer, se dit-elle. Avec précaution, elle s'y avança, chercha un hypothétique interlocuteur. Sans succès. Elle progressa dans la touffeur de l'air, les effluves de roses agressant ses narines, les épines lacérant ses genoux, écorchant ses chevilles, répendant son sang sur la terre, tel un fertilisant pour le sol aride des enfers. Épuisée par ses nombreuses plaies, elle s'écroula au milieu du champ et sombra dans l'inconscience. Elle se réveilla quelque temps plus tard et dans le flou du paysage aperçut une silhouette. Courageuse et déterminée à récupérer son corps, elle se releva et poursuivit sa route. Elle s'arrêta près de ladite ombre et se figea. Un démon aussi séduisant qu'effrayant admirait la culture des roses. Forme fuligineuse détonnant dans la monochromie carmin, elle était là immobile, irréelle, impalpable. Or, l'audace d'Alyce prit le dessus et elle s'aventura près de cette étrange apparation. À ce moment, le démon se retourna et la fixa, comme conscient de sa présence. Il claqua la langue et une ombre sauvage passa dans ses yeux mordorés entourés de blanc. Il paraissait autant agacé que surpris de trouver Alyce ici. Il soupira et s'adressa à la jeune fille :

  • Oh, on dirait bien que les séances d'hypnose de ce cher docteur ne font plus effet. Comment est-ce possible, il possède un fragment de mon pouvoir ? Tu ne devrais pas échapper à son contrôle, fillette.
  • Peut-être que son globe est ébréché ou qu'il n'utilise pas la source de pouvoir correctement. Répondit Alyce, un air narquois affiché sur son visage de poupée.

Le prince des démons ricana

  • Je te trouve bien audacieuse pour une si jeune âme, j'ai bien fait de te choisir, tu es un serviteur parfait. La fleuriste, ton double mène sa mission avec brio, elle répand la mort et la désolation partout dans l'espoir de retrouver son cher amour.
  • Ne parlez pas de lui comme ça ! s'offfusqua-t-elle.
  • Oh alors, vous n'êtes bien qu'une seule et même âme. Intéressant. Malheureusement, je ne peux pas te laisser contrecarrer mes plans, la partie n'est pas finie, au contraire elle vient de commencer.

À ces mots, il tendit la main et la posa sur la tête d'Alyce. La jeune fille ferma instantanément les yeux et tomba dans les bras de Lucifer. Il la maintint et murmura :

  • Maintenant, tu vas dormir pour l'éternité, plus jamais tu ne te réveilleras et la fleuriste te remplacera. Adieu Alyce.

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