Le prévôt (2/5)

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Ceci est la deuxième partie de la plaidoirie de Saalyn. Les trois questions posées dans la partie précédente trouvent leur réponse ici.


L’officier impérial hocha la tête.

— Pendant les deux siècles de sa vie, Tranar a vendu son corps pour obtenir quelque chose qui lui revenait de droit. Ces paysans ont exploité une handicapée en lui faisant croire qu’elle était pauvre et ont abusé d’elle. Certes, elle savait qu’elle possédait beaucoup de terre, mais elle pensait qu’il s’agissait de pâturages de faible valeur agricole impossible à cultiver. Et le fait qu’autour de sa maison ça l’était. C’est d’ailleurs pour cela que son grand-père l’avait construite à cet endroit, pour éviter de gaspiller de la bonne terre fertile.

— Donc ces paysans ont laissé de ces terres en friche pendant deux siècles.

— En friche ? Les propriétés de Tranisanar se trouvent à l’ouest du village, le long de la rivière jusqu’au village où ils prennent fin contre la morgue. C’est par là que vous êtes arrivés. Ces terres vous semblaient-elles en friche ? demandais-je.

— J’ai vu des champs en pleine culture, répondit le prévôt.

— Exactement. Les champs de la victime n’étaient pas abandonnés à la nature. Ils étaient utilisés par les villageois pour leur propre usage. La conformation vallonnée du terrain l’avait empêchée de s’en apercevoir. Non content de la tromper, elle avait donc été spoliée de ses biens.

Je fis une pause tout en observant l’assistance. Certains semblaient mal à l’aise. Je pensais que ceux-là n’avaient pas participé au vol. Mais ils s’étaient tus quand ils auraient dû parler. Je repris.

— Cet arrangement a marché tant que Tranisanar a été jeune et belle. Mais quand elle est devenue vieille, il n’a plus tenu. Elle s’est donc retrouvée dans la misère. Il ne lui restait plus qu’une seule solution : vendre son bien. Parcelle par parcelle, elle s’est séparée de son héritage. Elle croyait donner des pâturages de faible valeur et les paysans lui présentaient cela comme une faveur, un moyen de l’aider. En réalité, ce qu’ils achetaient pour une bouchée de pain, c’était une bonne terre céréalière, hautement productive.

— Et cette femme ne s’est rendu compte de rien ?

— La maladie dont elle souffrait présente divers niveaux de gravité. Pour les plus bénins, elle se limite à la perte de contrôle de certains muscles. Mais pour les cas les plus sérieux, le cerveau est atteint également. Le jugement est mis en cause. Il est probable qu’elle était dans ce cas. Sinon elle aurait compris que son père n’aurait jamais pu vivre comme elle a vécu si ses terres avaient été improductives.

Personne ne dit rien.


Vous savez maintenant comment Tranisanar vivait. Cela vous donne-t-il une indication sur le mobile de ce meurtre ?

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